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L’opposition est-elle responsable des malheurs d’Haïti ?

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Pour commencer, soulignons les différentes acceptations de l’opposition. Elle peut représenter l’ensemble des idées, des opinions, des réactions et des activités qui vont à l’encontre des politiques menées par un gouvernement. Par exemple, l’opposition aux malversations dans le projet de PetroCaribe avait sensibilisé des millions d’Haïtiens pour forcer les dirigeants et ex-dirigeants du PHTK à rendre des comptes au peuple. Dans les convocations des manifestations contre le kidnapping et l’insécurité, on voit une forte partie de la population rejoindre l’opposition. Cependant, l’usage et l’acceptation la plus traditionnelle en Haïti, quand on parle d’opposition, on fait référence à l’ensemble des partis politiques qui ne sont pas au pouvoir et qui, non plus, ne sont pas des alliés ou protégés des gouvernants. Dans ce sens, pour éviter toute confusion, j’emploie le terme «opposition politique», pour parler des secteurs de la société civile qui s’organisent pour diriger l’opposition et créer une plateforme pour donner une réponse commune aux actions et projets du Pouvoir.

Dans ce cas, on peut partiellement répondre à la question. L’opposition n’est pas responsable des problèmes du pays. Au contraire, elle représente, généralement, la voix des victimes des politiques des gouvernants et souffre quand les gouvernants et l’opposition politique n’arrivent pas à trouver un accord pour sortir le pays d’une crise politique. Donc, on peut reformuler la question : est-ce que l’opposition politique serait la source des malheurs du pays ? Avant de rendre responsable les membres des partis de l’opposition des dérives du pouvoir en place, je crois qu’il est important de souligner les missions principales de l’opposition politique

  • L’opposition politique est la force qui contrebalance le pouvoir en place. Elle offre les alternatives aux citoyens, leur évitant de tomber dans le populisme qui caractérise les dictateurs qui portent atteinte à la liberté d’opinion et aux droits fondamentaux du peuple.

Souvent, on voit des soi-disant experts en politique reprocher à l’opposition les projets de transition quand, au fait, l’essence même d’une équipe d’opposition, c’est d’assurer l’alternance politique. La priorité de l’Opposition est de forcer les élus à respecter les missions qui leur sont confiées. L’Opposition politique a le devoir d’exiger, de l’équipe au pouvoir, de satisfaire les besoins de la population et, en contrepartie, les élus ont le droit d’exiger le respect de leurs mandats qu’ils doivent justifier avec des progrès réels des projets en cours ou avec les résultats et impacts concrets des projets achevés. Au cas échéant, l’Opposition peut réclamer la démission et le remplacement des dirigeants incompétents ou médiocres.

Et, finalement, dans les sociétés démocratiques, l’Opposition politique garantit l’existence du pluralisme politique. Ce qui permet de diversifier les choix des citoyens quand ils doivent élire leurs gouvernants. Dans ce cas, le risque de voter tous les leaders d’un parti unique sans se soucier de leurs capacités et habilités à exécuter le travail assigné, est minimisé.

En guise de radiographie des activités de l’opposition qui visent à l’élaboration d’une équipe de transition politique ou d’alternance politique, le focus doit être placé sur les réalisations de l’équipe au pouvoir, par rapport aux promesses et projets qu’ils avaient présentés à leurs constituants. Il faut se rappeler que les leaders autoproclamés d’un mouvement de revendications sociales, n’ont aucun mandat pour développer le pays. Ils ne reçoivent aucun salaire pour travailler et délivrer des projets capables de changer la vie des habitants dans les communautés nécessiteuses. Quiconque pense que c’est l’Opposition politique qui doit protéger le peuple des bandits, se trompe grandement. Le chef de l’État, le premier citoyen de la République est, selon la Constitution, le grand protecteur des vies et des biens.

Si nous considérons la nation comme une grande famille, le président en représenterait le père. Quand un père irresponsable et alcoolique gaspille les ressources financières de sa famille et maltraite son épouse et ses enfants, doit-on blâmer ses amis qui lui prêtent de l’argent, malgré son état, traiter de lâches les voisins qui n’arrivent pas à soustraire sa femme de sa violence ou rendre responsable la boutique qui lui vend l’alcool?

Similairement, on voit souvent des zélés et fanatiques du pouvoir en place, prôner haut et fort que c’est l’Opposition qui empêche le pays de décoller et, d’un air méprisant, lancer le slogan «bay peyi a yon chans ». Mais, comment couper les jambes d’une personne et, ensuite, lui demander de courir ? Comment pouvons-nous supporter nos amis et alliés corrompus en accusant, en même temps, nos adversaires de corrupteurs? Si le président ne crée pas les conditions pour faciliter la création d’emplois, si les forces de l’ordre n’arrivent pas à trouver une formule pour contrecarrer les kidnappeurs et les assassins qui découragent les investisseurs, si le projet de courant 24 sur 24 est loin d’être une réalité, l’équipe au pouvoir doit réviser ses propres stratégies et, éventuellement, s’excuser au peuple pour les promesses non tenues. Blâmer un système fantôme ou l’opposition politique est synonyme de «benyen toutouni epi kache lonbrik» ou pratiquer la politique de l’autruche.

Le banditisme, la corruption, les vols, les viols, les crimes sont des menaces réelles qui ralentissent le développement du pays. L’appareil étatique doit mettre les ressources nécessaires pour éliminer ou neutraliser les sources qui provoquent le chaos dans le pays. La répression contre les militants et leaders de l’Opposition qui dénoncent ces problèmes est un affront au respect des droits des citoyens et une atteinte aux principes démocratiques.

Comme on dit souvent, l’opposition sera toujours forte là où le pouvoir est faible. Bref, plus on reproche à l’Opposition politique, c’est plus qu’on reconnaît les échecs et l’incompétence dans les rangs de l’équipe au Pouvoir. Si l’opposition mérite sa place dans la vie nationale, nous devons toutefois reconnaître le caractère parfois destructif de certaines politiques d’opposition, surtout quand l’Opposition politique pratique une résistance sur la base des rivalités personnelles ou des règlements de compte, laissant les priorités de la communauté, de la nation, au second plan. Là, on passe à un autre débat. Parlons-en, dans un autre article. Qu’en pensez-vous?

Rodelyn Almazor

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Journal Haïti Progrès

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