HomeActualitéLa valse du temps : entre nos incertitudes et nos échéances…

La valse du temps : entre nos incertitudes et nos échéances…

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Cette fois-ci, ce sera la bonne, semble-t-il.  La Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité en Haïti (MMSS), tel que votée et appuyée par les Nations Unies, arrive pour de bon.  Les préparatifs sont en cours.  La logistique se met en branle.  Et les prérequis constitutionnels, légaux et politiques ont été satisfaits, du moins, pour autant qu’on le pouvait, du côté haïtien.  Des avions gros porteurs, des Hercules C-130, livrent du matériel conséquent, quasiment pour une guerre d’infanterie : des humvees, des blindés légers et même des tanks, gracieuseté du U.S. Southern Command.  La Générale Laura Richardson, Cheffe du U.S. Southern Command, est catégorique : le déploiement des forces kényanes de la MMSS, commencera le 23 mai, donc après-demain.  Le Président kényan, William Ruto, simultanément, arrivera aux États-Unis, essentiellement pour régler les derniers détails relatifs à cet engagement des forces militaires de son pays, tout particulièrement la question de son financement.  Donc : « alea jacta est ! »   Oui, le sort en est jeté !   

Du coup, bien des choses changent sur le terrain.  Cela ne parait pas à première vue, mais nous ne perdons rien pour attendre.  Les bandits n’ont plus qu’à bien se tenir, leurs patrons et leurs commanditaires aussi.  Ceux-ci et ceux-là ont bien compris le message et ont bien essayé quelques parades.  Toutefois, cela n’a pas semblé fonctionner, comme ils le souhaiteraient.  Le Président siégeant du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), M. Edgard Leblanc Fils, dans son discours à l’occasion de la Fête du Drapeau, à cet égard, n’a pas mâché ses mots.  C’était d’ailleurs le même message transmis à l’avance par un autre de ses collègues conseillers présidentiels, M. Fritz Alphonse Jean, lors d’une entrevue.  Les bandits n’auraient qu’un seul choix : celui de déposer les armes et de se rendre à la police, pour être déférés ensuite devant leurs juges naturels.  Au mieux.  Le Président du CPT a été magnanime et a même fait preuve de retenue dans son discours.  Il n’a pas ajouté : « au mieux », qui est de mon crû.  Il n’a fait non plus aucune allusion aux autres perspectives plus funestes que pourraient contempler les bandits.  Point n’en était besoin.  Tout le monde à encore en vive mémoire, les scènes de Bwa Kale et autres terribles représailles populaires.  Tout le monde avait compris son silence éloquent.  Les mots, qui furent non-dits, résonnaient fort et clair.  La guerre avertie ne ciblera pas de victimes innocentes, même s’il y aura toujours trop de victimes collatérales, chaque fois qu’on en vienne à ces extrémités.  Celles et ceux, qui pensent avoir de comptes à rendre, devraient mettre leurs devoirs au propre, dans les meilleurs délais, avant de se faire rattraper hors du temps de grâce.  

Ce discours coupait court aux rumeurs qui voulaient que des démarches ou des discussions soient envisagées pour obtenir une trêve des bandits contre une amnistie quelconque.  Cela tuait, dans l’œuf, cette tentative d’arnaque interne, au sein même du CPT, d’un prétendu Groupe Majoritaire Indissoluble qui aurait alors beau jeu pour orienter cet organe suprême, vers le choix d’un Premier Ministre et d’un gouvernement de complaisance dans la continuité.  Ceux-ci pourraient alors négocier avec les bandits et circonvenir un assainissement radical qui pourrait survenir, avec la mise à contribution effective d’une force extérieure, combinée à ce qui reste de sain de la PNH, et qui échapperait aux dictées soupçonnées de laisser-faire et d’impunité.  Cette force pourrait effectivement mater les bandits, tous les bandits : ceux qui sont encravatés comme ceux qui sont en sandales ou les pieds nus.  Alors, tout d’un coup, des gestes de désespoir et de fuite en avant sont enregistrés ici et là.  C’est de cette manière que j’interprète les attaques des gangs armés à Gressier, à Carrefour et, à répétition, sur le siège de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.  Les gangs armés avaient besoin de démontrer une surcapacité de nuisance, tel que cela puisse inciter les nouvelles autorités en gestation, à des négociations, pour sauver encore ce qui reste à sauver, quitte à sacrifier quelques-uns d’entre eux, parmi le menu fretin.

