Que risque Ariel Henry?
Nous sommes d’accord que le pouvoir en place, dirigé par Ariel Henry depuis la mort du
Président Jovenel Moïse, est totalement dépourvu de légitimité. C’est comme un groupe de
malfrats qui accapareraient l’administration publique et qui feraient n’importe quoi.
Or, la constitution, comme nous l’avons dit dans l’article précédent, définit déjà les
règles de la dévolution du pouvoir.
Cela étant, personne ne peut passer outre ces dispositions constitutionnelles, si l’on
veut occuper un poste politique dont les conditions pour ce faire sont déjà établies.
Selon un principe universel et renforcé par la doctrine, la constitution est
d’interprétation stricte. C’est-à-dire qu’on applique à la lettre ce qui est dit.
En Haïti, jusqu’ici, nous vivons sous l’empire de la Constitution du 29 mars 1987. Et
c’est cette constitution qui, malgré l’amendement de 2011, définit comment on peut accéder à
la fonction de chef de l’État et de Premier Ministre.
1- Être élu, c’est-à-dire aller aux élections et prendre officiellement son
investiture (articles 133, 134 et suivants, article 135);
2- Être président provisoire, en cas d’incapacité dûment constatée, d’un président
élu (articles 148, 249 et suivants).
Et pour le Premier ministre, il faut non seulement les conditions requises, en termes de
qualification, mais aussi un vote du Parlement. En dehors de ces cas, tout individu qui occupe
la fonction de chef d’État et/ou de Premier ministre, est un président ou un premier ministre
de facto, un chef qui n’a aucune base légale et constitutionnelle.
En effet, depuis le 7 juillet 2021, Haïti vit une situation de rupture de l’ordre
constitutionnel. Jovenel Moïse est mort malheureusement au pouvoir, laissant derrière lui des
grands vides institutionnels où les trois pouvoirs de l’État sont affectés et dysfonctionnels. Il
n’y a donc aucune solution constitutionnelle et légale.
En matière politique, dans une situation de grand vide institutionnel où aucune
solution légale n’est possible, on peut toujours faire appel à un consensus. Comme dit le vieil
adage: « un mauvais arrangement est mieux qu’un procès». Notre situation exige un
consensus national, pour revenir ensuite à la normale.
Légalement, monsieur Ariel Henry pourra être poursuivi à n’importe quel moment.
Sans ce consensus, il risque gros à l’avenir. Il a préféré confisquer le pouvoir dans ses intérêts
mesquins, laissant crever le peuple dans la misère, avec une complicité exagérée et un
penchant exacerbé pour les gangs qui le terrorisent.
N’importe quel pouvoir, qui viendra après, pourra exercer des poursuites contre lui et
ses acolytes. Et il n’aura aucune excuse pour ses dérives.
M e Inseul Salomon
Avocat, sociologue.