Le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme a adressé une correspondance au chef du gouvernement, Joseph Jouthe, en vue d’attirer son attention sur la situation dans plusieurs centres carcéraux du pays. Dans cette lettre ouverte, adressée au Premier ministre, Joseph Jouthe, le 30 septembre 2020, le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) a décrit des conditions exécrables des détenus dans plusieurs centres carcéraux du pays. Face à ces actes de violations flagrantes des droits des détenus, le CARDH recommande une intervention urgente de l’État pour soulager le sort de ces prisonniers dont la majorité est en détention préventive prolongée.
C’est après avoir visité, du 21 août au 5 septembre, le Pénitencier National, la prison de Mirebalais, la prison de Miragoâne et celle des Cayes, de la Grande-Anse et des Nippes, que les responsables de l’organisme de défense des droits humains ont pris la décision d’écrire au chef du gouvernement, Joseph Jouthe, pour attirer son attention sur la situation des détenus et des prisonniers. L’état des détenus et des prisonniers est «révoltant», ont jugé les responsables du CARDH, qui voient dans cette situation, une «négation des droits humains et de la dignité humaine». Dans cette lettre, le CARDH a tenu à attirer l’attention de Joseph Jouthe sur les conditions sanitaires, les cas de tortures, la situation des femmes, des enfants et la surpopulation carcérale. «Les conditions sanitaires des détenus sont les premiers indicateurs de ce drame humain. Reçue généralement deux fois par jour, aux heures irrégulières, leur nourriture ne contient pas de vitamines nécessaires à l’organisme humain. Parfois, les produits sont avariés et ont des mites», a révélé le CARDH, dans la lettre adressée au chef du gouvernement. Au Pénitencier National par exemple, soulignent les défenseurs des droits humains, le dispensaire n’a pas la capacité ni en termes de matériel ni en termes de médicaments, de desservir les malades. Dans l’incapacité de se tenir debout, des personnes âgées sont à même le sol, d’autres, maigres et sous-alimentés, (croupissent) dans leur cellule», a détaillé l’organisation. Aussi à la prison de Miragoâne, le CARDH rapporte que « des détenus testés positifs à la COVID-19 n’ont pas de médicaments et partagent la même cellule que les autres. De plus, la choquante constatation que les détenus sont obligés de satisfaire leurs besoins physiologiques dans leur cellule, parce qu’ils ne peuvent pas en sortir, illustre explicitement l’inhumanité des conditions de détention». Particulièrement dans le département des Nippes, le CARDH rapporte que dans ce centre de détention, les femmes sont quasiment nues, en raison de la chaleur et du manque de vêtements. En outre, elles n’ont pas de matériels sanitaires. L’odeur dégagée suffit pour comprendre à quel point elles sont déshumanisées. Certaines d’entre elles, lors de la visite des enquêteurs, ont caché leur corps face au mur, d’autres sont restées à même le sol.
Le CARDH a fait état de tortures physiques et de châtiments corporels dans les centres carcéraux visités. «Nous avons pu constater au Pénitencier National, par exemple, des détenus dans un petit cachot où ils peuvent seulement rester debout, pendant deux jours, d’autres dans un même espace avec des bras, jambes et omoplates blessés, enflés, fracturés», lit-on, dans la correspondance. «À la prison des Cayes, un grand nombre d’enfants en détention prolongée sont entassés dans des cellules, sans condition de réinsertion. Ayant commis des larcins, certains d’entre eux y sont depuis des années», toujours d’après l’organisme de défense des droits humains.
Selon l’organisation, cette réalité inacceptable, révolte la conscience humaine et inquiète le staff du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH). Ainsi, en prélude à l’ouverture de l’année judiciaire, prévue pour le 5 octobre 2020, il faudra une intervention urgente, sérieuse et responsable, en vue de pallier cet état de choses ».
À cet effet, le CARDH a exhorté la formation sommaire d’un Task Force, formé de plusieurs comités (État/Barreaux/Organisation de droits humains) pour juger la situation des détenus et prisonniers dans les dix départements du pays, en enquêtant sur certains cas. L’organisme de droit de l’homme souhaite aussi l’élaboration d’une série de critères juridiques, moraux et éthiques, capables de contribuer à la réalisation de procès rapides dans les tribunaux, les centres de détention, les commissariats… afin de voler au secours de ces ayants droit.
Parallèlement, le pouvoir en place, dans un arrêté en date du 25 septembre, publié dans le journal Le Moniteur, a nommé les membres du Conseil national d’assistance légale (CNAL). «Il s’agit d’une victoire de la Fédération des barreaux d’Haïti (FBH) qui dénonçait, depuis des mois, le contournement de la loi sur l’assistance légale», a écrit la FBH, dans une note en date du 1er octobre 2020, manifestant son contentement face à cette décision. Le CNAL tire sa base légale de la loi du 10 septembre 2018, publiée dans une édition spéciale du journal officiel du vendredi 26 octobre 2018. Selon l’article 20 de la loi sur l’assistance légale, le Conseil national est composé du Ministre de la Justice, assurant la présidence, du Protecteur du Citoyen comme vice-président, et des autres membres, soit: le ministre des Finances ou son représentant, le président de la Fédération des barreaux et d’un représentant du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
Le CNAL, notamment au regard du premier article de la loi du 10 septembre 2018, vise à accorder, aux personnes en situation économique ou financière précaire, l’accès à la justice, gratuitement. Cette mesure est conforme aux dispositions de l’article 8, alinéa 1er de la Convention américaine des droits de l’homme. L’assistance légale couvre deux services : l’assistance juridique et l’assistance judiciaire. La première consiste à rendre la justice accessible, améliorer la compréhension du droit, prévenir les conflits, entre autres. Quant à l’assistance judiciaire, elle permet d’assurer la défense d’une partie à un procès, d’assurer sa représentation, lorsqu’elle est victime d’un crime ou d’un délit et même de défendre une personne poursuivie, qui pourrait perdre ses moyens de subsistance si elle est reconnue coupable. L’assistance judiciaire est également accordée en matière autre que pénale.
Altidor Jean Hervé