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La société civile étudie les récentes actualités des prisons

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Des organisations de défense des droits, à travers le pays, dénoncent le traitement que subissent les détenus (es) à travers les prisons du pays. Ainsi La Fondation Je Klere a dressé un rapport sur l’évasion de plusieurs centaines de détenus à la prison civile de la Croix-des-Bouquets. Lors de cette évasion, au moins 27 personnes ont été tuées, 10 autres blessées. Par ailleurs, à la demande de plusieurs organisations féminines, des dizaines de personnes ont marché dans les rues de Jacmel, pour critiquer le traitement qu’octroient les agents de sécurité de la prison civile de Jacmel, aux prisonnières de ce centre carcéral.

Dans un rapport d’enquête sur l’évasion spectaculaire survenue à la prison civile de la Croix-des-Bouquets, le 25 février dernier, la FJKL a évoqué des signes avant-coureurs qui devaient alerter les autorités. «Le 28 octobre 2019 : tentative d’évasion aux environs de 4 heures du matin. Une dizaine de détenus ont tenté de s’évader au mirador 4, mais le coup a échoué parce que le poste était sécurisé ; le 23 juillet 2020 : il s’y était produit une émeute, concernant le détenu Arnel Joseph qui présentait à l’administration de la prison ses revendications pour un meilleur traitement. Il voulait avoir le privilège d’être seul dans sa cellule, de jouir du droit d’accès au téléphone tous les jours, du droit de visite pour ses parents et amis, de manière régulière. Il avait obtenu gain de cause. À partir de cette date, il a été placé seul dans une cellule, mais avec désormais une entrave fixée aux pieds et dont les clefs étaient gardées par le chef des opérations ou le chef de poste», a écrit la Fondation.

«Avant les évènements du 25 février 2021, la prison civile de la Croix-des-Bouquets a connu, au mirador 2, deux évasions. Dans la nuit du 7 juin 2018, trois détenus se sont évadés, en passant par le mirador 2. Le 1er janvier 2021 : un détenu s’est évadé, toujours en passant par le mirador 2. Trois semaines avant les évènements du 25 février 2021, soit le 2 février 2021, vers 10h37 du soir, une équipe de quatre (4) policiers, habillés en BOID et portant la jaquette DCPJ, à bord de deux pick-up, se présentent à l’entrée de la prison de la Croix-des-Bouquets, comme venus de la DCPJ pour mener une enquête à la prison. Le chef de poste a refusé de leur donner accès au centre carcéral, en leur demandant de revenir le lendemain matin. Ils ne sont pas revenus. Contacté, le directeur de la DCPJ a déclaré n’avoir pas dépêché d’équipe sur les lieux pour enquêter. Selon le témoignage du chef de poste, le jour des évènements, le policier Wilgston Regnus, le dimanche 21 février 2021, soit quatre jours avant l’évasion, un détenu du «Continent Europe» lui a remis une note écrite où l’on pouvait lire : “Bay responsab la sa a pou mwen. Nèg yo gen entansyon kraze prizon an (informe le responsable que des détenus préparent une évasion)”. Il dit avoir remis la note au responsable de la prison qui n’a pris aucune mesure particulière pour protéger l’espace carcéral. Les rumeurs étaient persistantes, la prison allait être cassée, avant même le 7 février 2021. Que ceci soit arrivé le 25 février, ne devait pas être considéré comme une surprise pour les responsables de la prison», relate la FJKL, dans son rapport.

À cela s’ajoute le fait que la radio de communication de la prison était tombée en panne, deux semaines avant les évènements. «C’est après l’évasion qu’on a constaté qu’il s’agissait d’une action de sabotage ; on avait seulement enlevé un fusible à la radio», rapporte la FJKL qui a présenté le déroulement de l’événement du 25 février. «Au 24 février 2021, il y avait, pour le greffe, mille cinq cent quarante-deux (1542) détenus dont sept (7) se retrouvaient à l’hôpital. Il y avait six (6) policiers à l’intérieur de la détention, pour assurer la surveillance des 1535 détenus, et un superviseur général, au moment où les détenus étaient en récréation. Il y avait six (6) policiers absents qui n’avaient pas motivé leur absence. Il faut signaler ici que les agents de la DAP ont pris l’habitude, depuis quelque temps, de s’absenter de leur lieu de travail, sans motiver leur absence. Seuls 4 miradors (3, 4, 5 et 6) avaient des agents ; les miradors 1 et 2 ainsi que la tour de contrôle ne disposaient pas d’agents ce jour-là. Dans la matinée de ce jeudi 25 février 2021, un camion de la compagnie Sanco est arrivé à la prison civile de la Croix-des-Bouquets pour des activités régulières de curage des fossés d’aisance. Les détenus étaient en récréation. Tout a commencé dans le «Continent Europe», quand des détenus ont pris les clefs que détenait le chef des opérations, Saintilma Jean-René et ont ouvert les cellules qui étaient fermées. Les détenus étaient en grand nombre sur la cour de la prison. Une émeute a démarré. Certains détenus se sont emparés du camion Sanco pour aller défoncer les barrières. Ils ont passé, sans entrave, deux barrières, avant d’atteindre celle donnant accès à la rue A. Le véhicule a plongé dans un égout et est donc tombé en panne. Après la troisième barrière traversée sans entrave, les détenus ont trouvé une échelle qu’ils utiliseront pour quitter la prison par le mirador 2 qui n’était pas gardé, étrangement, par un agent armé. Le policier Honoré Frantzy, qui était muni d’un fusil M-4, a livré, sans aucune forme de résistance, son arme aux détenus, et l’un d’entre eux remettra le fusil au détenu Arnel Joseph, après avoir brisé les cadenas de sa cellule. Arnel Joseph utilisera cette arme pour se débarrasser, par une cartouche, de l’entrave (chaines) qui était placée à ses pieds. Cette contrainte est à bannir dans la gestion de prisonniers dangereux. Les détenus ont envahi tour à tour le greffe, le bureau du chef de poste, l’armurerie et ont tout emporté : les armes, les munitions, les uniformes et les matricules de police, ainsi que le registre de main courante. Ils ont tiré dans toutes les directions et échangé des coups de feu avec le chef de poste ; ils ont fait au moins deux morts parmi les détenus. Beaucoup d’impacts de balles ont été remarqués sur les murs et les bureaux de la prison. Tous les véhicules garés à l’entrée de la prison ont reçu des projectiles. Plus de 40 impacts de balles ont été recensés sur le seul véhicule du directeur de la prison. Un très grand nombre de détenus ont pu quitter la prison par la barrière principale et le mirador 2», rapporte la FJKL dans son rapport.

