De l’amnistie ou pardon total
La Constitution haïtienne autorise l’amnistie seulement pour raisons politiques.
En effet, la question d’amnistie était déjà soulevée par la Commission Nationale de Désarmement et de Réinsertion (CNDDR) qui, par le biais de son porte-parole au d’une intervention publique, avait plaidé en faveur de l’amnistie pour les bandits armés ayant terrorisé la population. Nous avions publié un article en ce sens pour expliquer ce que dit la loi. Aujourd’hui encore, la question refait surface et, cette fois, c’est Guy Philippe qui l’invoque, encore pour les bandits armés qui n’ont jamais songé à mettre fin à leurs exactions. Ainsi, pour apporter encore une fois, un peu de clarté, nous reproduisons l’article in extenso.
« Nulle part il n’est mentionné qu’on peut accorder d’amnistie à un criminel de droit commun.
Encouragés par des politicards et trop souvent soutenus par des officiels du pouvoir politique, les gangs armés envahissent le pays. Ils volent, violent, enlèvent et pillent. Dans cette situation, on trouve une sorte de pègre politique, menée par des ténors de l’équipe «Tèt Kale» qui règne depuis plus de dix ans et qui veut garder le pouvoir à tout prix; certains acteurs politiques qui gardent leurs rapports de toujours avec ces malfrats et une pègre économique qui profite du trafic illégal des armes.
Le cynisme du président Jovenel Moïse l’avait même poussé à fédérer des gangs. L’on se rappelle que c’est une commission présidentielle qui les avait fédérés. Et le porte-parole de cette Commission, monsieur Jean Rebel Dorcénat, dans des nombreuses interventions et peut-être sans le savoir, il joue aussi le rôle de porte-parole de cette vaste association de malfaiteurs, au lieu de celui de la Commission pour laquelle il dit travailler. Et c’est ce même monsieur Dorcénat qui, toujours dans son rôle de porte-parole, vient d’annoncer malheureusement dans la presse, que les gangs veulent avoir une amnistie et des postes dans le gouvernement.
L’amnistie est un acte qui consiste à accorder un pardon total à une personne ou à un groupe de personnes ayant commis des fautes dans le passé. Il est synonyme d’oubli. Mais le problème est le suivant : Est-ce que le gouvernement peut se mettre à la place des victimes, pour accorder le pardon aux malfrats? Peut-il forcer des gens à oublier les actes horribles de ces bandits? Pourrait-il contraindre les victimes à ne pas porter et /ou soutenir leur plainte?
L’amnistie n’est pas un concept essentiellement et exclusivement politique. Cependant, on en entend plus parler sur le plan politique. Maintenant, voyons cette demande d’amnistie en référence à nos lois.
Un seul article de la Constitution peut servir de référence pour comprendre la demande de monsieur Dorcénat. Et c’est l’article 147 de la Constitution du 29 mars 1987 qui dit :
«L’amnistie ne peut être accordée qu’en matière politique et dans les conditions prévues par la loi.»
Enlever des gens qui n’ont rien à voir à la politique et exiger des rançons pour les libérer; violer femmes et enfants, voler et piller des marchandises des citoyens, ce ne sont pas des actes politiques. Or, ces actes sont des spécialités même du G-9. Ces actes constituent des crimes purement de droits communs. En plus, pour qu’il y ait amnistie, à comprendre l’article 147, il faut une loi d’amnistie qui est une loi spéciale qui précise clairement ceux qui doivent en bénéficier et les conditions selon lesquelles, on peut amnistier.
Autres choses que l’on pourrait considérer, c’est le droit de grâce. Là encore, il est clair que la grâce n’est pas accordée d’office. Il faut d’abord une condamnation. C’est l’article 146 qui précise :
«Le président a le droit de grâce et de commutation des peines relativement à toute condamnation passée, en force jugée, à l’exception des condamnations prononcées par la Haute Cour de Justice, ainsi qu’il est prévu dans la présente Constitution.»
Enfin, ce serait trop facile qu’après avoir commis autant de crimes de droit commun, s’il suffisait de se dire révolutionnaire pour ensuite obtenir une amnistie et revenir ridiculiser ses propres victimes. Ce serait alors une société de criminels. »
Me Inseul Salomon
Avocat, sociologue