C’est une situation, sous un jour plus négatif qu’il ne l’est en réalité, qui a été considérée par
l’Expert indépendant des Nations unies, William O’Neill. Ce dernier a dressé un tableau
sombre de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays et appelle le déploiement d’une
force internationale, spécialisée dans le pays. En effet, après dix jours passés en Haïti,
l’Expert indépendant des Nations-Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti,
William O’Neill, a donné, le mercredi 28 juin, une conférence de presse au cours de laquelle,
il a partagé ses constats sur la situation d’Haïti où prévaut une crise humanitaire et sécuritaire
sans précédent.
De retour en Haïti après y avoir travaillé dans les années 1990, notamment au sein de
la Mission civile internationale des Nations Unies en Haïti (MICIVIH), William O’Neill
révèle avoir malheureusement retrouvé un pays meurtri par la violence, la misère, la peur et la
souffrance. «La situation des droits humains est dramatique, tous les droits y sont bafoués.
Les gangs continuent de faire régner la terreur, en particulier dans plus de la moitié de la
capitale, Port-au-Prince, devenue une zone de non-droit. Les femmes et les jeunes filles
continuent d’être violées par les gangs, souvent collectivement, pour asseoir leur contrôle sur
la population», déplore-t-il. De plus, pour William O’Neill, les autorités haïtiennes font face à
d’immenses défis, mais il estime que la situation n’est pas irréversible. «Beaucoup peut être
fait pour pallier les défis structurels et conjoncturels ayant mené à la crise actuelle. Et ceci,
rapidement, et avec peu de moyens. L’État a un rôle fondamental à jouer en ce sens, en tant
que garant des droits humains de la population», a révélé William O’Neill.
L’Expert indépendant a également souligné la nécessité pour que la solution à la crise
soit haïtienne en priorité. «Elle doit passer par la mise en place de systèmes de performance et
de surveillance pour veiller à la responsabilité et à l’intégrité de tous les acteurs, à chaque
niveau de la chaîne hiérarchique. L’ampleur de la crise est telle que le soutien adapté et
coordonné de la communauté internationale sera fondamental pour accompagner la transition
vers une meilleure gouvernance», a-t-il fait savoir.
Haïti a besoin de l’intervention d’une force internationale
Pour rétablir la sécurité en Haïti et permettre la libre circulation des gens et des biens, William
O’Neill croit que le déploiement d’une force internationale spécialisée aux côtés de la Police
Nationale d’Haïti (PNH) s’avère indispensable. Il recommande, entre autres mesures, que
l’embargo sur les armes principalement en provenance des États-Unis, établi par le Conseil de
sécurité des Nations Unies, soit appliqué immédiatement, afin de limiter la violence des
gangs. Selon M. O’Neill, une force internationale spécialisée doit être coordonnée en étroite
collaboration avec la police, afin de permettre de renforcer ses capacités sur le long-terme,
avec toutes les garanties de diligence en matière de droits humains. «Des transferts de
technologies et de connaissances ciblées seront essentiels, notamment dans le domaine du
renseignement et de la lutte contre la violence urbaine», a-t-il indiqué.
La situation carcérale en Haïti est déplorable
M. O’Neill qui dit avoir visité le Pénitencier National et la prison du Cap-Haitien, dit avoir été
témoin de conditions de détention inhumaines. Il révèle que 219 détenus sont décédés en
détention en 2022, principalement à cause de la malnutrition ou par manque d’accès aux
médicaments, selon ses dires. En outre, plus de 83% des personnes incarcérées sont encore en
détention préventive prolongée, sans avoir eu accès à un juge ou à un avocat, certains depuis
plus d’une décennie, y compris des mineurs, selon ses déclarations.
«Les détenus sont entassés dans des cellules exigües, sous une chaleur étouffante,
parfois sans accès à l’eau, aux sanitaires, avec une alimentation insuffisante. Ils survivent
dans une odeur suffocante, provoquée par des monticules de déchets dans la capitale,
contribuant à la propagation de maladies telles que la tuberculose et le choléra», a constaté
l’Expert.
Face à cette situation, l’Expert indépendant demande aux autorités de redoubler
d’effort pour permettre aux détenus de vivre dans la dignité, ceci inclut l’accès immédiat et
constant aux besoins élémentaires. «J’appelle les autorités à s’engager à augmenter, de
manière significative, le nombre de dossiers traités pour les personnes en détention
provisoire», a-t-il dit.
«Bwa Kale» est un symptôme de la faillite du système judiciaire haïtien
Pour l’Expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Haïti, le
mouvement «Bwa Kale» est aussi un symptôme de la faillite du système judiciaire. M.
O’Neill rappelle que l’histoire a montré que la justice populaire et ses nombreuses dérives
n’avaient jamais permis de résoudre la violence. «Néanmoins, le public peut aider la police,
en lui fournissant des informations sur l’origine et la nature de la violence dans leur quartier»,
a-t-il souhaité.
Des signes encourageants pouvant contribuer au changement
En dépit du tableau sombre qu’il a dressé, l’Expert indépendant soutient qu’il a trouvé des
signes prometteurs pouvant contribuer au changement. William O’Neill a évoqué notamment
les efforts de la Police Nationale d’Haïti, malgré ses faibles moyens, et de certains membres
de l’appareil judiciaire. «J’ai été impressionné par les résultats obtenus par un Directeur
Départemental de la PNH pour endiguer l’insécurité dans le département du Nord. J’ai noté
les avancées rapides déjà obtenues par le nouveau Commissaire du gouvernement de Port-au-
Prince qui a suivi de près de nombreux dossiers et qui s’est engagé personnellement à rendre
des comptes périodiquement sur les progrès réalisés», a-t-il déclaré.
M. O’Neill a également salué les progrès accomplis par l’Unité de Lutte Contre la
Corruption (ULCC) pour poursuivre des présumés auteurs de corruption. Il s’est aussi dit
admiratif devant le courage de juges, tels que le juge Jean Wilner Morin, qui a récemment
survécu à une tentative d’assassinat pour son travail, qui continuent à prôner haut et fort leur
engagement en faveur de l’intégrité du service public et contre la corruption. «Mon
admiration va enfin à la société civile, pour son courage et sa détermination», a conclu
William O’Neill.
Emmanuel Saintus