Par ailleurs, la FJKL soutient qu’il est difficile de présenter un bilan définitif des événements survenus à la prison civile de la Croix-des-Bouquets. Ce, argue la FJKL, «parce que, jusqu’à cette date, l’appel numérique n’a jamais été effectué à la prison ; les responsables de la DAP ont déplacé les archives de la prison et ne les ont toujours pas retournées pour faciliter l’appel ; aucune fouille n’est encore effectuée à la prison ; le contrôle numérique réalisé (qui diffère de l’appel numérique) ne permet pas de dresser un bilan avec précision. Il est aujourd’hui impossible d’identifier les détenus tués en fonction de leur numéro d’écrou, leur nom, leur photo, leur statut juridique et leur dossier», a expliqué la FJKL. Selon cette institution, 26 personnes ont été tuées, dont 4 personnes à l’intérieur de la prison, 16 personnes à l’entrée de la prison, 3 personnes à la rue Jean-Jacques Dessalines, et 3 personnes à la rue Saint-Dominique. Parmi les personnes tuées figure le responsable de la prison. Le détenu Arnel Joseph a été tué le lendemain dans l’Artibonite. Ce qui porte à 27, le nombre de personnes tuées. À cela s’ajoutent 10 blessés, 445 évadés dont 59 repris.

La FJKL, sans faire le bilan du matériel perdu à la prison, a dressé une liste des objets retrouvés sur la cour et sur le toit de la prison.

Après avoir présenté les faits, la FJKL a analysé la négligence et la complicité des autorités. Elle a également dénoncé la manière avec laquelle les forces de l’ordre ont géré les incidents. «L’analyse des événements survenus dans la prison civile de la Croix-des- Bouquets permet de relever une négligence coupable des agents et des responsables de la DAP et des autorités de l’État, dans la gestion de la prison, des complicités intérieures dans l’évasion des détenus, un usage abusif de la force, dans la répression de l’émeute et de l’évasion. (…) Les événements survenus à la prison sont le fruit de la complicité des agents et des autorités pénitentiaires. Beaucoup d’éléments militent en faveur de cette thèse : des éléments interdits trouvés à l’intérieur de la prison tels: armes à feu, beaucoup de téléphones, de la drogue (marijuana) ; l’usage du téléphone est fréquent à la prison (les gens du dehors étaient au courant du coup et venaient attendre des détenus à l’extérieur de la prison) ; aucune des barrières de la prison civile de la Croix-des-Bouquets n’a été défoncée ou endommagée.

Par ailleurs, à l’instigation de l’organisation féministe «FANM DESIDE», des dizaines de manifestants, issus de plusieurs organisations œuvrant dans la promotion des droits humains, entre autres, FANM DESIDE, RESEDH, OJEDEDESE, ZANSET, SOMA, AZAMA, BAL, JCI Jacmel ont marché pacifiquement dans les rues de Jacmel, le jeudi 11 mars 2021, pour exiger de l’État une enquête sérieuse et objective, relative à la situation dans le dossier de maltraitance qu’auraient subie des détenues de la population carcérale féminine des mains de certains agents de l’APENA, à la prison civile de Jacmel. Les manifestants reprochent à certains policiers de l’APENA d’avoir bastonné, à un niveau frôlant la torture, des femmes détenues à la prison civile de Jacmel. Certains protestataires ont aussi parlé de cas de viol dont seraient victimes certaines femmes détenues, dans ce centre carcéral.

Les protestataires, pour la plupart des femmes, se sont ensuite rendus devant le parquet de Jacmel, pour demander au commissaire du gouvernement de Jacmel, Me Lionel Chérima, de prendre ses responsabilités. À l’issue de cette journée de mobilisation, le commissaire Chérima annonce la formation d’une commission d’enquête, constituée d’organismes de défense des droits humains de la région et d’autres entités, afin d’établir la vérité sur ce qui s’est réellement passé à la prison civile de Jacmel, les 7 et 8 mars derniers.

Altidor Jean Hervé

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