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Ferons-nous encore des vœux pour l’année 2022?

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Chaque fois qu’on croit avoir atteint le fond du puits, on se retrouve encore plus bas, plus profondément enfoncé, un an plus tard. À chaque fin d’année, chaque fois que nous partageons nos souhaits de meilleurs lendemains pour le pays, nous nous retrouvons, un an plus tard, plus désorientés qu’avant, plus démunis, plus appauvris, plus déconstruits que l’an dernier, à la même époque. Voilà pourquoi j’hésite un peu à formuler des vœux qui risquent tant de ne pas se matérialiser. Voilà pourquoi je me garde une petite gêne à oser formuler, tout haut, des souhaits de bonheur que je sais être aussi stériles que ces semences épandues sur le sol aride du Sahara. Il suffit juste de regarder le chemin à rebours, parcouru au cours de ces douze derniers mois, pour être convaincu de leur absolue futilité.

En janvier dernier, on était encore dans l’attente d’un changement prochain, à la date fatidique du 7 février 2021. La simple logique voulait, qu’ayant techniquement dissout le Parlement, un an auparavant, sous l’empire de la règle constitutionnelle applicable en pareille circonstance, cette même règle s’appliquerait aussi au mandat présidentiel, issu de ces mêmes élections. Eh bien, non! La prolongation illégale et inconstitutionnelle du mandat présidentiel, décrétée unilatéralement par «Après-Dieu» lui-même, pour son propre bénéfice, fut l’exception qui confirma la règle constitutionnelle applicable en la matière. De sorte qu’au 7 février 2021, rien ne changea dans notre architecture politique. Rien ou si peu, devrais-je dire, car rien n’est parfaitement immobile, inchangé. C’est connu, ce n’est jamais la même eau qui coule sous le pont, même si elle semble charrier les mêmes débris, la même fange… En fait, au petit matin de ce 7 février fatidique, un juge, sa famille et son entourage qui dormaient paisiblement, du sommeil du juste, furent arrachés à leur lit, molestés, traités sans ménagement et sans égard à leur âge, pour certains, ou à leur statut, pour d’autres, sous le prétexte qu’ils étaient en plein complot armé pour prendre d’assaut le Palais National, le siège suprême du pouvoir exécutif, afin de renverser le gouvernement et chasser du pouvoir le Président dont le mandat venait de prendre fin, à leurs yeux. La scène aurait juste été désopilante et burlesque, n’était-ce le sérieux des accusations d’atteinte à la sûreté de l’État, portées contre: le Juge à la Cour de Cassation, Yvickel Dabrésil, l’Inspectrice Générale de la Police Nationale, Marie Louise Gauthier, l’ingénieur-agronome Louis Buteau, la docteure Marie Antoinette Gauthier qui, semble-t-il, passaient la nuit au domicile du Juge, ainsi que le personnel de service, en tout une vingtaine de personnes, sans armes, sans aucun historique d’entraînement pour leur maniement, à Petit-Bois, un quartier de Tabarre, situé à des kilomètres du Palais National qu’ils s’apprêteraient à prendre d’assaut, en dépit de la présence de toute la garnison de USGPN, bien armée, bien équipée et déjà sur pied de guerre. Du temps de la dictature des Duvalier, il faut se rappeler que ce n’était pas une parole en l’air, juste pour effrayer des enfants turbulents. Ce genre d’accusation pouvait facilement envoyer l’accusé devant un peloton d’exécution, sans autres formes de procès, ou, au mieux, au Fort-Dimanche, pour un séjour qui risquait d’avoir la même funeste issue. Bien de pères et de mères de famille ont ainsi disparu, au cours de leur séjour dans cette geôle, de terrible mémoire. Et celles et ceux, qui en sont ressortis vivants, traînent des séquelles indélébiles qui les ont profondément marqués, pour le reste de leur vie. Serait-ce que l’hydre, que l’on croyait à jamais mort et enterré, oublié pour de bon, reviendrait nous hanter en nous revisitant quelque 30 ans plus tard ? C’en avait tout l’air, même si cela ne paraissait être qu’un début. Mais ainsi commencent les cauchemars des peuples, face à une dictature naissante.

