La gabegie est de mise dans ce Parlement plein de coupaillers. Le Sénat de la République a dit ne pas reconnaître le vote de la Chambre des Députés. Le lundi 18 mars, le Premier Ministre, Jean-Henry Céant, a décidé de se rendre au Sénat de la République pour sa séance d’interpellation. Vers 11h30 A.M, au niveau du Sénat, il y avait seulement 13 sénateurs présents… Faute de quorum, le président du Sénat, Carl Murat Cantave, a renvoyé la séance pour le mercredi 20 mars prochain. Tandis qu’à la Chambre basse tout s’organisait, 104 Députés étaient présents à 1h00 p.m. pour la séance d’interpellation du Premier Ministre. L’agenda de la séance a été adopté par 88 députés, 12 contre et 4 abstentions. Sans la présence du Premier Ministre Céant, le président de la Chambre des Députés a annoncé la poursuite de la séance d’interpellation du gouvernement. «Les résultats de la séance lui seront communiqués», a déclaré le député Gary Bodeau. Le Premier Ministre Jean-Henry Céant et son gouvernement viennent d’être renvoyés par la Chambre des Députés. Résultat du vote : 93 voix pour le renvoi, 6 voix contre le renvoi et 3 voix d’abstention. Une lettre va être envoyée au Président de la République pour la nomination d’un autre Premier Ministre. «Le Gouvernement de Jean-Henry Céant a reçu une motion de censure de la Chambre des Députés avec 93 voix pour, 6 contre et 3 abstentions», a annoncé la Chambre des Députés à 1h10 p.m. Maintenant, un arrêté Présidentiel doit nommer un Premier ministre intérimaire, car Jean Henry Céant ne peut même plus liquider les affaires courantes, ont fait savoir les députés interpellateurs. Les parlementaires jovenéliens font semblant de compenser leur erreur. Et pourtant la réalité est bien ailleurs. Vassaliser par l’Exécutif, ces fripouilles au service de Jovenel continuent de faire de la mascarade, en annonçant qu’ils ont interpellé le Premier Ministre, Jean-Henry Céant.
Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que Jovenel Moïse avait décidé de composer avec Céant. L’incident du dialogue raté a creusé le fossé entre Jovenel et Céant. D’autant plus que les sujets de divergences se multiplient entre le Palais national et la Primature, dans le dossier des mercenaires. Depuis l’annonce du maire des Cayes, Gabriel Fortuné, exigeant le départ de Jean-Henry Céant pour calmer la rue, Céant sait qu’il n’a plus aucun autre choix. Gabriel Fortuné, un allié indéfectible du pouvoir, avait été choisi dans le dos de Céant pour mener un dialogue parallèle avec l’opposition. Dans ses recommandations, il avait proposé la démission de Jean-Henry Céant pour calmer la rue et l’opposition. C’est une manœuvre du Palais national pour maintenir Jovenel au Palais. Leur seul souci reste à satisfaire Jovenel. En effet, à la suite du refus de Michel-Ange Gédéon, le Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti (PNH) de dévoiler aux membres de la Commission, le 26 février dernier les informations sensibles qu’il détenait, pour ne pas interférer dans l’enquête en cours sur les 7 étrangers (dont 5 américains) lourdement armés, arrêtés le 17 février à Port-au-Prince puis libérés et transférés aux États-Unis, 72 heures plus tard. Le mardi 12 mars, le Sénat a de nouveau reçu les membres du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) pour tenter d’obtenir des clarifications sur cette affaire et les décisions de justice qui ont conduit à leurs libération et transfert aux USA. Une fois de plus, le Premier Ministre Céant, le Ministre de la Justice Jean Roudy Aly, le Ministre de l’Intérieur Reynaldo Brunet (en l’absence de Michel-Ange Gédéon et du Commissaire du Gouvernement Paul Eronce Villard) ont donné des explications au Sénat, lors d’une séance à huis clos, demandée par le Premier Ministre, loin des caméras et des micros des journalistes. Cette séance à huis clos a été finalement accordée par le Président du Sénat, après plusieurs heures d’intenses débats houleux, entre les partisans du débat public et ceux du huis clos.
À l’issue de la séance qui a duré près de 1h30, 9 sénateurs se sont déclarés insatisfaits des explications données, notamment du manque de précision dans les réponses du ministre de la Justice, sur le fondement de sa décision de libérer et d’autoriser le transfert des étrangers aux États-Unis. Cela ne les a pas convaincus. Aussi, ils ont décidé de signer un acte d’interpellation du Premier Ministre, du ministre de la Justice et du ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, acte qui a été lu à la tribune par le Président du Sénat, le Sénateur Carl Murat Cantave. Ainsi, pour barrer la route aux Sénateurs, les députés en ont profité pour interpeller également Céant et son gouvernement. « Monsieur le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 129-2, 129-3, 129-4, 129-5, 129-6, 156 et 161 de la Constitution de 1987 amendée, j’ai l’avantage de vous annoncer votre interpellation et celle de votre Gouvernement. Cette mesure fait suite à la demande d’un groupe de soixante-dix (70) députés. Dans cette perspective, accompagné de votre cabinet ministériel, il vous est demandé de vous présenter à la salle de séance de la Chambre des députés, le lundi 18 mars 2019, à 10 heures du matin. Veuillez recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma plus haute considération », a écrit Gary Bodeau, Président de la Chambre des députés.
Emmanuel Saintus