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Un Conseil Présidentiel de 7 membres, à la tête du pays, est-ce pour bientôt?

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C’est une démarche boiteuse au mieux, bizarre certainement, mais il fallait bien entreprendre quelque chose, même inédit, pour tenter de sortir le pays de cette ornière.  Là où un premier ministre plénipotentiaire avait lamentablement échoué à faire bouger un tant soit peu l’aiguille politique et a même aggravé la situation, en la laissant se détériorer à vue d’œil, sans rien entreprendre pour tenter d’améliorer les choses, il fallait agir, quitte à essayer de nouvelles avenues, à première vue très difficiles.  Et, c’est justement en quoi consiste, à mon humble avis, l’expérience en cours d’exécution avec ce Conseil Présidentiel de 7 membres votants, secondé par 2 observateurs non-votants.  Nous serions en pleine expérimentation d’une formule inédite, à en croire certains.  Et, de cela, peut sortir tout ou n’importe quoi.  Ce serait, dit-on, un saut vers l’inconnu.  Mais est-ce vraiment le cas, en ce qui concerne l’État haïtien?

Voilà déjà plus de 20 jours que le premier ministre Ariel Henry a déclaré forfait et a jeté la serviette.  Il était plus que temps pour lui de le faire car il ne paraissait plus pouvoir gagner ses paris.  Et une autre rallonge de son mandat, comme il le demandait, n’annonçait rien de bon.  18 ou 24 mois plus tard, il y aurait fort à parier qu’on se retrouverait au même point, sinon pire encore, bien en deçà de la case de départ, sans aucune élection ni aucune préparation en ce sens, avec en surcroît, des forces kenyanes sur le terrain, en sous-effectif et incapables de répondre à la situation d’insécurité qu’elles étaient supposées aider à corriger.  Abse sou klou, dirait la malice populaire, et avec raison.   Alors, il fallait entreprendre quelque chose, d’où cet attelage assez bizarre.

Plusieurs questions s’imposent dès le départ.  Pourquoi un Conseil Présidentiel de 7 membres et pas un de 3 membres ?   Et pourquoi pas faire usage d’un juge de la Cour de Cassation pour le présider et s’éviter une autre occasion de foire à l’empoigne entre tous ces différents candidats potentiels à ce poste ?   Les réponses à ces questions ne sont pas simples ni dénuées de bon sens.  Tout d’abord, bon nombre de partis politiques se méfieraient de ces juges à la Cour de Cassation qui, pour la plupart, ambitionneraient déjà d’occuper la présidence par des voies détournées.  On n’est plus à l’époque de la juge Ertha Pascal Trouillot, ni même du juge Boniface Alexandre qui étaient des personnalités plus ou moins effacées et qui laissaient toute la marge de manœuvre à leurs ministres respectifs, pour gérer les dossiers relevant de leur compétence.  Ils se contentaient de jouer aux arbitres et sanctionnaient, tout simplement, les actes des gouvernements provisoires, pour autant qu’ils étaient relativement conformes à la Constitution du pays et aux mandats expressément qui leur étaient confiés.  Tout le monde politique était quand même sur ses gardes et veillaient à tous errements potentiels.  Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.  Le monde des juges serait peuplé de candidats à la présidence non déclarés, à l‘affut de la première opportunité pour s’emparer, avec ou sans partage, de ce fauteuil.  D’ailleurs, 8 d’entre eux ont été nommés, il y a tout juste une année, de façon totalement irrégulière, par le premier ministre Ariel Henry.  Alors, de là à penser à des connivences possibles entre le premier ministre démissionnaire et un de ces juges, le pas est facilement franchi.   D’où cette volonté de les tenir à l’écart de toutes les tentations, de toutes velléités d’accomplir un autre forfait.  

Mais pourquoi 7 membres votants et 2 observateurs non-votants?  À la vérité, nous n’en sommes pas vraiment à une première expérience de ce genre en nos 220 années d’histoire de peuple indépendant.  Il suffit de revisiter la liste des chefs d’États et de gouvernements pour le constater.  Nous en serions à notre douzième Conseil de gouvernement, Conseil Révolutionnaire ou Comité  de Salut Public, composé de 3 et jusqu’à 11 membres. Il y eut même un Comité Révolutionnaire de 17 membres, imaginez, qui dirigea brièvement le pays, du 15 au 23 avril 1876.  C’est dire que nous sommes plutôt bien rompus à cette pratique, et que les Conseils de gouvernement, de tailles diverses, ne sont pas une nouveauté chez nous.  Par contre, en dehors des situations où un militaire ou un juge s’imposait comme président de ce groupe, il a souvent été assez ardu et compliqué à décider qui en sera le chef.  Et nous en sommes là, à nouveau aujourd’hui.  Le conclave n’a pas encore pu trancher la question et aucune fumée blanche ne s’élève à l’horizon.

