HomeInsécurité & BanditismePourquoi avons-nous tant tardé à prendre, nous-mêmes, nos responsabilités?

Pourquoi avons-nous tant tardé à prendre, nous-mêmes, nos responsabilités?

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Non, on n’a pas fini d’en découdre avec les gangs, loin de là, même s’il semble que le cas de celui de
Ti- Makak soit bel et bien réglé. Et de 1. Au suivant. Dans la mire de la Police et aussi de la
population, il semble que le nouvel objectif soit maintenant le démantèlement du gang à Izo, au
Village-de-Dieu. Il n’en mène plus très large, le «Izo» en question. Le dossier serait déjà clos pour
plusieurs de ses lieutenants aux alias pittoresques. Ils seraient déjà partis, sans visa aucun, au pays sans
chapeau. Ils auraient rendu leur âme à Dieu et leurs armes à la PNH. Sans façon. Du moins, c’est ce qui
se rapporte sur les réseaux sociaux. Ti-Izo, Tèt Padrèt et une bonne douzaine de leurs comparses, qui
exigeaient le paiement d’un droit de passage sur le tronçon de la Route nationale numéro 1 allant vers
Martissant, auraient reçu la monnaie de leurs pièces, en espèces plus tonitruantes que d’habitude. Et
mal leur en prit. Bon débarras. Même s’il faut toujours regretter toute perte de vie en soi, cela fait
quand même trop longtemps que cela dure, et la population en a plus que bavé. Toujours est-il qu’en ce
moment, plusieurs unités spécialisées de la PNH mèneraient une solide campagne contre cette bande de
malandrins qui infestent ce quartier depuis plus de 2 ans. Il était plus que temps d’entreprendre ce
grand nettoyage pour débarrasser le paysage de ces énergumènes.
Les interventions policières semblent être assez soutenues, cette fois, et pas seulement dans les
environs de la capitale. Des bandits qui avaient flairé le vent dans certaines zones devenues chaudes et
qui avaient pris la précaution de se mettre à couvert, auraient appris à leurs dépens qu’ils n’étaient pas
si bienvenus que cela dans leurs patelins d’origine ou dans ceux-là nouvellement adoptés. Ils sont
surpris et débusqués dans le Grand Sud, comme au Plateau Central et dans le Nord-Ouest. Dénoncés
par la population, certains n’ont pas eu la vie facile du tout, pour ce qu’il leur en resterait. Et c’est un
euphémisme. À Hinche, un présumé bandit en maraude, connu sous le nom d’Achille Bénice, a été
immolé vivant par la population locale. Idem à Port-de-Paix, un braqueur impénitent aura connu le
même sort. On ne l’y reprendra plus. À Miragoâne, Macki Christopher et un comparse mieux connu
sous le sobriquet de Bandi Pou Lavi essayaient de rallier Fonds-des-Nègres, lorsqu’ils ont eu maille à
partir avec le Commissaire Muscadin. Vous devinez la suite: ils furent blessés mortellement dans des
échanges avec les hommes du Commissaire. Sur les routes du pays, les renforts des bandits ne se
déplacent plus aussi aisément qu’avant. De la région de l’Artibonite, un groupe d’entre eux qui
convoyaient, présumément, des armes et des munitions pour leurs collègues à la capitale, seraient
tombés sur une patrouille de police qui les a mis en état d’arrestation et a saisi leur cargaison. Ils étaient
au nombre de 7. Ils s’en allaient donc en prison, méditer sur leurs crimes, dans les geôles de la Cité de
l’Indépendance, en attendant qu’un bon juge veuille bien se pencher sur leurs cas, lorsqu’un digne
magistrat en aura le temps et le loisir de le faire en toute quiétude. Cela peut prendre un certain temps,
car les procédures judiciaires ne sont jamais très simples. Mais la population a coupé court à toutes ces
entourloupettes en développement. Cette fois-ci, elle n’entendait pas patienter quelques mois, voire des
années, pour un jugement dont l’issue pourrait être suspectée d’être teintée de vénalité, comme c’est
trop souvent le cas dans nos tribunaux, surtout de nos jours. Alors, la population, en colère et trop
longtemps désabusée, n’a pas voulu prendre de chance. Bwa Kale: point barre, comme dirait l’autre.
Quatre de ces malfrats ne feront plus de mal à personne, et leur cargaison d’armes et de munitions,
saisie par la police, pourra faire œuvre plus utile pour la société, et qui mieux est, aux dépens de leurs
compères en crimes… Seuls trois d’entre eux ont pu avoir la vie sauve, grâce aux forces de l’ordre qui
montaient bonne garde et qui les ont protégés de la fureur vengeresse de la population qui n’entend
plus à rire. Le réveil citoyen et la nouvelle vigueur de la PNH prennent une tournure des plus funestes
pour les bandits. Et les derniers appels solennels au calme du D.G. a. i. de la PNH, le Commissaire
Frantz Elbé, tout comme celui du Premier Ministre a. i. de facto, le Dr Ariel Henry, tombent à plat,
pour le moment, même s’ils étaient de rigueur, en toute convenance, pour des autorités publiques.
À la lumière de ces nouveaux développements, on est cependant en droit de se questionner sur
les raisons qui expliquent cette réponse si tardive, tant de la part de la société en général que de la PNH,

