À l’issue de cinq journées de négociations auxquelles participait le Premier Ministre de facto Ariel Henry, rien n’a bougé, les protagonistes campent sur leur position, éloignant une fois de plus une solution à la crise politique. L’opposition et les alliés du pouvoir s’accusent mutuellement de l’échec des négociations.
L’opposition et les proches du pouvoir s’accusent mutuellement d’être trop irréductibles, ce qui a conduit à l’échec des négociations. Sans aucun accord, sans même une avancée majeure dans les négociations, le Groupe des Éminentes Personnalités de la CARICOM a laissé le pays. Les deux camps sont des irréductibles. Dans l’opinion, on déduit qu’ils ne pensent pas aux intérêts supérieurs du peuple. Le sentiment général c’est que la population est abandonnée à son sort par une classe politique, engagée dans des négociations depuis 6 mois, mais incapable de voir plus loin que ses propres intérêts.
André Michel, signataire de l’Accord du 21 décembre, a tiré à boulets rouges sur l’opposition. « L’intransigeance des compatriotes de l’opposition, leur volonté de prendre tout le pouvoir, sans aller aux élections, et leur obsession à renverser le Premier Ministre Ariel Henry, ont fait échouer le dernier round de négociations politiques », dit-il. Il précise que son camp a besoin d’une entente politique minimale pour : la mise en place d’un Gouvernement d’Union Nationale, sous le leadership du Premier ministre Ariel Henry ; la Formation d’un CEP crédible et l’élargissement de l’HCT dans sa composition et ses attributions. En tant que défendeur zélé du pouvoir en place, M. André Michel appelle à la poursuite du dialogue inter-haïtien.
André Michel croit qu’il faut profiter de la Force Multinationale pour organiser les élections, le plus vite possible. Néanmoins, il n’y a aucun calendrier avancé pour le déploiement de cette force. Alors que le Kenya fait des tergiversations, les bandits gagnent du terrain, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ce qui menace la survie de la population, en aggravant la misère, et fait de l’organisation des élections un vœu pieux.
L’autre camp, celui de la déclaration de Kingston, qui ne voit pas en l’actuel premier ministre, un « has been » qui n’a essayé ou n’est parvenu à apporter aucune solution aux différents maux du pays depuis deux ans, notamment l’insécurité, accuse leurs vis-à-vis d’être trop attachés à leurs privilèges.
Nous avions contacté, sans succès, Edgard Leblanc, point focal de la déclaration de Kingston qui voulait à tout prix une transformation du HCT et un Conseil de Transition disposant de toutes les prérogatives présidentielles. Pour sa part, Emmanuel Menard de Force Louverturienne Réformiste, réagissant au fait que les discussions n’ont pas permis de conclure un accord, a dit : « il est certain que tous les participants ne cherchaient pas une issue au bénéfice de la population et n’ont pu s’élever à la dimension du rêve des ancêtres pour notre Patrie. Se parler est nécessaire mais le dialogue des sourds est un leurre. »
De son coté, Me Gédéon Jean, du Groupe de la Société Civile, a exprimé sa stupéfaction de voir que des acteurs qui prétendent parler au nom de la population, sont incapables de trouver un consensus minimum, pour le bénéfice de cette population. Il a dit d’ailleurs que son groupe a travaillé en ce sens, pour trouver un juste milieu, en essayant de concilier les propositions des deux camps. Selon lui, les personnalités de la CARICOM sont très déçues de la réaction des leaders politiques haïtiens à qui ils ont fait une leçon sur l’histoire du pays. Ils ont décidé de ne plus revenir dans le pays, à moins qu’ils aient été sollicités par les acteurs s’ils sont prêts, cette fois-ci, à faire preuve de bonne foi dans les discussions. Me Gédéon croit que les acteurs doivent continuer la discussion, puisque malgré les deux extrêmes – 21 décembre et déclaration de Kingston – un certain groupe plus conciliant a émergé, lors des dernières discussions.
Les Haïtiens sont divisés sur la véritable motivation de la CARICOM dans le dossier d’Haïti. Selon certains observateurs, en tant qu’Organisation régionale, la CARICOM n’est pas la meilleure structure pour initier cette démarche. « Les pays formant la CARICOM ne sont pas en mesure de résoudre leurs problèmes. Comment peuvent-ils espérer résoudre le nôtre » ? C’est la déclaration d’un jeune étudiant en sciences politiques. Il dit espérer que les Haïtiens prennent en main leur destin.
D’autres citoyens refusent de parler d’échec de la CARICOM. Selon eux, nous devons avoir honte de ne pas pouvoir nous mettre ensemble autour d’une table. Ils dénoncent le cynisme des acteurs politiques qui ne souhaitent pas voir une issue à la crise actuelle.
« Tous les acteurs sont de mauvaise foi. Ariel Henry et ses alliés veulent maintenir le statu quo. Ils font passer le temps », dénoncent-ils. Les autres acteurs sont sur la corde raide pour faire monter les enchères. Ils sont tous des apatrides », déclare un quadragénaire, d’un ton énervé.
Le Groupe des Éminentes Personnalités de la CARICOM peine à réaliser sa mission. Après plusieurs rencontres avec les différents protagonistes, aucune entente n’a été trouvée. Le GEP souhaite revenir au pays, si les acteurs s’entendent sur une sortie de crise.
Emmanuel Saintus