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Un décret pour redéfinir « terrorisme » ou mater la mobilisation

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Deux nouveaux décrets présidentiels, portant sur le renforcement de la sécurité publique et la création de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) ont été publiés, le 26 novembre 2020, dans le journal officiel, «Le Moniteur». Dans ces décrets, le pouvoir a redéfini ce que sont les actes terroristes et les sanctions que risquent ceux qui entrent en contravention avec ce décret. Pour certains, ce décret est un moyen, pour le pouvoir, d’asseoir sa dictature, tant les définitions sont étendues et que les peines et amendes, en cas de culpabilité, sont à la démesure.

Dans ce document officiel, publié le 26 novembre 2020 dans Le Moniteur, sont dorénavant considérés comme actes de terrorisme :

  • « les atteintes volontaires à la vie,
  • les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne,
  • l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ;
  • les vols, les extorsions, les incendies, la destruction, la dégradation et la détérioration de biens publics ou privés,
  • ainsi que les infractions en matière informatique ; les infractions en matière de groupe de combat ou front armé et de mouvements dissous ;
  • la fabrication ou la détention illicite de machines, engins meurtriers ou explosifs… ».

Sont aussi considérés comme actes terroristes:

  • l’introduction dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, de substances de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel;
  • le fait de financer une entreprise terroriste, en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre un des actes de terrorisme prévus dans le décret;
  • le fait d’embarrasser la voie publique, en y déposant, en y laissant des matériaux ou des choses quelconques, dans le but d’empêcher ou de diminuer la liberté ou la sûreté du passage; (ce fait courant, lors de manifestation de rue contre le pouvoir, est aussi un acte terroriste. Personne ne pourra plus bloquer les axes routiers, sans être qualifié de terroriste et subir les conséquences y relatives, selon le décret de Jovenel Moïse).
  • Le comportement passif des policiers, lors des mouvements de protestation, est aussi considéré comme un acte de terrorisme. Le fait par un agent de la force publique de s’abstenir volontairement de porter, à une personne en péril à cause des actes prévus au présent article, l’assistance qu’il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours, devient donc un cas d’acte de terrorisme.

Selon l’article 2 du décret du 26 novembre 2020 pour le renforcement de la sécurité publique, «les personnes physiques, coupables d’actes de terrorisme. sont passibles de 30 à 50 ans de réclusion criminelle et d’une amende de deux millions (2 000 000) à deux cents millions (200 000 000) de gourdes, sans préjudice des dommages-intérêts et des autres peines prévues par le Code pénal. Le tribunal ordonne l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans la presse. En cas de récidive, la peine est celle de réclusion criminelle à perpétuité».

Les peines sont également applicables aux dirigeants, membres de conseil d’administration et personnels des personnes morales. La peine privative de liberté et celle d’amende sont portées au double, lorsque l’acte est commis par une ou plusieurs personnes physiques, en charge de la protection des vies et des biens, un ou plusieurs fonctionnaires ou agents des services publics, une ou plusieurs personnes physiques ayant contrat avec l’État.

Dans son article 3, le décret indique que: «lorsqu’une personne morale est coupable d’acte de terrorisme, elle est passible :

  • d’une amende de dix millions (10 000 000) à un milliard (1 000 000 000) de gourdes et de l’une ou de plusieurs des peines complémentaires suivantes, sans préjudice des dommages-intérêts :
  • de la dissolution, de l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de trois ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
  • du placement, pour une durée de trois ans au plus, sous surveillance judiciaire ;
  • de la fermeture définitive ou pour une durée de trois ans, au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés;
  • de l’exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de trois ans au plus»…

De plus, toute personne, trouvée coupable de port illégal d’armes à feu, est passible d’un emprisonnement dont le nombre d’années correspond au nombre total de munitions retrouvées sur elle ou dans les armes portées illégalement, ou dans ses bagages ou dans son véhicule ou tout autre moyen de transport, à raison d’une année d’emprisonnement par munition…

Le décret prévoit aussi un programme de protection des témoins. Cependant, «la peine privative de liberté et celle d’amende, prévues à l’article 2, sont portées au double, lorsque l’acte est commis par une ou plusieurs personnes physiques, en charge de la protection des vies et des biens, un ou plusieurs fonctionnaires ou agents des services publics, une ou plusieurs personnes physiques ayant contrat avec l’État. La peine d’amende, prévue à l’article 3, est double, lorsque l’acte est commis par une ou plusieurs personnes morales ayant contrat avec l’État», conclut l’article 12 du décret.

Pour plus d’un, ces nouveaux décrets, pris par le pouvoir, sont un moyen d’intimider la population, en les empêchant de manifester pour réclamer le départ de l’équipe au pouvoir. Les opposants au pouvoir voient, dans ces décrets, un moyen pour le président Jovenel Moïse d’établir, pour de bon, sa dictature et de chasser ses opposants. Toutefois, les leaders de l’opposition disent qu’ils n’entendent pas lâcher prise et continuent à croire à un départ du président, au plus tard, le 7 février 2021.

Altidor Jean Hervé

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