en tant qu’institution garante de la protection des vies et des biens de la population. Après tout, on ne
fera croire à personne que l’acquisition d’une douzaine et demie de véhicules blindés aura suffi à faire
la différence et à transformer des policiers désorganisés, une PNH décriée comme une institution de
pacotille, en une force de frappe redoutable contre des bandits devenus brusquement, ce qu’ils étaient
depuis tout ce temps: des groupes de bandits armés. Rien d’autre. Ti-Lapli, Izo et consorts ne feront
plus la pluie et le beau temps dans les quartiers de Bolosse, de Cité-L’Éternel, de Village-de-Dieu ou de
Grand-Ravine. Certains sont morts, d’autres sont en fuite ou se terrent quelque part, en priant Dieu que
ce soit la Police qui leur mette la main dessus, à défaut de pouvoir rester longtemps incognito et de se
fondre dans la masse, plutôt que de subir le courroux expéditif de cette population qu’ils ont longtemps
terrorisée, parce que la vengeance de cette dernière pourrait être sans trop de nuances et sans beaucoup
de délicatesse. La déroute des bandits, hier encore invincibles, la toute puissance de la Police, hier
encore timorée et en pagaille, ce retournement de situation ne peut pas être juste le fait de l’achat de
quelques blindés pour la bagatelle somme de quelque 10 millions de dollars, ni le fait de la fourniture
d’armes et de munitions acquises à même nos fonds propres. Cela, non plus, ne peut pas être dû à
quelques mois de surentraînements tactiques de quelques dizaines de policiers, par des experts
étrangers, venus nous prêter main forte en la matière. Ces questions demeurent lancinantes et très
pertinentes, à mes yeux. Pourquoi avoir tant tardé à procéder à cette mobilisation générale de la force
publique et à y associer la population ? Encore faudrait-il que cette dernière le soit de manière mieux
encadrée et réglementée, pour sa propre défense. Pourquoi avoir négligé de doter la force publique des
moyens nécessaires à la poursuite et à la réalisation de ses missions, si on en avait les ressources,
depuis tout ce temps? Les coûts encourus par la société, pendant tout le temps qu’elle a subi ce
désordre, doivent être 10 fois supérieurs, sinon plus. Des pertes d’opportunités économiques, des
entreprises de sous-traitance qui ferment leurs portes en raison de l’insécurité, donc des pertes de
salaires pour des employés, des pertes d’impôts sur le revenu pour le gouvernement, des pertes de
revenus d’exportation pour les entreprises qui ont élu domicile au pays, malgré les risques inhérents à
la situation politique chaotique: nos économistes auront du boulot encore pendant longtemps, à essayer
d’en établir le bilan. Par-dessus tout, pourquoi avoir permis à la situation de dégénérer tellement que
l’on doive aujourd’hui procéder à des opérations radicales et assister à des débordements d’une
population exaspérée? En 2021, après la débandade de la PNH à Village-de-Dieu, plusieurs experts
s’étaient prononcés sur la question et avaient diagnostiqué clairement le manque de matériel de la
police et la nécessité de constituer une force de frappe spécialisée et dédiée à l’éradication de ce cancer
encore en gestation, en ce temps-là. Le Président Jovenel Moïse était encore vivant et ne faisait qu’à sa
tête. Il a ignoré souverainement ces conseils qui lui étaient prodigués à l’époque. Qui sait? Peut-être lui
auraient-ils sauvé la vie, s’il les avait mieux accueillis ? Ses successeurs putatifs ne firent pas mieux.
Bien au contraire. Ils se sont mis à l’écoute des chants d’autres sirènes qui leur susurraient de capituler,
d’appeler à l’aide, n’importe quelle aide de pays étrangers mais pas de n’importe quels pays étrangers,
s’il vous plaît. Des nôtres. De ceux qui constituent le CORE Group, de préférence. De ceux que l’on
connaît bien pour être du bon bord et qui ont une expérience avérée dans la mauvaise gestion de nos
affaires, assez pour les foirer, comme elles le sont devenues aujourd’hui. Les résultats en attestent. Un
pays effondré, aux institutions en lambeaux, qui s’autoflagelle en public, devant les instances
internationales, et qui se prête volontiers à toutes sortes d’humiliations et de vexations. Même la
République Dominicaine qui s’arroge le droit, légitimé par nos propres demandes, renforcées par les
suppliques instantes d’Antonio Guterres, à l’endroit des pays du monde entier, de nous imposer, de
grâce, des sanctions et de cibler nos personnalités publiques, comme si ce pays voisin, comme tant
d’autres et non les moindres, n’avait pas opportunément fermé les yeux sur les trafics de toutes sortes
qui transitent par sa frontière qu’elle voudrait poreuse dans un sens mais étanche de l’autre. D’aucuns,
chez nous, applaudissent même ces mesures expiatoires et en redemandent. Inconscients et masochistes
que nous sommes devenus…

