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Dans le dossier du Canal de la Rivière Massacre, la Dominicanie porte le monopole de l’opprobre, mais…

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Le dossier du canal d’irrigation de la Rivière Massacre défraie encore les chroniques de nos journaux locaux et régionaux. Et cela prendra encore du temps, avant que la poussière ne retombe sur lui. Une fièvre nationaliste s’est emparée de divers secteurs de la population haïtienne, tant en Haïti qu’à l’étranger, dans nos Diasporas. Des hommes et des femmes d’affaires, de toutes sortes d’affaires, mettent la main à la poche et contribuent généreusement à cette entreprise. Du moins, ils le disent, ils le proclament haut et fort. Chacun donne ce qu’il peut: de la voix dans les médias, pour ceux qui disposent d’un micro à la radio ou d’un site sur le web, ou tout simplement de sa force de travail, pour un jour ou deux. L’essentiel c’est que ce chantier avance bon train et se termine bien, que l’eau de cette rivière ne fait pas que passer sur notre territoire pour ne bénéficier qu’aux seuls voisins Dominicains et qu’elle coule enfin dans nos jardins aussi, pour arroser nos plantes et abreuver nos bêtes. Il y a un début à toute bonne chose et autant commencer aujourd’hui à en jeter les bases, une fois pour toutes.

Clairement, Abinader avait sous-estimé les retombées négatives que sa posture d’intimidateur, de brute (bully) régionale, vaudrait tant à lui, sur le plan national, qu’à son pays, sur le plan international et régional. Des manifestations d’élèves, de professeurs et de citoyens, dans les régions limitrophes, ont été rapportées en République Dominicaine, signifiant au gouvernement de ce pays qu’on ne veut pas la guerre avec Haïti mais la paix et la bonne entente de voisinage. Son dernier périple aux États-Unis n’a pas été de tout repos non plus. Le Président dominicain a participé à plusieurs forums de discussion publique et a dû, à quelques reprises, défendre sa position face à des intervenants qui semblaient assez bien informés du dossier pour l’embarrasser devant un public médusé d’apprendre les travers politiques de ce personnage qui se voulait «cool». Par ailleurs, loin de paraître intimidé par le déploiement à la frontière des soldats dominicains, le gouvernement d’Ariel Henry, pour une fois, s’est retrouvé à jouer du bon côté de l’histoire et avec une posture verticale et adulte, du moins en public et officiellement. Il s’est engagé à achever la construction de ce canal et a demandé au Ministère de l’Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR), de prendre en charge la complétion de ce canal et de s’assurer qu’il respecte les normes en vigueur en la matière, afin de couper court à toute faille exploitable par la partie Dominicaine, relative à d’éventuelles lacunes techniques dans sa conception ou dans sa réalisation. Son appel au dialogue posé, et respectueux de la souveraineté réciproquement reconnue des deux Républiques, et de leurs droits, également réciproquement et légalement établis, aux ressources aquatiques frontalières, était bien campé et bien reçu par ses homologues, lors des échanges à l’Assemblée Générale annuelle de l’ONU, contrairement au ton acrimonieux d’un Abinader faussement amical envers Haïti, à vue de nez. Pour la plupart des observateurs, le dossier de ce canal, de moins de 3 kilomètres de long, pour irriguer quelques milliers d’hectares de jardins, ne nécessitait pas tout ce branle-bas. Pour eux, c’était l’équivalent d’une tempête dans un verre d’eau. Abinader a eu l’air d’un enfant gâté qui s’émeut pour quelques broutilles et qui embarrasse tous ces adultes autour de lui, autrement plus préoccupés par des dossiers beaucoup plus importants sur la scène mondiale. Ce ne serait sans doute pas tout à fait innocent que les États-Unis, dans cette conjoncture, aient décidé d’indexer la République Dominicaine cette semaine, en l’ajoutant sur sa liste noire de pays par lequel transiterait, notablement, le narcotrafic à destination de son territoire. Après tout, cette information ne date pas d’hier. Pour moi, il s’agit comme d’une chiquenaude, un zoklo diplomatique, un rappel à l’ordre, sans trop de ménagement, pour dire à Abinader de bien faire gaffe à ses turpitudes, car on pourrait bien lui en tenir rigueur et lui trouver aussi quelques poux, au besoin. Ce ne serait pas le temps de déranger sa niche et d’attirer les projecteurs sur lui…

Il appert également que le gouvernement dominicain, en prenant la décision de fermer la frontière avec Haïti, n’avait pas tenu compte des stocks de provisions humanitaires, entreposés sur son territoire, par mesure de précaution, pour éventuellement les distribuer en Haïti, au gré des besoins outre-frontière, chez nous. Cette fermeture cavalière et inopinée de la frontière a surpris les as onusiens de la logistique qui n’ont pas eu d’autres choix que de réclamer l’ouverture de la frontière pour leur permettre d’acheminer, en temps voulu, les stocks destinés aux Haïtiens. L’on voit très difficilement comment Abinader pourrait refuser ce droit de passage aux Agences de l’ONU, sans s’attirer les foudres de son Secrétaire Général, M. Guterres, et de ses directeurs régionaux d’agence. Il n’y a déjà pas longtemps que ce même gouvernement s’était mis à dos la diplomatie canadienne, en contredisant sans ménagement la Ministre des Affaires Étrangères, Mélanie Joly, sur un dossier similaire d’établissement d’une ou de plusieurs bases d’intervention canadiennes pour Haïti, à partir du territoire de la République Dominicaine. Des agences de relations publiques au Canada et en Dominicanie avaient dû déployer, à l’époque, des trésors d’ingéniosité pour gommer ces impertinences et ces gaffes, afin de sauver la face à tout le monde. Toutefois, ce genre de choses laissent souvent des traces et hantent des relations pour un certain temps. On n’oublie pas facilement en haut lieu, et il y a des retours de boomerang qui arrivent parfois au moment où l’on s’y attend le moins. Abinader et la République Dominicaine ne perdent donc rien pour attendre.

