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Dans l’abîme de l’inconstitutionnalité

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Il n’y a pas de pire sensation, que lorsqu’un peuple, au temps moderne, accepte de vivre en dehors de toute norme ou, pis encore, lorsqu’un peuple indépendant trouve bon de renoncer à sa souveraineté. Parce que, effectivement, tout peuple normal, c’est-à-dire tout peuple qui n’est pas dans un état morbide, doit être au courant des manières de se conduire, de la nécessité d’avoir, en tout temps, une loi fondamentale fixant l’organisation et le fonctionnement de sa société. Enfin ! Comment un pays peut-il cheminer sans une autorité à laquelle tout le monde doit obéir ? À l’inverse de ce qui devrait-être, Ayiti se trouve aujourd’hui au cœur d’une tourmente sans précédent. C’est la première fois qu’Ayiti n’a ni Exécutif légitime, (c’est-à-dire ni de président de la République, ni de premier ministre), ni Législature (Chambre des députés et Sénat) et ni Pouvoir judiciaire. Bien sûr, cet état de choses met en évidence, que dans l’ensemble, les prescrits de la Constitution ayitienne sont complètement au point mort, parce qu’il y a absolument une absence du déterminisme constitutionnel, celui qui donne à chaque pouvoir ses attributions pour ainsi éviter même la tentation d’extension d’aucun sur les autres. En effet, c’est la Constitution, notre Charte fondamentale, qui détermine qui peut déposer des lois et les imposer aux débats, qui peut les faire exécuter et qui a le pouvoir de les interpréter.

Le deuxième lundi de janvier 2020 nous rappelle, entre autres, l’un des tournants les plus indécents de notre récente histoire constitutionnelle, ce, du fait de l’inadéquation de certaines autorités d’une part, et de leurs antipathies les unes envers les autres, d’autre part. Par leurs inadéquations, il faut entendre que les titulaires en autorité n’ont pas toujours des compétences qui sont liées à leurs postes. En cela, il y a des exemples flagrants. Cela relève du fait de notre «misère mentale» coutumière qui nous fait nous sentir heureux même dans une situation de dépravation affectio societatis, c’est-à-dire en l’absence de tout élément fondamental et caractéristique d’un contrat social. Certains d’entre eux pourraient faire le maximum pour parvenir à un bon résultat mais, à force de vouloir bloquer notre émancipation, sous l’emprise de leurs maîtres néo-colonialistes, ils finissent par aboutir à des résultats inverses, ce qui entraîne l’effet d’une lutte générale, désordonnée, entre eux. Leur action finit par aboutir à une simple recherche de ce qui leur est nécessaire pour leurs besoins journaliers. Pour garder en vie la mobilisation populaire, ils mettent de l’avant des propositions qui se veulent favorables à tout le peuple, lui qui accepte tout. Toutefois, au bout du compte, ce n’est que de la frime, de la poudre aux yeux.

Soyons digne de confiance. C’est un manque d’intelligence ou de jugement de la part d’un président, de constater, dans un État de Droit, la caducité d’un Parlement et de renvoyer la Chambre des députés et les deux tiers du Sénat. Il pourrait avoir raison de le faire, dans la mesure où cela était lui-même conforme au déterminisme légal, s’il n’y avait pas un principe de «séparation des pouvoirs», parce que, sans autre forme de procès, cette législature [caduque (ironiquement)] était la plus défectueuse de nos institutions. Toutefois, soyons des personnes qui ne sont pas atteintes d’aliénation ou des personnes qui ont des sentiments justes des choses. Comment un président pourrait-il arriver jusqu’à la profanation de nos plus prestigieuses institutions sans la complaisance de certains (élus) qui ne sont pas véritablement des législateurs et sans la passivité de toute la population ? Faut-il en rire ou en pleurer ?

Des juges à la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire du pays, qui a également la compétence, pour nous, de la Cour constitutionnelle, ont été destitués. On a même oublié qu’ils ont un mandat inamovible, autrement dit, un mandat qui ne peut être révoqué qu’en cas de faute grave et après une procédure spéciale. Avec la bienséance qu’impose la morale: quelle a été la procédure légale de la destitution (mise en pension) de ces juges ?

Pour être loyal, il ne suffit pas de s’époumoner à énoncer que c’est une procédure spéciale, pour qu’il en soit ainsi. Par ailleurs, ce qui a été le plus angoissant, c’est qu’on a arrêté et jeté en prison un juge à la Cour de Cassation, une figure qui jouit d’une immunité juridictionnelle. Évidemment, on a pris, au préalable, le malicieux plaisir de dire fortement qu’on a dû nommer un certain nombre de juges corrompus. Et là, le problème c’est que, nous ne sommes pas sûr qu’ils soient authentiquement des corrompus. Effectivement, nous ne le savons pas, faute de preuves, faute d’enquêtes. Mais, quel dommage !

Malheureusement la Constitution a fait du président un mineur et le garant de la bonne marche des institutions. Mineur, parce qu’il est irresponsable politiquement de l’action de son gouvernement. Assurément, cette partie de la Constitution est appelée à subir des modifications (d’un amendement). L’Exécutif est composé de la présidence et de la primature. Le président est le chef de l’État. Il partage donc avec le premier ministre l’exercice du pouvoir réglementaire. Le premier ministre coordonne l’action du gouvernement. Comment le président peut-il être mineur politiquement ? Garant de la bonne marche des institutions, dont le Parlement, la Cour de Cassation et la Cour Supérieure des Comptes, pour lesquelles il devrait organiser, au bon moment, des élections… Paradoxalement, il les foule au pied. Que c’est honteux !

Depuis le 7 février 2021, le pays est légalement sans Exécutif. Pour amplifier son positionnement lié à une violation constitutionnelle sans précédent, aux yeux de tous, au lendemain du 7, le président s’installe à la tête du pays comme un chef absolu. Et, tout cela se passe sous les yeux d’une population qui se croit souveraine. Présentement, la population haïtienne perd son pouvoir suprême de refuser de se soumettre à l’injustice. Elle subit tout. Elle subit la violence des gangs, «des voleurs à col blancs», des kidnappeurs. Elle subit l’augmentation des prix des produits pétroliers. Ses ouvriers consacrent toutes leurs énergies productives à enrichir une oligarchie terrifiante. Elle avale la désinstitutionalisation et la désorganisation totale du pays. Elle supporte et supporte encore finalement tout dans l’anormalité…

Revenons avec l’idéal dessalinien car il est beaucoup plus qu’une vision du monde. C’est lui le premier et le seul qui a placé l’homme à la plus haute dignité humaine. Reconstruisons donc notre identité à l’image du Père de la Patrie, pour ne pas donner suite à l’ambition occidentale, laquelle veut mettre à mort l’idéal de l’Empereur dont on a fait couler le sang.

Vive Ayiti, Vive les fils et filles de DESSALINES !!!

Jameson Florestal

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