La marginalisation des enfants des couches les plus pauvres de la société haïtienne est omniprésente dans le mode de gestion des écoles publiques. Depuis plus de trois décennies, les élèves des lycées envahissent les rues, chaque année, avec les mêmes revendications: le droit à l’éducation, le retour des professeurs dans les salles de classe ou tout simplement exiger du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) les matériels didactiques indispensables (par exemple des bancs, des chaises). Le manque de compassion envers les jeunes lycéens, en majorité des mineurs, qui oisivement sillonnent les rues sales de nos villes, est souvent présent chez les parents et les élèves des écoles non publiques. Dans les médias, certains clament que les victimes sont les professeurs qui travaillent plusieurs mois sans recevoir leurs paies. Et d’autres, comme moi, nous voyons les enfants comme les vraies victimes car ils sont manipulés et mal informés. De façon unanime, nous observons que la gestion des écoles publique est caduque et inadéquate. Alors, n’est-ce pas le moment de se demander pourquoi construire de nouveaux lycées chez nous?
Nous sommes un pays très pauvre, avec très peu de ressources naturelles, dirigé par des politiciens trop souvent malhonnêtes. Et, le pire, nous avons une classe économique ancrée dans un système capitaliste d’exploitation abusive et inhumaine qui nous étrangle, sans pitié. En peu de mots, nous n’avons ni les moyens ni la volonté d’offrir des écoles publiques à plus de 2 millions de jeunes Haïtiens. Il faut nous débarrasser de ces pensées utopiques d’un état paternaliste, capable de prendre soin de nous. Car la portion du budget national, allouée à l’éducation est contradictoire aux vœux de la Constitution, de scolariser gratuitement tous les enfants haïtiens, selon l’article 32.1 qui stipule: «l’éducation est une charge de l’État et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous».
Alors quelle est la solution?
Il n’y a aucune place pour l’improvisation politique, avec des réformes à rabais dans la résolution d’un problème aussi important qu’est la question de l’éducation. Néanmoins, après de multiples consultations avec des experts dans le domaine de l’éducation, ceux-ci s’accordent avec moi sur les points suivants que je considère indispensables, si l’on veut s’attaquer aux problèmes des lycées et écoles nationales.
Optimisation et préservation
Comme on dit chez nous: «se grès kochon an ki pou kuit kochon an». De ce fait, la première démarche consiste à utiliser rationnellement nos ressources financières et matérielles. L’hémorragie des fournitures classiques des lycées, qui disparaissent pour réapparaitre dans des écoles privées, doit être stoppée. Directeurs, directrices, professeurs, élèves et parents, tous doivent participer à la protection et au maintien des matériels didactiques, aux locaux des lycées. La communauté et les dirigeants politiques locaux ont le devoir de contribuer en ressources matérielles et financières pour faire face aux problèmes des élèves des lycées.
Lettres de nomination
Il faut qu’il existe de la transparence dans les décisions relatives aux nominations des professeurs et cadres du MENFP. Ainsi, on pourra réduire au minimum les influences politiques et les détours personnels qui conduisent aux nominations de nombreux individus qui ne figureraient pas parmi les professeurs qui sont dans la liste d’attente de lettres de nomination pendant longtemps. Les frustrations engendrent plus d’arrêts de travail des professeurs grévistes. Par exemple, le MENFP, la FNE et le Ministère des Finances ont pu arriver à se mettre d’accord sur près de six mille nominations, sous la direction de l’actuel ministre du MENFP. Cependant, les noms de grand nombre de ces bénéficiaires ou «professeurs zombis» viennent souvent de nulle part. Ce qui, sans doute, va grandir la liste des professeurs absentéistes pendant que le trésor public paie les frais. Si cette pratique malhonnête n’est pas corrigée, les grèves des professeurs et les manifestations des lycéens risquent de continuer.
Réallocation de fonds
En attente de nouvelles taxes capables de financer les constructions et le maintien des lycées, l’État haïtien doit rediriger certaines ressources financières vers des projets immédiats du MENFP:
1. Les 10 à 12 millions de dollars qui couvraient mensuellement les dépenses des anciens parlementaires pourraient partiellement aider à offrir un plat chaud aux écoles publiques, à travers un plan de cantine scolaire.
2. Similairement, les millions de dollars des fonds d’éducation (1,50$) prélevés des transferts de la diaspora haïtienne doivent servir, en cas de crise, pour payer les arriérés de salaires des professeurs de lycées et des écoles publiques en général.
Syndicat des parents
Sous la bannière de leur propre syndicat, les parents (aujourd’hui passifs) des lycéens doivent désormais s’engager activement et continuellement dans la prévention et résolution des problèmes des écoles publiques, en particulier des lycées. Ces Syndicats devront jouer le rôle de rapporteur aux MENFP et faire l’équilibre dans les négociations entre le MENFP et les syndicats des enseignants, en faveur des élèves des écoles publiques, principalement les lycéens. Les parents doivent abandonner cette posture passive et irresponsable, et s’organiser pour aider leurs enfants, en majorité des mineurs, a défendre leur droit à une éducation conforme aux normes et standards internationaux.
Syndicats des enseignants moins réactionnaires
Les syndicats des professeurs et le MENFP devront améliorer leur communication et avoir un dialogue permanent, afin d’éviter les arrêts indéfinis ou grèves illimitées des professeurs qui affectent négativement la performance des écoles publiques. Les enseignants ont besoin de leurs chèques périodiquement. Tout retard de chèques des professeurs doit recevoir l’attention immédiate des syndicalistes et pour être ensuite rapporté aux responsables des ministères de Finance et du MENFP, pour les suites nécessaires.
Sanctions administratives
Pour éradiquer le problème de professeurs des lycées, le MENFP doit aussi s’armer de courage et de fermeté pour n’embaucher que les professeurs désireux de travailler et sanctionner les fauteurs de troubles, les paresseux et profiteurs qui sont les premiers à appeler à la grève, aux arrêts de travail. Le trésor public ne doit pas continuer à payer les professeurs pour les semaines et mois qu’ils passent à faire la grève, sans dispenser des cours. Similairement, les élèves qui détruisent les matériels scolaires et les administrateurs des lycées qui volent ou font un usage personnel des biens de l’État, doivent être punis, selon les politiques administratives déjà définies dans la charte du MENFP et en vertu des lois de la République qui traitent des cas de vol et de vandalisme.
Devons-nous continuer à construire des bâtiments vides qu’on appelle lycées?
Peut-on continuer à envoyer nos enfants passer leur temps libre, sans recevoir des cours pendant plusieurs mois dans ces boîtes scolaires? En vérité, je suis d’avis qu’avant la distribution des fournitures classiques aux élèves, le paiement des dizaines de milliers de professeurs et autres cadres du MENFP, la priorité devrait être d’abord de s’assurer du bon fonctionnement des écoles existantes. Cela peut sembler égoïste de ma part, que je questionne le bien-fondé de la construction de nouvelles écoles dans un pays où l’explosion démographique oblige la création des dizaines de nouvelles écoles chaque année. Cependant, quand on constate l’état de délabrement des écoles publiques, le faible taux de réussite au baccalauréat, les grèves répétitives des professeurs, les manifestations parfois marquées de violence de la part des élèves et les répressions abusives de la police contre ces enfants, vous comprendrez mieux la nécessité de résoudre de préférence les problèmes actuels, avant d’ajouter de nouveaux lycées à la liste des écoles publiques dysfonctionnelles.
Ing. Rodelyn Almazor
Société et Culture
Écrivain & Poète