Du coup, les rumeurs veulent que des démarches aient été entreprises à l’étranger aussi, pour limiter la chasse qui s’annonce au pays.  On aimerait bien limiter les dégâts et en circonscrire le périmètre.   On ne sait jamais où peuvent mener des investigations sérieuses et systématiques.  Il n’y a donc aucune chance à courir, et autant prendre les devants pour s’éviter des surprises malencontreuses.  Au pays même, des bandits manifestent pour s’opposer à l’arrivée de la MMSS.  Toutefois, entre eux, les grandes questions de l’heure sont les suivantes : rester à Port-au-Prince et dans ses banlieues et faire face à des forces mieux armées et plus déterminées à en découdre avec eux, ou s’éparpiller un peu en provinces, là où cela leur permettrait de se fondre dans une population plus ou moins touchée par les troubles à la capitale.   Dans ce deuxième cas de figure, le risque serait moins grand d’être pris pour cible et d’être « blessé mortellement », comme le veut la formule désormais consacrée, et les chances de faire peau neuve y seraient nettement plus attrayantes.  Plusieurs seraient très tentés par cette deuxième perspective, même ne sachant pas encore combien d’émules le Commissaire Muscadin se serait fait, ailleurs que dans les Nippes.  À ce compte, l’application rigoureuse de la méthode Muscadin ne serait pas moins périlleuse que la possibilité élevée d’accrochages meurtriers avec des forces de l’ordre, soudain ragaillardies par les renforts et l’appui logistique de la MMSS.  Alors, brusquement, le jeu ne semble plus valoir la chandelle.  Soudain, la flamme vacille dans l’autre sens.  La peur se retrouverait-elle déjà dans l’autre camp?

On a bien entendu le nommé Barbecue plastronner, lors d’une de ses entrevues sur les médias sociaux,  et prendre le Fondateur de la Nation en exemple, pour bien démontrer sa bravoure, éventuellement devant les forces de l’ordre et devant celles de la MMSS.  Quelle profanation!  Voilà celui qui, jadis, avait fait le serment de « protéger et servir », qui s’est ensuite parjuré pour devenir un détrousseur de grands chemins et un assassin de celles et de ceux qu’il avait jurés de protéger et de servir, même au péril de sa vie, et qui aujourd’hui se compare à nul autre que l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, le Héros de notre indépendance.  Quelle effronterie!  Jusqu’à présent, ses prouesses surfaites ne se sont enregistrées que devant une PNH désorganisée et fort probablement infiltrée jusqu’à son commandement.  Il a beau jeu de terroriser des civils non armés ou des policiers mal entraînés et mal équipés.  Mais c’est une autre histoire que d’affronter des forces prêtes et équipées pour les combats à venir, peu importe le terrain où ils seront livrés.

On a bien entendu également les rumeurs d’efforts entrepris par les chefs de gangs pour convaincre leurs sous-fifres de rester à Port-au-Prince et de ne pas s’enfuir vers les provinces, les laissant soudain sans la protection de leurs chairs à canon qui leur servent de remparts humains.  Toutefois, la tentation serait forte dans les rangs de ces derniers de changer de métier et surtout d’adresse.  Ils veulent bien s’enrichir vite, les sous-fifres, mais pas au risque de plus en plus certain d’y laisser leur peau.  Et puis, c’est bien connu, les amnisties ne s’appliquent jamais uniformément à tout le monde.  Il y a les chefs et il y a la piétaille.  Cette dernière fait partie de la monnaie d’échange à sacrifier lors de la remise aux normes.  Les gros bonnets s’en tirent plus ou moins bien.  Les autres crèvent en prison ou se font trucider, généralement.  À preuve, Cédras est bien en vie et se la coule douce ailleurs, sous d’autres cieux.  Toto, lui, est en prison et son sort est peu enviable, pour autant que je le sache.  Quant à Ravix Rémissainthe, le fameux « Grenn Sonnen », il n’a pas fait vieux os.  Lui et son comparse, René Jean Anthony, cela fait longtemps qu’on les a plus sonnés.  Eux aussi, ils faisaient les manchettes sur YouTube, y décrochaient les « likes » et faisaient la une sur BBC Caribbean et New York Times web.   Vingt ans déjà depuis le temps qu’ils faisaient les glorioles, la pluie et surtout le mauvais temps.  Ils sont où, maintenant ?   Un jour, comme aujourd’hui, la chance leur avait fait faux bond.  Ils ne s’en sont jamais relevés.  Leur comparse, lui, leur a survécu.  Il a fait la prison aux USA, mais il leur a survécu…   Il a échappé à la justice de chez nous, jusqu’à présent.  Mais la chance ne dure jamais éternellement.  Un jour, comme cela, sans crier gare, elle change de bord.  Et puis : basta!   

En attendant leur installation effective et surtout le déploiement des forces multinationales sur les divers théâtres d’opération, les chassés-croisés dans les coulisses du pouvoir se corsent.  Les alliances se font et se défont, les coups fourrés aussi.  Rien n’est jamais très simple sous le ciel d’Haïti.  Aucun mot n’est définitif ni certain.  Jusqu’au dernier moment, il faut toujours redouter un renversement, une mésalliance, une supercherie.  Haïti est une terre où règnent des coquins politiques qui pensent que la filouterie peut tenir lieu de stratégie.  Il demeure donc de rigueur, de rester sur nos gardes, en éveil, à chaque instant, jusqu’au matin du 7 février 2026, date à laquelle, espérons-le, le pays se verra reconduit sur les rails d’une certaine normalité constitutionnelle, avec le rétablissement de nos instances de gouvernement et le renouvellement de notre personnel politique.  Il nous faut rester en alerte, en dansant cette valse, entre temps et contretemps, et surtout éviter les faux pas et les renversements, et ce, jusqu’à la dernière mesure de cette pièce dont on ne connaît que l’échéance, bien qu’elle soit encore assez incertaine. 

Pierre-Michel Augustin

le 21 mai 2024  

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