Ariel Henry peut-il publier des décrets
Dans un article publié en 2020, nous avons défini le décret comme un acte administratif. Et,
quand il s’agit de réguler le fonctionnement de la société, seules les lois ont la prépondérance.
Or, les lois sont des œuvres d’une harmonisation des pouvoirs publics. Car elles doivent
refléter les pratiques sociales. C’est pourquoi une loi ne devrait être jamais contestée. Quelle
que soit sa teneur, elle doit toujours correspondre aux attentes et actes des citoyens.
Dans une démocratie représentative, les dirigeants, puisqu’ils émanent du peuple, ils
mesurent leurs actions en fonction de ce qu’attendent leurs mandants ou leurs citoyens.
Généralement, les mécanismes, en ce qui a trait à la législation, sont définis dans la
constitution qui est, elle-même, un acte législatif à portée générale. On ne peut pas donner à
un homme seul, le pouvoir de faire des lois pour toute une société.
En ce qui concerne notre cas, la Constitution de 1987 définit non seulement les
mécanismes ou les procédures pour arriver à une loi, mais elle prévoit aussi les acteurs où
géniteurs potentiels. Il n’est pas donné à tout le monde de décider et d’imposer une loi, selon
son bon vouloir ou ses désirs.
Depuis son adoption en 1987, jusqu’à son amendement en 2011, la Constitution
n’accorde aucun pouvoir à un gouvernement de décider et de publier des décrets. L’exception
en a été faite seulement pour le Conseil National de Gouvernement (1986-1987). Et la
Constitution, en son article 286, elle était claire.
«Le Conseil National de Gouvernement est autorisé à prendre en Conseil des
Ministres, conformément à la Constitution, des décrets ayant force de Loi, jusqu’à l’entrée en
fonction des députés et Sénateurs élus sous l’empire de la Présente Constitution.»
Donc, depuis février 1988, période marquant la première entrée parlementaire sous
l’empire de cette Constitution, tous les décrets ne sont que des chimères des hommes de
l’Exécutif, désireux d’imposer leur volonté à la société et attachés à leurs intérêts personnels.
En conséquence, tous ces décrets sont inconstitutionnels.
En plus, si en 1987, il y avait une porte ouverte accordant ce pouvoir à l’exécutif,
l’amendement l’a totalement anéanti, lorsque, non seulement il n’y a plus de dispositions
transitoires, mais aussi lorsqu’elle dit: «Les articles 285, 285-1, 286, 287 et 288 demeurent
abrogés.»
Enfin, tout acte législatif a une motivation. Celle-ci peut être celle d’un groupe,
comme elle peut être celle d’un individu qui a ses intérêts qu’il veut défendre à tout prix. Et le
plus important d’un acte de régulation, c’est la motivation qui le sous-tend. C’est-à-dire, ce
que cherche son auteur, sur le plan personnel et égoïste. Dans le cas d’Ariel Henry, il y a lieu
de s’inquiéter. Car on ne peut pas donner à un hors-la-loi, le droit de faire la loi. Ce sera le
commencement de la dictature.
Me Inseul Salomon
Avocat, sociologue