C’est la guerre… totale. Une véritable campagne de répression a été déclenchée contre la population haïtienne par le pouvoir de facto. L’ancien président Jovenel Moïse et ses serviteurs ont juré de mettre en prison, d’assassiner toutes celles et tous ceux qui s’opposent à sa dictature, et même si leur pouvoir est à l’agonie, ils feignent de tenir leur promesse. Ainsi, plusieurs dizaines de personnes dont le Juge de la Cour de Cassation, Ivickel Dabrésil, l’Agronome Louis Buteau, une inspectrice générale de la PNH, ont été arrêtés, battus, humiliés par la milice politique de Jovenel, dans la nuit du samedi à dimanche 7 février 2021.
Le fait, que les Agents de l’USGPN (Unité de Sécurité Générale du Palais National) ait participé directement dans l’enlèvement et l’arrestation de ces Citoyennes et citoyens, prouve une implication directe de Jovenel qui, dès la fin de son mandat, avait passé du stade de menace à celui de confrontation militaire. À entendre les autorités de facto, le dimanche 7 février, sur information des services de renseignement, les forces de l’ordre, accompagnées d’officiers de justice, dont un juge de Paix et deux commissaires du Gouvernement, ont procédé à l’arrestation, à l’habitation Petit-Bois (Tabarre, Département de l’Ouest) de 23 personnes, pour complot contre la sûreté de l’État, tentative de coup d’État et d’autres chefs d’accusation. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient, entre autres, le juge à la Cour de Cassation, Ivickel Dabrésil, qui devait être installé comme Président provisoire, et l’Inspectrice Générale de la Police Nationale d’Haïti, Marie Louise Gauthier.
Le dimanche 7 février, sur le tarmac de l’Aéroport international Toussaint Louverture, avant de prendre l’avion pour aller danser le soi-disant Carnaval de Jacmel, l’ex-Président Moïse, lors d’un point de presse, a dit que, grâce aux services de renseignements, une tentative de coup d’État qui visait à le renverser et à l’éliminer physiquement, avait été déjouée par des agent de l’Unité de Sécurité Générale du Palais National, indiquant qu’une vingtaine de personnes ont été arrêtées, dans ce complot.
L’ex-président Jovenel Moïse a annoncé dimanche matin que les policiers de la sécurité présidentielle avaient conduit une opération qui a permis de déjouer, dans la nuit de samedi à dimanche, un complot qui visait à le renverser du pouvoir, a-t-il déclaré. En début d’après-midi, le Premier Ministre Joseph Jouthe, intervenant lors d’une conférence de presse conjointe, en sa résidence officielle, à laquelle participait Léon Charles, le Directeur Général a. i, de facto de la Police Nationale d’Haïti, les ministres Rockfeller Vincent (Justice), Audain Fils Bernadel (Intérieur), Jean Walnard Dorneval (Défense), le délégué départemental de l’Ouest et des hauts gradés de la Police, a expliqué que « ce groupe de personnes s’apprêtait à réaliser un coup d’État, avec l’aide de membres d’unités spécialisées de la Police affectées à la sécurité du Palais National (USGPN)». Indiquant: «ils avaient contacté des hauts gradés de la police au Palais National, qui avaient pour mission d’arrêter le Président et faciliter l’installation d’un nouveau Président provisoire qui aurait fait la transition ». Grâce aux services de renseignement et de sécurité, ce coup d’État a été déjoué. Selon les bandes sonores disponibles, la cérémonie d’installation du Président de transition était prévue ce 7 février 2021, à 10h00 a. m. Dans son intervention, Léon Charles a expliqué : « la police et la justice ont retrouvé des documents attestant des préparatifs de ce coup d’État, incluant le texte du discours d’investiture du nouveau Président provisoire, ainsi qu’un protocole d’entente où figurent plusieurs autres personnes dont encore une fois, celui du juge impliqué dans ce coup d’État.
Outre les documents retrouvés sur place dans la maison perquisitionnée en accord avec les autorités judiciaires, les autorités de facto ont saisi des armes : 2 fusils d’assaut M4, un mini Uzi, 3 pistolets 9 mm et plusieurs machettes, ainsi qu’une certaine quantité de munitions et de l’argent en devises américaines et en gourdes.
Dans son intervention, le ministre de facto, illégal, de la Justice, Rockfeller Vincent, a fait savoir que le juge Ivickel Dabrésil n’a pas été arrêté à son domicile (contrairement à certaines rumeurs) mais en compagnie d’individus armés. «Étant donné l’endroit où se trouvait le juge, il ne peut se prévaloir de l’immunité, il est donc passible du tribunal de droit commun». Un membre de la Cour a confirmé la nouvelle de l’enlèvement du juge Ivickel Dabrésil, mais ne pouvait pas expliquer les motifs de cette arrestation. «J’ai tenté d’entrer en contact avec le juge, son téléphone est inaccessible », a-t-il fait savoir.
«Premier Ministre, je vous demande de révéler (sans réserve) tous les détails de cette opération conduite par Dimitri Hérard, chef de la sécurité présidentielle», a notamment déclaré Jovenel Moïse. Il a aussi demandé au Directeur de facto de la police de prendre connaissance des documents.
Dans plusieurs vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, on peut voir le juge Ivickel Dabrésil, tantôt couché à plat ventre, assis au sol et debout au milieu d’un groupe de personnes maîtrisées par la police. Les images de l’inspectrice générale Marie Louise Gauthier, menottée, sont remarquées sur les séquences.
Le juge Jean Wilner Morin, responsable de l’Association Nationale des Magistrats, a confirmé la nouvelle, dans une note vocale, diffusée sur les médias sociaux. Révolté et indigné, le président de l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens dénonce fermement l’arrestation du juge Ivickel Dabrésil, de la Cour de Cassation, ainsi que les mauvais traitements dont il a fait l’objet. Le président de l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH), Me Jean Wilner Morin, a vivement protesté, le dimanche 7 février, contre l’arrestation du juge Ivickel Dabrésil, de la Cour de Cassation. Les images du magistrat qui siège dans la plus haute juridiction du pays, piétiné par un des policiers qui avait procédé à son arrestation, ont fait le tour des réseaux sociaux. Me Morin parle d’une tentative de rabaisser et d’humilier la Cour de Cassation, dans ce contexte de crise sociopolitique aiguë. De plus, il rappelle que la loi trace les procédures qui doivent être suivies, avant d’arrêter un magistrat en fonction. Il dénonce un complot qui viserait à appréhender d’autres membres du système judiciaire dont lui-même.
Par ailleurs, le ministre de facto, illégal, de la Justice, a balayé de la main la protestation de l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH) qui a taxé l’arrestation du juge d’enlèvement et qui a lancé un appel aux Magistrats des 18 juridictions de la République pour un arrêt de travail jusqu’à la libération du Juge Dabrésil.
Emmanuel Saintus