Bizarrement, maintenant que la Police fait un nettoyage en règle et que la population embarque
à fond dans le coup, la Dominicanie, soudain, repère quelques trafiquants d’armes à exhiber. Tenez: un
Cubain par-ci, un Haïtien par-là mais, bizarrement, aucun haut-gradé militaire dominicain, aucun grand
ponte politique dominicain, même pas un homme d’affaires dominicain, opérant à partir du territoire
dominicain. Bizarre non? Pourtant, un dénommé Molaï Ortiz Mieses, citoyen dominicain qui avait été
appréhendé en Haïti le 13 mai 2022, à la 5 e avenue de Bolosse, selon une note publiée à l’époque par
Rezonodwès.com, interrogé par des enquêteurs de la DCPJ, aurait chanté comme un rossignol et se
serait longuement épanché sur les nombreuses ramifications et complicités transfrontalières entre les
gangs criminels des deux pays voisins. La rumeur voulait qu’il aurait «pleinement collaboré» avec ses
interrogateurs, même qu’il aurait «déparlé». Tout le mérite reviendrait, paraît-il, à la subtile méthode de
persuasion utilisée par les interrogateurs de la DCPJ. Il est bizarre, néanmoins, que les résultats de cette
enquête des autorités haïtiennes, normalement partagés avec les autorités compétentes dominicaines,
n’aient pas plus d’échos en Dominicanie et ne se transcrivent pas en des arrestations ou des mises en
accusation, comme on pourrait être en droit de s’y attendre. De même, les douanes américaines, où tout
est scanné et radiographié, par mesure de sécurité nationale, tant à l’entrée qu’à la sortie,
opportunément, deviennent aveugles comme des taupes et poreuses comme des passoires, lorsqu’il
s’agit d’expédier des conteneurs remplis d’armes et de munitions, en quantités industrielles, dans un
pays pourtant sous embargo militaire depuis les années 90. Et maintenant que le mal est fait et que les
dégâts sont bien visibles, et bien difficiles à gérer, on attrape soudain quelques-uns de ces trafiquants
d’armes dont on tait scrupuleusement encore les noms, même après plus de deux années d’enquête
studieuse et assidue du FBI, afin de bien s’assurer de la validité des accusations portées contre ces
trafiquants d’armes. Après tout, les États-Unis sont un État de droit, une démocratie respectueuse des
droits humains. Et, tant que le crime n’aura pas été dûment perpétré et que les cadavres ne sont pas à
ramasser avec des camions à benne, Eh bien, on n’a pas la preuve qu’un crime ait été commis. Et si, par
malheur, le crime est commis outre-mer, on comprendra que c’est un peu plus difficile d’établir une
preuve solide, hors de tout doute «déraisonnable», de l’implication et même de la pleine connaissance
des «présumés» perpétrateurs et complices de ces actes et de leurs funestes conséquences sur tout un
pays en détresse. Cela me remet en mémoire une de ces phrases codées et lapidaires du Président René
Préval: «Si pa gen sitirè pa ka gen volè». Il avait bien raison, paix à son âme.
Je regarde évoluer la situation et ses retournements soudains, et je me demande si tout cela
n’aurait pas pu être évité ou circonscrit plus tôt, par nos autorités, juste en faisant le strict nécessaire,
dans les temps requis. Équiper une police adéquatement est une entreprise à plein temps qui requiert le
travail de professionnels attitrés et experts en la matière, pas des amateurs à la petite semaine qui s’en
vont acheter des blindés pèpè dont les pneus sont comme ceux qui se retrouvent communément sur des
véhicules de la vie civile, comme ce fut le cas précédemment. Les équipements et les armes dont
doivent être dotées les unités spéciales, ne peuvent pas être les mêmes que ceux des policiers qui
assurent la fluidité de la circulation, ni inférieurs en capacité de feu que ceux détenus par des bandits.
Ce sont des faits qui étaient connus depuis longtemps, tout comme l’était la stratégie actuellement
appliquée pour le démantèlement systématique et résolu des gangs et de leurs fiefs, et dont nos experts
nationaux en sécurité publique n’en faisaient aucun secret. Comme l’on dit couramment: «Nan pwen
sekrè nan fè kola». Avec tout cela, je me demande aujourd’hui si toute cette situation n’était pas autre
chose qu’un écran de fumée pour nous imposer un état de fait, une médiocratie durable et indéfinie
dans le temps, au bénéfice de tuteurs sans vergogne et de leurs laquais locaux, impitoyables complices
des assassins de leurs congénères.
Pierre-Michel Augustin
le 16 mai 2023

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