Huit (8) nouveaux juges nommés de facto à la Cour de Cassation
Après plusieurs mois de disfonctionnement de la plus haute instance judiciaire du pays, dans un
arrêté publié le mardi 8 février 2023 dans le Journal Officiel de la République, le Gouvernement a
nommé les 8 nouveaux juges à la Cour de Cassation pour, dit-il, rendre fonctionnel le Pouvoir
Judiciaire. Selon l’arrêté publié dans le journal officiel de la République, le mardi 28 février 2023,
en conformité avec les accords pour une gouvernance apaisée et efficace de la période intérimaire
des 10, 11, 12, 13 et 24 septembre 2021, et en conformité avec le Consensus national pour une
transition inclusive et des élections transparentes du 21 décembre 2022, de concert avec le HCT, le
Gouvernement, sur une liste certifiée, proposée par le CSPJ , a nommé 8 nouveaux juges à la Cour
de Cassation. Il s’agit de Marie Joceline Cazimir; Ketsia Charles; Frantz Drice; Maguy Florestal;
Anès J. Joazéus; Louiselmé Joseph; Rameau Patrique Métellus et Franzi Philémon. Avec la
nomination de facto des 8 nouveaux juges à la cour de Cassation, le nombre des juges à la cour est
passé à 11 sur 12, en attendant un retour à la normalité constitutionnelle.
Dans la même lignée, l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens et L’Association
Professionnelle des Magistrats (APM), entre autres, saluent la nomination de 8 nouveaux juges à la
Cour de Cassation qui va permettre à la Cour dysfonctionnelle, de reprendre son fonctionnement
normal. De son côté, Pierre Espérance, Directeur exécutif du Réseau National de Défense des
Droits Humains (RNDDH), désapprouve la nomination de ces juges et critique l’attitude des
concernés pour avoir accepté d’entrer à la Cour de Cassation, sans qu’aucune entente n’ait été
trouvée sur la durée de leur mandat. De plus, la Plateforme des Organisations Haïtiennes de Droits
Humains (POHDH) et l’Association Professionnelle des Magistrats (APM) émettent des avis
différents sur la nomination, le mardi 28 février 2023, par le gouvernement de facto, de huit autres
juges à la Cour de Cassation. « La nomination de ces 8 juges ne répond pas vraiment à l’objectif de
rendre fonctionnelle la justice, mais s’inscrit dans une manœuvre du gouvernement de facto de
préparer et de réaliser des élections frauduleuses dans le pays», met en garde Alermy Piervilus,
secrétaire exécutif de la POHDH. De plus, la mise en branle des institutions étatiques ne peut pas
s’effectuer en dehors de toute légitimité. La nomination du juge Jean Joseph Lebrun, comme
président de la Cour de Cassation, par le premier ministre de facto Ariel Henry, avait également eu
lieu sans concertation, rappelle la POHDH. Un premier ministre, qu’il soit légal ou de facto, n’a
aucune compétence constitutionnelle pour nommer un juge à la Cour de Cassation, avance la
POHDH. Vu le vide constitutionnel qui règne en Haïti, la démarche pour nommer un président et
des juges à la Cour de Cassation devrait faire l’objet de concertation, de discussions et de
consensus, soutient-elle. La nomination du juge Jean Joseph Lebrun serait le fruit d’un arrangement
entre Ariel Henry, des associations de magistrats et des alliés politiques, continue de dénoncer la
POHDH, restant convaincue que le gouvernement de facto n’a aucune volonté de rendre
fonctionnelles les institutions.
Par ailleurs, l’Exécutif protège, jusqu’à aujourd’hui, des magistrats non certifiés par le
Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ).
De son côté, le juge Martel Jean-Claude, président de l’Association professionnelle des
magistrats (APM) voit comme une bonne décision, les nouvelles nominations qualifiées par des
partis politiques comme unilatérales et irrégulières. «La justice, au sommet, c’est la Cour de
Cassation. Cette juridiction est là pour vérifier si les juges de la Cour d’appel ont bien appliqué la
loi, dans le cadre de leur mission. Étant donné que la Cour de Cassation n’était pas fonctionnelle,
les recours effectifs n’étaient pas possibles. Donc, c’est une bonne chose que la Cour de Cassation
va reprendre son fonctionnement régulier», avec des magistrats de plus de 20-25 ans d’expérience
dans la magistrature, déclare l’APM.
