Du complot contre la sûreté intérieure de l’État ?
Depuis plusieurs années, quand un pouvoir politique se sent menacé de renversement, les hommes du pouvoir brandissent toujours l’expression : « complot contre la sûreté intérieure de l’État ». Et, à chaque fois que cela se fait, il est fort probable que l’on enregistre des vagues d’arrestations d’opposants politiques, jusqu’au renversement du régime.
De Duvalier à Ariel Henry, cette pratique a toujours existé. On se rappelle les vagues d’arrestations suivies d’exil sous Jean-Claude Duvalier ; l’on se souvient aussi des interventions brutales de l’armée. Plus près de nous, l’ex-député, Arnel Bélizaire a été traqué pour un simple mot mal utilisé. Et il avait passé plusieurs mois en prison. Le comédien, bien connu sous le nom de Mathias Dandor, a connu l’exil pour le simple geste tendant au renversement d’une gerbe de fleurs, etc. Aujourd’hui, c’est le tour de monsieur Marcelin, mieux connu sous le nom de « Arab la ».
En effet, il convient de souligner que Duvalier, pour mieux asseoir sa dictature, il utilisait la loi. Pour monter sa milice et donner à cette dernière une couverture légale, il avait fait publier un décret modifiant le nom de l’Armée d’Haïti, en Forces Armées d’Haïti. Son fils Jean-Claude, voyant son pouvoir menacé, avait vite fait de publier un décret, le 23 septembre 1985, soit quatre (04) mois avant sa chute, condamnant les moindres mouvements tendant au renversement de son pouvoir. Et c’est ce décret qu’on applique jusqu’aujourd’hui pour maîtriser tout opposant farouche.
Ce décret, inséré dans le code pénal, en ses articles 63 et suivants, 65, 66 et 67, disposent suffisamment d’éléments pour persécuter les opposants à un pouvoir et masquer toutes formes de persécutions politiques. Je prends le soin de transcrire textuellement ces articles de ce décret insérés dans le code pénal haïtien.
« L’attentat contre la vie ou contre la personne du chef de l’État sera puni de détention. » (Article 63)
« – Les attentats et complots dont le but sera de porter atteinte à la vie des membres du Pouvoir Exécutif seront punis de la détention. La peine sera de quinze ans. Les attentats et complots dont le but sera de porter atteinte à la vie d’un membre du Pouvoir de l’État, d’un haut fonctionnaire civil, ou d’un membre des Forces Armées d’Haïti seront punis de la détention. La peine sera de dix ans au moins et de douze ans au plus. » (Article 63 bis)
« L’attentat dont le but sera : Soit de détruire ou de changer le Gouvernement, soit d’exciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité du chef de l’État, sera puni de détention. (Ainsi modifié par le décret du 23 septembre 1985). » (Article 64)
« Les attentats et complots dont le but sera de détruire les institutions politiques ou de changer le Gouvernement, d’exciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité du chef de l’État seront punis de la détention. La peine sera de dix ans au moins et de quinze ans au plus. »
« Le complot qui aura pour but les crimes mentionnés aux précédents sera puni de la détention. »
Je souhaite qu’un jour une législation voit la nécessité de revoir ce décret pour sauver notre démocratie.
Me Inseul Salomon
Avocat, Sociologue