Toutefois, progressivement, la structure émerge et semble prendre forme.  Les sept membres de ce Conseil étaient connus hier, jusqu’au désistement de la déléguée de EDE-RED-Compromis.  Mme Dominique Dupuy, qui s’annonçait comme une prise intéressante pour cet aréopage tout masculin, s’en est retiré publiquement dimanche.  EDE-RED-Compromis en est déjà à sa 2e candidate à rater l’arrimage.  Précédemment, sa déléguée, Mme Momplaisir, avait été retirée par ce parti, pour être remplacée par Mme Dupuy qui vient de jeter l’éponge.  Cette dernière serait déjà vite remplacée par un homme, cette fois-ci, M. Smith Augustin.  Décidément, comme l’on dit : jamais deux sans trois…  Comment a-t-on pu faire autant de va-et-vient de la part de ce mouvement politique, juste pour le choix d’un membre à déléguer au Conseil Présidentiel?  Si seulement choisir un représentant devient un Golgotha, qu’en sera-t-il alors, quand viendra le temps de prendre les grandes décisions pour ramener ce pays dans la normalité?  Il y a aussi le Parti Pitit Desalin qui vient de voir la lumière, un peu comme l’Apôtre Paul sur le chemin de Damas, pour se convertir aux vertus de ce Conseil Présidentiel, après l’avoir rejeté publiquement.  Il avait dans ses plans, son propre Comité présidentiel de 3 membres, et le révolutionnaire Guy Philippe en aurait été le président, sans conteste.  Enfin!   Toutefois, les nuits et « des ambassadeurs amis » auraient porté conseil au directoire du Parti Pitit Desalin, sinon strictement à son secrétaire général, M. Jean-Charles Moïse, qui se serait alors ravisé, mais non sans bisbille avec son parti, pour déléguer un juge qui siégerait encore au Conseil Présidentiel, aux dernières nouvelles.   Ouf!  On l’aura échappé belle cette fois.  Ala kanna gen plim, mezanmi, comme disait l’autre !  Que de péripéties pour un siège à ce Conseil Présidentiel!

Mais tout cela, on l’avait un peu anticipé.  Le dysfonctionnement étant généralisé au pays, il fallait un peu s’attendre à ce que certains des individus et des jeunes partis ou regroupements politiques qui le constituent, reflètent cette situation dans leur dégaine sociale et personnelle aussi.  Et ce n’est pas tellement mieux chez les plus anciennes «  formations politiques » non plus.   Comme quoi, le dysfonctionnement sociétal est une affection très contagieuse qui finit par atteindre toutes les strates de la société, toutes les sphères, même celles qui furent jadis les plus sophistiquées, toutes nos élites.  

Cela n’empêche pas de noter un certain avancement dans la démarche en cours pour l’installation de ce Conseil Présidentiel.  Les règles et les mécanismes de fonctionnement, paraît-il, ont déjà fait l’objet de discussion en ce Dimanche des Rameaux, et auraient été adoptés, selon des sources dignes de confiance.   Cela avait causé quelques commotions dans les rangs des observateurs.  Il paraîtrait que l’un d’entre eux n’avait pas tout à fait compris la nuance entre les prérogatives d’un membre du Conseil Présidentiel et celles plus restreintes, naturellement, accordées à un observateur.  Il n’en fallait pas plus pour que la moutarde ne monte au nez de M. René Jean-Jumeau, l’observateur en question ( pour ne pas le nommer), qui ne serait d’ailleurs pas tout à fait en odeur de sainteté en ce qui concerne les règlements d’admission à ce cénacle.  Un des critères d’exclusion comme membre du Conseil Présidentiel ou comme observateur, concernerait justement le fait d’avoir une cause pendante devant une cour quelconque.  Alors, M. Jean-Jumeau serait actuellement assis sur un siège éjectable, sans le savoir.  La rumeur voudrait même que son éjection soit déjà chose faite, et cela, en raison de sa gestion des Fonds PetroCaribe, en tant qu’ex-ministre délégué à la Sécurité énergétique auprès du premier ministre.   

Cependant, à en croire Radio Métronome, l’élection d’un président du Conseil Présidentiel pourrait être décidée d’ici à demain, peut-être dans les prochaines 72 heures, si seulement on y parvient enfin.  Les candidats en lice seraient Fritz Alphonse Jean, Edgard Leblanc Fils et Louis Gérard Gilles.  Toutefois, il ne faudrait pas se surprendre d’y constater d’autres soubresauts.  Ce ne sera certainement pas simple de mener à terme cette expérience.  Le dossier du Conseil Présidentiel avance donc à petits pas et devrait franchir d’autres étapes cette semaine.  Il y aura encore beaucoup de choses à faire, et l’installation de ce Conseil sera tout, sauf une simple promenade de santé.  Mais il fallait faire quelque chose, il fallait tenter une expérience car, définitivement, la  gouvernance d’Ariel Henry n’allait nulle part et la situation au pays empirait à vue d’œil.  Cette démarche n’est pas une garantie de succès dans la résolution de nos problèmes, ce ne sera pas sans risque d’échec, ni sans écueils.  Toutefois, on aura au moins tenté de faire quelque chose qui vaille.  Le statu quo n’était pas une option, la solution du pire, proposée par Moïse Jean-Charles et son comparse Guy Philippe, ne l’était pas non plus.  C’était une absurdité sans nom qui nous ferait passer du statut  peu enviable d’État failli, à celui exécrable, d’un État paria, présidé par un ex-tôlard, fraîchement sorti de prison où il vient de purger une condamnation pour crimes transnationaux de nature infâmante.   C’aurait été alors, pour le pays, un saut définitif et peut-être sans rédemption, dans la Géhenne et l’Oblivion.

Pierre-Michel Augustin

le 26 mars 2024

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