Par ailleurs, plusieurs partis et personnalités politiques dénoncent ce qu’ils qualifient de
nomination unilatérale et irrégulière, par arrêté du gouvernement de facto, en date du mardi 28
février 2023 , de huit nouveaux juges à la Cour de Cassation. La note du 1 er mars 2023 est signée par
le coordonnateur général du parti politique Organisation du Peuple en Lutte (OPL), Edgar Leblanc
Fils, au nom de Pitit Desalin, du parti politique Union nationale pour l’Intégrité et la Réconciliation
(UNIR), de Kontra Pèp La, de l’OPL, du Mouvement patriotique populaire dessalinien (MOPOD),
de la Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (LAPEH), du Grand
rassemblement pour l’évolution d’Haïti (GREH), du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK).
Par cette nomination, le premier ministre de facto, Ariel Henry, «met sciemment un arrêt
aux tentatives de négociation pour une solution consensuelle de la crise, entamées par l’entremise
de certaines organisations internationales», interprète le regroupement des huit partis politiques,
signataires de la déclaration conjointe du 30 janvier 2023, dans une nouvelle note conjointe, datée
du 1 er mars 2023 et dont Haïti Progrès a pris connaissance. Ces nominations illégales et illégitimes
tendraient à fragiliser la carrière et le parcours honorables des concernés, dans le système judiciaire,
critiquent-ils.
La nomination des huit juges à la Cour de Cassation intervient après la visite, le lundi 27
février 2023, à Port-au-Prince (Haïti), d’une délégation de la Communauté des Caraïbes
(CARICOM) pour évaluer la crise, à la veille de la démission de l’ambassadeur d’Antigua et
Barbuda, Ronald Sanders, du Groupe de travail de l’Organisation des États américains (OEA).
Dans les circonstances actuelles, pour combler la vacance à la Cour de Cassation, un
gouvernement de transition devrait s’attacher à employer une procédure consensuelle, pour conférer
légitimité et durabilité à telle action, estiment ces partis politiques. Tout en affirmant reconnaître la
nécessité de rendre fonctionnelle la Cour de Cassation, ils évoquent le dysfonctionnement des deux
pouvoirs, préposés à cet effet par la Constitution en vigueur. Le Législatif et l’Exécutif sont
dysfonctionnels, respectivement, depuis le 2 e lundi de janvier 2020 et le mercredi 7 juillet 2021,
date de l’assassinat de l’ancien président de facto, Jovenel Moïse, rappellent-ils. Ils fustigent
l’attitude d’Ariel Henry et de ses alliés internationaux, qui, en mode «adelante», prennent la
responsabilité d’engager le pays dans une spirale de troubles et d’instabilités, comme conséquences
de la mise en place annoncée d’un Conseil électoral provisoire (CEP) qualifié de partisan, de
l’organisation d’élections contestées et de l’installation d’élus illégitimes, à la tête de l’État. Tout en
renouvelant leur engagement d’accompagner, aux côtés d’autres groupes organisés de la société, le
peuple haïtien, dans son long et dur combat pour la dignité, le respect et la souveraineté, ils
déclarent prendre leur distance des négociations en trompe l’œil, destinées à flatter l’opinion, à
légitimer le premier ministre de facto Ariel Henry.
«Le roi Ariel (Henry) vient de nommer, en violation de l’article 175 de la Constitution, 8
juges à la Cour de Cassation. Il est le président, le sénat et le premier ministre. Messieurs et dames
les magistrats de la République, vous dites quoi? Membres des barreaux de mon pays: tout va
bien?», a réagi, dans un tweet, l’ancien sénateur Steven Benoit, qui a remis sa démission comme
premier ministre désigné dans le cadre de l’accord du 30 août 2021, appelé Accord de Montana.
«Du jamais vu en Haïti: 8 magistrats entrent illégalement à la Cour de Cassation, comme en 2012,
quand 4 imposteurs ont intégré cette même Cour, au vu et au su de tout le monde. Il ne reste que des
chefs de gangs au Palais National».
Emmanuel Saintus