À celles et à ceux qui sont tristes à l’idée de quitter la terre sans voir poindre l’ombre d’un changement dans le pays, j’ai pensé à eux en ce début d’année. Cela me fait toujours plaisir de voir des étoiles dans les yeux des gens, je me suis laissé aller jusqu’à adhérer à l’idée qu’identifier un problème, c’est le résoudre à moitié. Connaître quel est le problème qui handicape le pays, serait pour beaucoup, un petit bonheur qui ne coûte pas cher.
J’avais oublié : Haïti est unique. Ce serait présomptueux de croire qu’il s’agit d’un exercice facile. On sait que pour tel pays le problème c’est la population qui vieillit, pour d’autres, c’est le climat et voire pour certains, c’est l’accès à la mer etc. Mais qu’en est-il pour Haïti ?
Mon interlocuteur me fit remarquer, d’abord la question devrait être : Y-a-t-il un problème en Haïti ? Je lui ai dit, mauvaise foi mise à part, il devrait être plus clair. Sans tomber dans la trivialité, quand le malheur de certains constitue une opportunité pour d’autres, comment allez-vous faire pour définir un problème commun pour cette nation. Effectivement, quand il s’agit d’Haïti, rien n’est banal. Une question oiseuse peut se transformer en question existentielle.
Je n’ai pas beaucoup de références, concernant l’identification des problèmes d’Haïti. J’ai en tête la chanson de Top Adlerman : « Pwoblèm mwen » ou ce cri du cœur de Patrick Chamoiseau, mis en musique par Tabou Combo : « Lè chak moun ap rale yon bout/se Ayiti ki nan la dewout ». Les politiques ne sont pas très prolixes à ce sujet, le président René Préval avait identifié la Constitution de 1987 comme la principale cause de l’instabilité politique en Haïti et, plus sérieusement, le présent Leonel Fernandez avait déclaré, dans un premier temps, que « tous les malheurs d’Haïti sont la conséquence de son histoire » et, dans un deuxième temps, lors de l’inauguration du Campus de Limonade, il avait tenu à rappeler aux autorités haïtiennes présentes que « l’éducation est le premier pas vers le développement ».
De cette manière, on est mal embarqué, on devrait revoir les bases. Nous avons tendance à désigner toutes les mauvaises situations comme des problèmes. Michel Foucault nous permet de mieux comprendre « les spécialistes » qui « problématisent » la situation du pays. Ils seraient moins imprudents, s’ils savaient, face à leurs annonces, qu’on se demande : Qui fait cette déclaration ? À qui est-elle destinée ? Pourquoi cette déclaration est-elle faite ici, maintenant ? À qui profite cette déclaration ? À qui cela fait-il du mal ?
Guy Craan