Haïti connaît actuellement un été qui coûte cher. La flambée des prix, durant la période estivale, vient augmenter la misère de la population haïtienne qui fait face à une crise multidimensionnelle, depuis des dizaines d’années. Parallèlement, la guerre des gangs s’amplifie dans les quartiers populaires, l’instabilité politique perdure, le chômage, un des plus grands fléaux, et les actes de kidnapping ne cessent d’augmenter.
Le taux de chômage est très élevé, la population vit sur le qui-vive, manger quotidiennement devient un luxe par rapport à l’exagération des prix des produits de première nécessité. Les familles qui ne savent pas à quel saint se vouer, par rapport à l’insécurité généralisée, doivent aussi faire face à la montée vertigineuse des produits de base.
«Ça fait un bon moment que le billet de mille gourdes ne représente rien», a lâché un père de famille, désespéré. «J’ai trois enfants, une femme à occuper et une maison à payer. La situation devient de plus en plus compliquée pour moi. Quinze ans de cela, je pouvais nourrir pendant une journée mes enfants et ma femme avec mille gourdes. Désormais, je suis en train de tâtonner, à cause de la flambée des prix. Ce n’est pas possible», a raconté ce quinquagénaire qui habite à Nazon.
La situation est presque pareille pour les différentes couches de la société haïtienne. Dans un pays où les gens qui ont le privilège de travailler sont considérés comme un «chômeur déguisé», ceux qui n’espèrent rien, chaque fin de mois, portent le poids de la misère actuelle. «Ou p ap travay. Ou pa gen transfè k ap sot lòtbò. Ou livre ak ou menm, epi mizè a ap peze kou w. Si ayisyen pa pete kouri nan lari Pòtoprens, se gras a bon Bondye ak lespri ginen yo. Tout kondisyon yo reyini pou n mouri grangou», a déclaré une jeune dame de 33 ans qui n’a jamais travaillé de sa vie.
Cette flambée des prix oblige les marchandes de «Manje kwit» à revoir les prix de leurs plats à la hausse, nous a raconté une marchande. «Je ne peux pas donner un plat de nourriture à 250 gourdes. Les prix du riz, de l’huile, du charbon de bois, entre autres, ont augmenté. Alors, je suis obligée d’ajuster le prix de mon plat de nourriture. Un plat est passé de 250 à 350 jusqu’à 500 gourdes», a-t-elle indiqué.
Cet ajustement est fait par d’autres marchands. En effet, un citoyen avait besoin, en mai dernier, de 200 gourdes pour acheter un jus mixé qui est désormais passé à 250 jusqu’à 400 gourdes, dépendamment de la zone. «En 2014, un plat de barbecue, au Champ-de-Mars, coûtait 125 à 150 gourdes. Après huit années, ce même plat de barbecue a connu une augmentation jusqu’à 100%. Pour l’acheter, vous devez avoir au moins 350 gourdes. C’est pour vous montrer comment la situation sociopolitique du pays est en train de se dégrader quotidiennement. Malheureusement, c’est nous les plus pauvres qui en payons les frais», a constaté un jeune étudiant de l’UEH.
Emmanuel Saintus