Au timon des affaires de l’État, trois Premiers Ministres se sont succédé au cours de l’année 2021. D’abord, Joseph Jouthe, qui avait pris le flambeau que lui avait passé Jean-Michel Lapin, un autre Premier Ministre tout aussi de facto que lui, a finalement jeté l’éponge, le 14 avril 2021. Il ne menait plus tellement large et était contesté de l’intérieur même de son Cabinet ministériel. Certaines de ses décisions, un peu à l’emporte-pièce, étaient contestées ouvertement et publiquement par, à la fois, certains de ses ministres et certains conseillers politiques du Président. Alors, de guerre lasse, il avait fini par comprendre le message et il a pris la sortie, pendant qu’il en était encore temps, sans laisser sa peau à la Primature. Depuis lors, plus personne n’entend parler de lui. Et c’est tant mieux ainsi, du moins, en ce qui concerne le pays. Puis, la Primature tomba sous la coupe du Dr Claude Joseph, un autre membre sulfureux de ce Cabinet d’intrigants. Toutefois, il ne l’obtint qu’à titre de facto, certes, mais intérimaire, de surcroît. Et, d’un intérim à l’autre, il avait fini par être remplacé, in extremis, par un autre docteur, le neurochirurgien et professeur, Ariel Henry, juste à la veille de l’assassinat du Président de facto, lui aussi, depuis le 7 février 2021: Jovenel Moïse. L’autre docteur, CIaude Joseph, celui-là, eut beau tenté un retour en force, s’emparant de tous les leviers du pouvoir, pendant un cours moment, mettant sur la touche celui que le Président lui avait préféré aux dernières heures de sa vie, mais rien n’y fit. Il dut déclarer forfait, bien à contrecœur, pour ne conserver, comme prime de consolation, que le portefeuille ministériel des Affaires Étrangères. Mais, là encore, cela n’a pas duré longtemps. Il fit tant et si mal, que ce poste ne tarda pas à lui être ravi, tout récemment, de sorte qu’il se retrouve relégué aujourd’hui dans les rangs d’une opposition qu’il ne ménageait nullement, du haut de ses pouvoirs d’homme d’État. Aujourd’hui, le seul cavalier en selle reste le Premier Ministre de facto, Ariel Henry. Il tient encore la barre, malgré les bourrasques de toutes parts qui ne le ménagent pas. Tout semble indiqué qu’il y sera encore, du moins au début de l’année 2022, la semaine prochaine. Mais il ne faut jurer de rien. Les évènements, tout au cours de cette année 2021, ont été tellement imprévisibles, qu’aujourd’hui, plus rien ne me surprendra, concernant l’évolution de la conjoncture politique et sociale en Haïti, pas même à très court terme. Un grain, un coup de tabac est si vite arrivé, que la mer placide et calme, comme un lac où se prélassent des cygnes majestueux, peut devenir, l’espace d’un cillement, une furie démontée, le cimetière des petits marins d’eau douce de notre arène politique qui ne fait de cadeau à personne. Grands seigneurs hier, pestiférés aujourd’hui et, qui sait, faiseurs de roitelets demain, sinon tristes sires, balancés à jamais aux oubliettes du temps: l’avenir est, au mieux, très incertain pour notre faune de politicards… Alors, pour ce qui est de formuler des vœux de stabilité, de paix et de retour à la normalité pour notre pays et notre population, autant jeter une bouteille à la mer.

