Des trois premiers leaders et fondateurs d’Haïti, Nous avions eu un empereur, un roi et un président : l’Empereur Jacques 1er, le Roi Henri 1er, dans le royaume du Nord, et le troisième, le Général Alexandre Pétion, s’était proclamé Président à vie. Dans tous ces trois premiers cas, il n’y eut rien d’illégal. En fait, nos lois étaient façonnées, modifiées ou amendées pour permettre à nos dirigeants d’agir sous la bannière de nos constitutions. Cela veut dire que la constitution avait toujours les dispositions qui permettaient à nos dirigeants de faire ce qui leur semblait bon. Si les deux premiers monarques avaient adopté un système féodal de gestion, le président Alexandre Pétion, lui, malgré ses pensées républicaines avec les idées des trois pouvoirs : le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire, n’avait pas rencontré de grands obstacles pour se faire déclarer Président à vie, avec la bénédiction de son parlement. Nous pouvons avancer que, dès nos premiers pas vers l’organisation de notre nation, nos lois étaient complaisantes envers nos dirigeants.
Similairement, le pays a connu l’Empereur Faustin 1er, les Présidents François Duvalier et Jean-Claude Duvalier, qui ne cachaient pas au peuple haïtien le caractère prophétique et mystique de leurs pouvoirs à vie. Et, encore une fois, la constitution était toujours adaptée pour servir la cause de ces politiciens avides de pouvoir et de fortunes.
Si vous pensez que le président Jovenel est un dictateur et que son régime est de facto, c’est probablement parce que vous vous êtes appuyés trop sur des concepts abstraits de la démocratie axée sur la répartition équitable des trois pouvoirs et sur le rôle du peuple dans la prise de certaines décisions importantes. La démocratie est une doctrine politique importée qui trouble même les Haïtiens aux esprits les plus agiles. Une fois que le président respecte les traités et accords internationaux avec les pays membres du G7+1, le syndicat des pays colonisateurs et impérialistes, CORE GROUP et les consultants des organisations telles que l’ONU et l’OEA, le président est internationalement reconnu comme légitime et son gouvernement comme un modèle démocratique. Pour ce qui est de notre constitution, le président peut toujours la violer pour l’amender ou l’amender pour la violer après, à l’instar des présidents dictateurs de notre histoire.
Les seuls obstacles légaux seraient quelques institutions ou organes étatiques qui auraient la tâche de contrôler ou de réduire les agissements dangereux d’un Président. Et, comme on est dans l’ère de la démocratie, la façon la plus pratique de mettre de côté les parlementaires indomptables, c’est par la mainmise sur l’organisation des élections. Disons mieux, par le non-lieu des élections. Quant à la Justice, elle est fracturée, et de simples nominations par des arrêtés présidentiels suffisent pour la contrôler. L’ULCC et la CSC/CA sont déjà neutralisées.
Opposition politique
S’il est vrai que l’opposition politique représente une certaine nuisance pour le président, au fond, avec leur désorganisation, ces éléments peuvent être considérés comme des adversaires utiles. Ce sont les démons qui empêchent le demi-dieu d’exaucer les prières du peuple. Quand ça ne va pas, quand un projet tombe à l’eau, le président peut se servir de ces individus pour justifier son échec. Ces politiciens joggeurs qui courent dans nos rues, obstruant le trafic et les business sur leurs passages, peuvent marcher et manifester pendant des années, sans résultats. Le président n’a aucune obligation morale, encore moins légale, de céder aux pressions de ces athlètes résignés. Et, pour le comble, l’Opposition est désorganisée au point que plusieurs militants deviennent des Ti-Youri ou des militants vendus à rabais. On dit que ventre affamé n’a point d’oreilles. Pour ce qui est des leaders de l’Opposition, la division et la confusion sont telles que certains leaders deviennent des opposants ou idiots utiles au pouvoir en place. Les rivalités et conflits personnels dépassent leur capacité d’arriver à un consensus. Ils s’autodétruisent naïvement. En conséquence, le seul et vrai obstacle aux projets du Président, c’est la constitution.
La Constitution est coupable !
Peut-être qu’à ce stade vous vous demandez si tous ces points ne sont pas favorables aux changements urgents et radicaux dans nos lois-mères? Le référendum sur les nouveaux amendements constitutionnels est pour bientôt. La Constitution, selon le président Jovenel Moïse, est la source de tous nos problèmes. La constitution haïtienne serait l’unique coupable et responsable de tous les malheurs d’Haïti. Peut-être, dit-il la vérité car nos lois permettent à nos présidents d’ignorer les revendications des millions d’Haïtiens qui réclament justice et une meilleure vie. Ce président omniscient et omnipotent reste sourd aux cris des victimes de l’insécurité, de la vie chère, de la misère, du sous-développement, et la loi, de son côté, est sourde et muette.
Tous nos présidents à vie, dictateurs ou empereurs, avaient toujours pris le soin de changer la constitution, pour atteindre leurs objectifs mesquins, souvent au détriment du peuple. Nous avons eu des référendums où le peuple, magiquement, approuve, dans tous les cas, la décision de nos présidents. Duvalier Père, Papa Doc, avait été choisi comme président à vie par un référendum de 1964 avec 99,9% de votes favorables. Son fils, «Baby doc», avait bénéficié d’un autre référendum en 1971, approuvé à 100% pour qu’il soit accepté, dès l’âge de 20 ans, comme successeur de son père et président à vie. Nous devons demander aux propagandistes et juristes qui se joignent au Président Jovenel pour reprocher la constitution amendée de 2011 de tous les crimes et problèmes du pays, pourquoi le président Jovenel n’avait-il pas convoqué avant, un référendum sur la continuité de son mandat, après les mouvements de pays-lock ou sur l’article 134-2 autour de la fin de son mandat? Alors, comment le peuple haïtien va-t-il réagir, si le président Jovenel se déclare Président à vie, par le référendum prochain, avec 99% de voix? Ou du moins, s’il décide que le nombre de mandats d’un président est illimité? Le président va-t-il changer la Constitution, pour s’attribuer un titre d’empereur? Pour l’instant, notre demi-dieu président, Son Excellence «Après Dieu», Ingénieur, expert en droit constitutionnel, lui seul sait quelle surprise il prépare au peuple haïtien.
Rodelyn Almazor
Journal Haïti Progrès