Le mardi 5 juin, le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) avait été invité par la Commission Justice, Sécurité Publique et Défense pour s’expliquer sur l’arrêté soumettant à l’approbation du Conseil, les décisions du Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti. La rencontre s’est transformée en une séance plénière, du fait que la majorité des sénateurs du Grand Corps ne sont pas favorables à la décision de Jovenel Moïse et de son équipe gouvernementale de mettre la Police nationale sous leur coupe. 22 sénateurs se sont présentés à cette rencontre prévue pour 11 heures et qui allait débuter aux environs de 4 heures P.M, en raison du retard du Chef du CSPN, Jack Guy Lafontant. Depuis 11 heures, le Directeur de la PNH ainsi que d’autres membres du CSPN se sont présentés au Parlement haïtien mais on attendait le chef du CSPN qui finalement n’est jamais venu au Sénat. Le vendredi 1er juin, le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) avait été invité par la Commission Justice, Sécurité publique et Défense, afin de s’expliquer sur l’arrêté soumettant à l’approbation du Conseil les décisions du Directeur Général de la Police National d’Haïti, mais n’avait pas répondu à l’invitation non plus. Le Premier Ministre Lafontant, Président du CSPN avait alors informé la Commission, par courrier, de son indisponibilité et demandait le report de cette rencontre à la semaine prochaine. Ce mardi 5 juin, la rencontre s’est déroulée sans la présence du Chef du CSPN. Jovenel Moïse et son équipe gouvernementale sortent leurs griffes après la décision des responsables policiers, d’opérer quelques changements dans l’institution. En effet, l’inefficacité de la police, la recrudescence du phénomène de l’insécurité dans plusieurs localités et villes du pays, avaient poussé les autorités policières à prendre des dispositions pour rétablir un climat de sécurité dans le pays. À cet effet, des directeurs départementaux ont été virés. Ces changements effectués n’ont pas plu à Jovenel Moïse et à son équipe. Un décret signé par le Président et son Gouvernement a interdit au Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti de prendre des décisions sans l’approbation du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN). Cet arrêté a été publié en marge de la loi et modifie la loi sur la Police nationale d’Haïti. Ce décret présidentiel datant du 23 mai et publié le lundi 28 mai 2018 dans le journal officiel, Le Moniteur, soumet à l’approbation du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN), avant leur mise en œuvre, les décisions intéressant les nominations ou transferts aux niveaux des directions centrales et départementales générales, la formation et le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière et la rémunération des membres de la PNH. En voici un extrait.
« […] « […] Considérant que le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) est l’organe pour définir la politique et les stratégies nationales en tout ce qui concerne les missions de la Police Nationale d’Haïti et, à cet effet, doit donner son avis sur toute question qui concerne la réglementation générale, la formation et le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière et la rémunération des membres de la PNH ;
[…] Sur le rapport du Premier Ministre ;
Et après délibération en Conseil des Ministres ;
ARRÊTÉ
Article 1er- Les décisions intéressant les nominations ou transferts au niveau des directions centrales et départementales de la Police Nationale d’Haïti ainsi que celles concernant la réglementation générale, la formation et le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière, la rémunération des membres de la PNH sont soumises à l’approbation du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) avant leur mise en œuvre.
Sans cette approbation, ces décisions sont de plein droit nul et de nul effet.»
Cette décision prise par Jovenel Moïse pour vassaliser la Police Nationale d’Haïti (PNH) a été dénoncée par les responsables d’organisations de défense des droits humains, des membres de la société civile et des dirigeants politiques. Michel-Ange Gédéon, Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti a réagi sur sa page Facebook, dans un message publié à l’intention des policiers qui se lit comme suit. « Notre police est Nationale, mais nous ne pouvons nous cacher derrière notre souveraineté pour faire n’importe quoi. Tous les regards sont fixés sur nous. Nous avons un devoir d’image et un devoir de résultat. Ensuite, je voudrais souligner pour vous à l’encre forte que les vieilles pratiques politiques partisanes n’ont jamais fait du bien à notre institution. Chaque fois que la politique entre dans la cuisine de l’institution, c’est pour tout gâcher. Les faits sont là et les exemples tellement éloquents. Soyez et restez professionnels ! Les gouvernements passent, la police demeure. Chaque candidat a un programme de Gouvernement, mais aucun ne peut se passer du volet de la sécurité. Vous êtes donc incontournables. Soyez-en fiers sans pour autant avoir la grosse tête ».
Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), tout comme Justice et Paix craignent une main mise absolue de l’Exécutif sur la PNH et recommande au Parlement, afin d’éviter la politisation de la police, d’intervenir rapidement pour forcer l’Exécutif à rappeler cet arrêté présidentiel. Le sénateur Francenet Dénius (VERITE) proche du pouvoir, croit que l’Exécutif a dépassé les limites et exige le retrait de cet arrêté. Pour son collègue Nènel Cassis (LAVAL) cet arrêté est une forme de coup d’État contre la PNH pour tenter de remettre aux autorités politiques, le plein pouvoir à travers le CSPN qui ne pouvait avant cet arrêté, que donner son avis sur la réglementation de la PNH et sur un ensemble de dispositions. Il appelle à la mobilisation des deux Chambres pour le retrait de cet arrêté. L’ex-Directeur Général de la PNH, Mario Andrésol, estime qu’il s’agit d’une révocation implicite de Gédéon, même s’il reste convaincu qu’un arrêté ne peut pas modifier la loi portant création de la PNH. Il exhorte le Chef de l’État à revenir sur cette décision. Pour le sénateur Youri Latortue, l’arrêté présidentiel du 23 mai 2018 ne peut pas modifier l’article 13 de la loi du 29 novembre 1994 portant création et fonctionnement de la PNH. Il a indiqué que l’article 13 de cette loi prescrit que « le CSPN donne son avis sur toutes les questions touchant à la règlementation générale, la formation et le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière, la rémunération des membres de la police ». Par ailleurs, le lundi 22 mai 2018, un nouveau directeur a été installé, dans la soirée, à la tête de la direction départementale de la Police du Sud-Est. Il s’agit de Cadostin Marc-André qui remplace à ce poste, Monès Auguste. Le nouveau directeur départemental de la police du Sud-Est, Cadostin Marc-André, a donné la garantie qu’il accompagnera les habitants du département et de Jacmel en particulier, en vue de combattre le phénomène de l’insécurité sous toutes ses formes dans la région. Également, un nouveau commissaire de police a été installé le mercredi 23 mai 2018 à Petit-Goâve. Le nouveau commissaire, répondant au nom de Conseillant Julbert, a exhorté la population à la collaboration « Je vais me mettre au service de la population, en luttant contre le banditisme. Les malfrats seront mis hors d’état de nuire », a dit Conseillant Julbert qui remplace, à ce poste, John Joseph.
Par ailleurs, la précarité, la pauvreté et l’insécurité contribuent à réactiver l’imaginaire de la sorcellerie et à accroître la violence en Haïti. Le chômage, la misère créent une autre forme d’insécurité, notamment pour les jeunes à la recherche de moyens pour survivre. À cet effet, de nombreuses personnes ont été la proie des houngans, (malfektè) ces derniers temps. Ces houngans qui n’arrivaient pas à satisfaire ces personnes, les ont tuées. En effet, une situation difficile et tragique est survenue dans la localité de Déchan, première section de Grand-Goâve. Trois (3) jeunes garçons ont été froidement abattus par un houngan répondant au nom de Genet André, alias Lifèt, dans la nuit du lundi 21 au mardi 22 mai 2018. Selon les informations, les jeunes venaient de la commune de Léogâne. Ils s’étaient rendus chez Lifèt pour une consultation. Le houngan a froidement tué sur le coup deux d’entre eux, le troisième qui avait pris la fuite et s’était réfugié chez un pasteur a été poursuivi par Genet (houngan). Ce dernier l’a finalement rattrapé après avoir pénétré dans la maison du pasteur répondant au nom de Frantz, le blessant par balle. Emmené de force, le corps de la troisième victime a été trouvé dans la zone Icondo, au niveau de la route nationale #2. La Police et le juge de Paix qui se sont rendus sur les lieux des incidents ont constaté les cadavres dont l’un a été identifié comme Bernard St-Hilaire, âgé seulement de 17 ans. L’assassin, Genêt André, a pris la poudre d’escampette depuis le même soir.
Selon Réginald Michel, porte-parole de la Police Nationale d’Haïti de la commune de Thomonde, cinq (5) personnes ont été blessées par balles récemment. L’incident s’est produit le vendredi 1er juin 2018, à la suite d’une altercation entre un houngan (prêtre vaudou) connu sous le nom de « Baron » et des résidents. Antoine Valérus, un autre hougan venu prêter main-forte à son collègue, a ouvert le feu sur les personnes présentes, en blessant 5 aux pieds et aux jambes. La police a procédé à l’arrestation du tireur, et les blessés ont été transportés à l’hôpital pour recevoir les soins que mérite leur état.
Saintus Emmanuel