Permettez-moi de vous consoler, vous qui pleurez le départ de Liliane. Elle continuera d’être présente
parmi nous, grâce à ses contributions dans les luttes pour l’émancipation et l’engagement des femmes
haïtiennes, dans la politique et l’administration publique, et surtout dans ses actions civiques, dénonçant
tous les abus de pouvoir, les vols et assassinats orchestrés contre la population civile. Si vous êtes
aujourd’hui endeuillé à la suite de cette tragédie, sachez qu’il ne faut pas chercher notre Lili parmi les
morts mais parmi les combattants, parmi les héros de l’histoire moderne d’Haïti.
Avec plus de 45 ans de carrière dans le journalisme, Madame Pierre-Paul a marqué plusieurs
générations de patriotes, de militants politiques, de révolutionnaires haïtiens. Est-elle partie trop tôt ?
Les agents de la mafia politique haïtienne, les assassins des bandes criminelles, les dirigeants politiques
corrompus et corrupteurs voulaient le silence de Liliane. Quand ils ne pouvaient ni la corrompre ni
l’intimider, ils n’hésitaient pas à employer les moyens forts. Elle fut la porte-parole du prolétariat. La
voix des sans voix a connu l’exil deux fois. Habituée aux attaques directes et indirectes contre elle, son
passé fut troublé par des moments de tortures et d’exils forcés.
Elle fut témoin et victime des barbaries des Duvalier. Après le premier coup d’État contre le
régime populaire Lavalas, les militaires putschistes voulaient, par tous les moyens, la faire taire. Mais
sans succès. Après les menaces et les offres alléchantes, elle a gardé sa dignité en préférant se ranger du
côté du peuple qui ne pourra plus jouir de ses longues heures régulières de nouvelles (Nouvèl 4 trè).
Elle a charmé une grande partie de la population et, en même temps, elle fut considérée comme une
nuisance pour de nombreux malfaiteurs.
Devons-nous, la canoniser pour autant ? Non, comme toute figure publique, elle créa aussi de
vives polémiques avec ses prises de position sur certains sujets critiques et sensibles qui
incommodaient parfois plus d’un. N’est-ce pas un droit sacré de tout citoyen d’avoir ses propres
opinions ?
On peut lui reprocher certaines alliances temporaires, certaines déclarations parfois incorrectes
ou incendiaires. Mais que nul ose douter de son intégrité et éthique professionnelle! Cette grande fierté
haïtienne, au nom de la justice, de la paix et de la démocratie, a combattu le bon combat. Elle pouvait
mobiliser, avec des centaines de millions de gourdes, pour ses intérêts personnels, mais a choisi,
pendant toute sa vie, de mobiliser les Haïtiens et Haïtiennes, afin de travailler pour une meilleure Haïti.
La nation et spécialement la presse haïtienne, avec honneur et fierté, rendront, pendant longtemps, les
hommages mérités à notre héroïne, notre légende.
Rodelyn Almazor
le 1 er août 2023