Néanmoins, de notre côté, il convient de valider certains aspects de ce dossier, pour éviter de nous tirer une balle dans le pied également, comme l’a fait inconsidérément le gouvernement d’Abinader. Après tout, on peut, pour une fois, leur laisser la part du lion en matière de bêtise. Il est vrai que ce soit une bonne décision, bien que tardive, de confier la maîtrise-d’œuvre de ce dossier, comme il se doit, au MARNDR qui en a la capacité technique et qui devra répondre éventuellement de son organisation et de la viabilité de sa structure. Il n’empêche que les désaccords techniques, les éléments de discussion internes devraient le rester (internes) en tant que tels, et toute fuite inopportune pouvant donner un avantage quelconque à un concurrent hostile, voire un ennemi de l’État, devrait être rigoureusement sanctionnée, et ses auteurs, mis hors d’état de causer d’autres préjudices au pays. L’exemplarité des traitements qui seraient accordés à ces gens devrait être telle que personne d’autres ne serait à l’avenir tenté par une telle aventure. Et, en cela, je ne pense pas créer de précédent. Il n’y a, à ma connaissance, aucun pays au monde qui fait la partie belle à ceux et à celles qui compromettent ses intérêts supérieurs, en divulguant à ses adversaires, voire ses ennemis ataviques, des informations qui sont préjudiciables à la communauté. Même quand il s’agit de défendre des principes, pourtant portés aux nues dans certaines sociétés, celles-ci ne badinent pas avec la protection de leurs intérêts stratégiques et recourent même aux pires sévices, pour décourager leurs propres citoyens d’en faire un usage qui les mette à nu ou à leur désavantage devant le monde. Qu’il nous suffise de penser à Wikileaks et au sort réservé à Julian Assange, aujourd’hui en prison à Londres, ou à Edward Snowden, réfugié en Russie, pour avoir dénoncé des travers de leur gouvernement et exercer leur droit d’être des lanceurs d’alerte envers leurs compatriotes… C’est que certaines vérités sont bien mieux tues que dévoilées au grand public, indiscriminément. De sorte que le prêchi-prêcha dont on nous abreuve régulièrement dans nos sociétés dites libérales, sur l’absolue liberté de l’information, cela vole en éclats, lorsqu’il s’agit de secrets d’État, décidés ainsi à la convenance des puissants desdits États. Alors, lorsque des employés ou des fonctionnaires de quel que niveau que ce soit d’un ministère ou du gouvernement, s’avisent de divulguer des informations confidentielles qui pourraient avantager d’une manière quelconque un adversaire, voire un ennemi du pays, il faut lui appliquer rigoureusement le traitement que mérite son cas, légalement s’entend… Les bureaux de nos ambassades, de nos consulats, de nos ministères et de nos agences gouvernementales, sont des postes de hautes responsabilités techniques, administratives, politiques et stratégiques, et celles et ceux à qui ils sont confiés, doivent obligatoirement faire preuve de la plus grande discrétion, quant au respect de la confidentialité de leurs dossiers. Autrement, ils et elles doivent s’attendre à encourir le maximum de pénalité prévue par nos lois en la matière. Il devrait en être de même sinon davantage pour les plus hauts placés dans la hiérarchie politique et administrative du pays. La haute trahison, ce n’est pas une figure de style, et les sanctions pour ce crime devraient s’appliquer rigoureusement, à l’encontre de tous ceux et de toutes celles qui, volontairement ou incidemment, emprunteraient ce chemin.

Au-delà de la haute trahison, la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays implique également de faire preuve d’un grand discernement dans le traitement général des dossiers. Le financement du Canal d’irrigation de la Rivière Massacre ne peut, ni ne doit être laissé sans discernement à un financement occulte qui pourrait éventuellement provenir de secteurs criminels. L’État a le devoir impérieux d’y veiller et de scruter la provenance des fonds offerts pour l’achèvement de la construction de ce canal. Lorsque les Ti Lapli, Barbecue et consorts se proposent de verser des fonds pour la construction de ce canal, ce financement doit être refusé carrément par l’État haïtien et saisi pour indemniser les victimes de ces bandits qui dorment à la belle étoile au Champ-de-Mars et ailleurs. Nous devons éviter, à tout prix, tout amalgame, toute compromission qui viendrait souiller le bel effort de solidarité agissante et de konbit communautaire pour achever la construction de ce canal. Autrement, un peu comme Abinader, on se tirera dans le pied avec une balle en or, et on lui offrira, sur un plateau d’argent, des arguments avec lesquels il détruira le travail accompli.

Alors, aux bandits légaux, locaux ou étrangers de tous ordres, de grâce, restez à bonne distance de cette œuvre de solidarité. Ne souillez pas ce canal avec votre argent sale, car il le détruirait plutôt que de le construire. Et, aux officiers de nos agences gouvernementales, aux ministres et autres fonctionnaires d’État, sachez que le peuple vous a à l’œil et ne manquera pas de vous vilipender, en cas de forfaiture de votre part et même en cas de négligence crasse ou criminelle. Alors, ouvrez les yeux, et les deux, s’il vous plaît. Faites votre boulot, honnêtement, jusqu’au bout, si vous voulez mériter l’estime et le respect de vos concitoyennes et de vos concitoyens. Autrement, même si vous échappez, aujourd’hui ou tout au cours de votre vie, à la justice de votre pays, votre postérité en portera les stigmates pour plusieurs générations.

Pierre-Michel Augustin

le 26 septembre 2023

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