Encore une nouvelle fois, la République d’Haïti fait la une des grands médias internationaux. Et cette fois, c’est encore pour parler du déjà-vu. Ça fait plus d’une semaine depuis l’annonce officielle de la hausse des prix du carburant. Comme une étincelle dans un baril de poudre, le pays est englouti par des vagues de violences et des attaques parfois meurtrières. À Port-Au-Prince et dans certaines grandes villes du pays, comme aux Gonaïves, au Cap-Haïtien, aux Cayes, les dégâts se multiplient et la liste des victimes s’allonge. La maison du leader de SDP, maître André Michel, fut attaquée et incendiée par des assaillants qui lui reprochaient d’être proche du pouvoir. À Montrouis, plusieurs résidences privées furent saccagées. Des écoles, comme celles des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, sont ciblées par des individus qui ont emporté tout ce qu’ils considéraient d’une certaine valeur. Des entrepôts de provisions alimentaires, des bureaux, etc.
Dans certains quartiers, les rues sont barricadées par des individus cagoulés et souvent lourdement armés, faisant des habitants de la zone des otages en plein air. Tout est paralysé, les hôpitaux, le commerce, l’industrie. Les compagnies d’importation et d’exportation peinent à recevoir et à livrer leurs marchandises. Nos agriculteurs, nos pauvres paysans regardent les bras croisés leurs produits pourrir, sans pouvoir les vendre dans les marchés publics. Un suicide collectif. Bizarrement, au nom de la démocratie, on sème le chaos partout.
Nos leaders politiques envoient des messages incohérents et contradictoires. On pointe du doigt tout le monde. C’est la faute des blancs (étrangers), le CORE GROUP, un complot des Français, le résultat de l’ingérence des Américains dans nos affaires internes, l’incompétence des autorités en place, la subversion des opposants politiques, etc. À part les déclarations explosives et les discours manipulateurs, aucun parti politique (ou politique) n’a encore présenté, jusqu’à date, un plan de sortie à cette crise qui appauvrit le pays davantage. Certains opportunistes et profiteurs traditionnels n’envisagent que la démission du premier ministre et de son gouvernement. Une approche bien connue chez nous qu’on qualifie de « retire nat, mete pay », ou « remplacer les idiots par des cons ».
Dr Ariel Henri, chef du CSPN, premier ministre depuis plus de 14 mois, a pris environ une semaine pour lancer un message au calme. Mais, il semble avoir oublié le dicton : à ventre affamé, point d’oreilles. Les gens qui manifestent dans les rues s’attendaient plutôt à un message qui offrirait des solutions. Malheureusement, les gens au pouvoir ne s’inquiètent guère de la misère du peuple. Ki mele pis ak grangou chen. La seule et vieille formule, c’est la répression, par la force, des manifestants. Selon le premier ministre président, la population doit laisser les rues et attendre les bonnes nouvelles qui viendront bientôt. La docilité et la naïveté du peuple haïtien semblent être nos meilleures qualités, à en croire Dr Ariel Henri.
La Communauté internationale réagit avec indifférence, quant à la problématique haïtienne. D’abord, on réduit le staff dans les consulats et ambassades. On publie des alertes pour décourager leurs ressortissants de visiter Haïti. Et, les plus cyniques ferment leurs portes, sans préciser pour combien de temps, comme la République Dominicaine, le Mexique et le Canada. Haïti est en train de couler, sauve qui peut ! Ce message traduit le support que nous pouvons espérer de nos pays dits « amis ». L’urgence, le soutien et la sympathie, tout va vers l’Europe, en particulier : l’Ukraine. Les Européens ont leurs propres défis face à un hiver froid et menaçant, à cause des sanctions sur l’énergie mutuellement imposées entre l’UE et la Russie. L’Union Européenne ne viendra pas à notre secours.
Dans le cas des États-Unis, ils nous donnent des leçons de démocratie. Nous avons le droit de manifester, mais sans commettre des actes de pillage, lit-on sur le compte Twitter de l’ambassade américaine. Ils oublient facilement les événements survenus après la mort d’un simple citoyen noir, George Floyd, durant son arrestation par des policiers blancs et asiatiques. Les actes de pillage aux États-Unis, liés au mouvement Black Lives Matter et ANTIFA avaient causé des pertes allant jusqu’à deux milliards de dollars américains. En Haïti, parmi les victimes, nous comptons des étudiants, des médecins, des avocats, des juges, des professeurs, des ingénieurs, des commerçants, des investisseurs, etc. Nos pertes vont d’un paisible citoyen, au bâtonnier, allant jusqu’à un président, assassiné lâchement et sauvagement. La justice est moribonde, la police est dépassée, l’État est démissionnaire. Alors, dans un pays où les bandits tuent en toute impunité, dans un gouvernement corrompu et bourrés d’incompétents, avec un peuple qui vit dans la misère la plus monstrueuse de la région, on demande aux gens d’exprimer leur colère démocratiquement et pacifiquement, n’est-ce pas illogique, voire cynique ? Comment s’attendre à ce que le peuple, sujet à de telles violences et humiliations quotidiennes, se comporte mieux que les peuples démocrates et riches, comme les BLM américains et les gilets jaunes français ?
Que faire pour sortir de ce chaos démocratique?
Dans l’immédiat, il faut arrêter cette hémorragie économique, causée par les violences et les manifestations qui paralysent le pays. Les manifestants, les citoyennes et citoyens qui réclament une intervention de l’État, doivent mettre fin au suicide collectif avec les barricades érigées en signe de lock (siège) populaire. En contrepartie, le gouvernement doit garantir la protection des vies et des biens des citoyens haïtiens, en s’attaquant de toute urgence au lock indéfini des bandits qui volent, kidnappent, rançonnent, violent et assassinent, en toute liberté et impunité. Le gouvernement doit déclarer la guerre aux bandits dont les exactions provoquent la fermeture des entreprises, l’émigration de nos jeunes, la paralysie des hôpitaux, des écoles et du commerce dans le pays. Il faut libérer les quartiers populaires occupés manu militari par des terroristes et des assassins. Il faut assurer la circulation dans toutes les artères sous contrôle des militants et mercenaires. Les unités spécialisées de la Police Nationale, affectées au Palais National et à la sécurité présidentielle (USGPN, USP, CAT team, SWAT) et les jeunes soldats des Forces Armées D’Haïti doivent participer dans des opérations spéciales pour neutraliser et déloger les terroristes dans tous les coins du pays. Il n’y a pas de progrès sans la paix et la sécurité. Haïti ne pourra jamais jouir d’un développement économique et scientifique, sans la garantie d’une stabilité politique.
20 septembre 2022