Mais ce n’est pas tout. Les ferments de cette bisbille nationale sont encore bien présents, plus actifs que jamais. On ne s’étonne plus de la hardiesse des gangs qui opèrent en plein jour et presque n’importe où, au cœur même de la capitale du pays. Ils avaient osé s’attaquer à la Police, retranchés dans leur repaire au Village-de-Dieu, en mars dernier. Le SWAT Team de la PNH, une escouade tactique, censée être experte en intervention musclée, avait subi tout une déculottée dans cette aventure, abandonnant, blindés, cadavres et corps mutilés de leurs frères d’armes. Vraiment, pas très glorieux, cet épisode macabre et douloureux. Pire encore, la PNH et le gouvernement avaient ensuite négocié avec les bandits de Izo pour récupérer, non pas les corps des policiers tombés en service mais pour ravoir les débris du simili blindé qui avait servi de trappe mortelle pour ses occupants dont les dépouilles n’ont jamais été rendues à leur famille, pour autant que je sache. De plus, Martissant reste et demeure une souricière où les intrépides, qui s’y hasardent, risquent d’attraper, presqu’à coup sûr, une balle meurtrière, comme ce fut encore le cas, la semaine dernière. Le gang de Ti Lapli y décrète l’interdiction de passage, quand il le décide. Et malheur à celles et à ceux qui y contreviennent, peu importe qui ils sont. Syndicalistes en mission de bienfaisance; militaires en goguette, civils imprudents, travailleurs insouciants, bravant le danger pour aller perdre leur vie en tentant de la gagner à la sueur de leur front et en peinant à l’ouvrage: la menace plane sur tout ce monde, indiscriminément. Alors, en quoi cela pourrait-il aller mieux, l’an prochain, sur cet aspect? Ce n’est certainement pas cette nouvelle fournée de recrues de la Police, fraîchement diplômées qui va y changer quoi que ce soit. Alors, des vœux pour le retour de la sécurité publique, pour la libre circulation des personnes à travers les dix départements du pays, et tout particulièrement du département de l’Ouest, pour la cessation des kidnappings assortis de rançon exorbitantes, des meurtres et des viols, c’est comme des signaux de fumée, en guise de S.O.S, lancés en direction d’un voisinage aveugle et sourd, qui n’écoute ni ne voit ce qui ne le concerne pas. Encore une autre futilité…

Ils disent vouloir revenir à la normalité constitutionnelle mais ils font tout pour paver la route vers cet objectif, de toute sorte d’embûches, les unes plus difficiles à contourner que les autres. L’on souhaite des élections, en bonne et due forme, et à court ou moyen termes. Toutefois, l’actuel gouvernement, tout comme ceux qui l’ont précédé s’obstine à en modifier les paramètres au préalable, en ouvrant une boîte de Pandore constitutionnelle. On veut également la paix dans les rues de nos villes et de nos villages, mais sans y mettre le prix et sans consentir les efforts qui seraient requis à cette fin. Pourtant, on a bien vu que les autres, ceux sur qui on semblait compter pour venir faire notre ménage social, politique et économique à notre place, ceux-là ont bien d’autres chats à fouetter de nos jours. Alors pour eux, il y a de fortes chances qu’ils fassent la sourde oreille à nos appels du pied ou même officiels. Même le kidnapping de Français d’abord, de Dominicains ensuite et de Canadien et d’Américains, enfin, n’ont pas eu l’heur de sensibiliser outre mesure les autorités concernées de leur pays respectif. Maintenant qu’ils s’en prennent également aux résidents cubains au pays, ce n’est pas cela qui fera une différence dans l’indifférence internationale, manifestée à notre égard. Tout au plus, on fera le strict nécessaire pour que la situation de sous-alimentation aigüe, sévère et chronique qui afflige des dizaines de milliers de nos enfants, ne défraie pas la chronique internationale, comme ce le fut pour les Biafrais des années 70, ce qui écornerait un peu la propagande de supériorité dans les résultats de progrès social automatique, assimilables à toutes ces sociétés qui gravitent dans le giron de la démocratie parlementaire et du libéralisme économique. Lesquels résultats s’appliqueraient aux bons élèves de cette démocratie parlementaire, multipartite et du libéralisme économique, s’entend. Alors, faudrait-il lancer d’autres cris désespérés dans le désert, en comptant aveuglément sur une intervention ailée qui nous transporterait tous vers une prochaine oasis, bien cachée au cœur de l’immensité de notre détresse nationale. Je ne suis pas si sûr que cela vaille la peine non plus.

Et puis, j’allais les oublier, ces deux tragédies majeures qui ont frappé le pays coup sur coup: l’exécution spectaculaire de Jovenel Moïse, chez lui, devant sa femme et sa fille, le 7 juillet 2021, et le tremblement de terre qui secoua la péninsule du Sud, le 14 août 2021. On l’avait bien entendu plastronner, ces derniers temps, lançant des défis à ces nombreux «oligarques corrompus» qui peuplaient de plus en plus ses péroraisons auxquelles il manquait parfois quelques bouts de cohérence. Et puis, finalement, le gant jeté inconsidérément aura été relevé par un de ses ennemis intimes. Après tout, n’avaient-ils pas été légion à cotiser pour le bombarder Président de la République. Aussi avaient-ils été nombreux à attendre, à exiger même, leur retour d’ascenseur, indéfiniment et à répétition. Lui qui croyait à tort faire partie de la meute, il a dû être fort surpris d’en devenir sa proie, au moment de la curée. Si une fois n’est pas coutume, alors cinq ou six fois, cela commence à devenir une mauvaise habitude, et il faut se souhaiter qu’elle ne s’installe pas dans la durée, surtout avec ces entêtements à pousser, au plus loin, le bouchon du renouvellement de la Constitution, coûte que coûte, dans la tête et dans la gorge de la population, comme si cela était l’ultime panacée pour corriger les dérives de nos institutions et de leurs mandataires, aux dépens de cette même population que l’on prétend servir. Un véhicule à quatre roues roule très mal sur seulement 2 ou 3 roues. Et puis, changer le moteur ou la transmission de notre véhicule constitutionnel ne corrigera absolument pas son roulement cahoteux et erratique. Il suffit juste de respecter le manuel de fonctionnement et de l’équiper de toutes ses pièces essentielles à son bon fonctionnement. Point barre. Rien de moins ni de plus. Il ne servira donc à rien de tenter de recréer le bouton à quatre trous, lorsque nous en avons un déjà, à notre disposition.

C’est tout comme, en ce qui concerne notre morceau de terre qui n’arrête pas de tressaillir et dont les soubresauts nous causent tant de victimes: plus de 230 000 morts en 2010, 2207 morts et plus de 12 000 blessés, en 2021. Aurait-on appris assez, depuis le premier goudou-goudou majeur des temps modernes, pour limiter les dégâts de façon aussi significative, lors de ce dernier séisme d’à peu près la même intensité ? Je me permets d’en douter. Juste à regarder aller certains nouveaux chantiers de construction, cela ne semble pas être le cas. Chasser notre naturel insouciant, il revient au galop. Alors, des vœux pour un peu mieux, quant à la sécurité physique de nos dirigeants ou bien pour celle de la population en cas de récidive de frémissement de nos plaques tectoniques: c’est tout un coup de dé. Nous sommes tout à fait à la merci de tout et de n’importe quoi, à ces égards. Et puis, un vœu de plus ou de moins, en ces matières, serait, à mon point de vue, tout à fait superflu. Alors, advienne que pourra !

Considérant tout ce qui précède, j’en prends tout simplement mon parti. Des vœux pour dire des souhaits qui ne sont que des mots vides, sur lesquels ne repose aucun élément appréciable, annonciateur d’un changement probable quelconque: très peu pour moi, merci! À chaque jour suffira sa peine, et échinons-nous à redresser la barre, chacun de son côté, au meilleur de ses capacités. C’est tout. Car personne ne le fera à notre place. Et cela risque fort de ne pas se faire sans heurts et sans douleurs. Oui, j’ai peine à le dire, mais tous les souhaits que nous nous formulons à qui mieux-mieux, ne changeront rien à notre situation de peuple à la dérive. Seuls compteront nos actes pour changer nos lendemains. Ces souhaits sont donc autant de balivernes, ne nous en déplaise.

Néanmoins : «Bonne Année 2022, quand même!»

Pierre-Michel Augustin

le 28 décembre 2021

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