Éclipsé, pendant quelques jours, par la COVID-19, le chef de gang notoire qui dirige le «groupe gran grif», de Savien, Odma Louissaint, revient dans l’actualité. Sans s’inquiéter de la menace de la pandémie de coronavirus, ces bandits armés de Savien ont fait régner la terreur, le week-end écoulé, dans la Vallée de l’Artibonite, en blessant par balle, volant et tuant, des citoyens de la zone ou qui y étaient de passage. En conséquence, le vendredi 27 mars, de très tôt, ces bandits de grand chemin ont attaqué et pillé quatre camions qui revenaient des Gonaïves, sur la route nationale numéro 1, au niveau du carrefour Paye, leur terrain de chasse de prédilection. Il s’agit de Jules Archange, 43 ans, qui a reçu un projectile au dos, Jean-Pierre Lenès, 26 ans, atteint d’une balle au pied, Daniel Hector, 21 ans, et Lura Jude. Ces deux derniers sont sortis avec de légères blessures.
Parallèlement, le chef de gang, Jimmy Cherizier, alias Barbecue, faisant l’objet d’avis de recherche, a été vu aux côtés des agents de l’ordre, à Delmas 6, lors des opérations de distribution de rations sèches à la population. Le gouvernement a, pour une fois, tenu sa promesse d’utiliser des «leaders communautaires» dans ces distributions aux allures de pré campagne électorale et de retour d’ascenseurs. Cette scène surréaliste présente le caïd frayant le chemin pour les agents de l’ordre et s’affichant comme facilitateur des opérations. Des couloirs habituellement occupés par des hommes armés et inaccessibles aux policiers, sous la férule du malfrat, ont été ouverts à la délégation du ministère des Affaires sociales et de Travail (MAST) et du Fonds d’Assistance économique et sociale (FAES), pouvait-on observer. En réaction au spectacle de Delmas 6, des militants de droits humains, dont Pierre Espérance, ont crié au scandale.
Par ailleurs, la Fédération des barreaux d’Haïti (FBH) s’est dit inquiète, face au silence des autorités sur les conditions de détention des prisonnières et prisonniers, créant une insécurité sanitaire pour ces derniers. Ces conditions ne permettent pas, dans les prisons en Haïti, l’application de la distanciation sociale, l’une des règles de prévention contre la pandémie de COVID-19. Les personnes détenues, souffrant, pour beaucoup, de malnutrition, sont entassées dans des cellules surpeuplées, critique la FBH, dans une prise de position. «La fourniture de vivres, par les proches, va être rendue plus difficile, sinon impossible, dans les semaines à venir», prévient-elle. La Fédération demande aux autorités de réorganiser l’espace pénitentiaire ainsi que les conditions de garde-à-vue, pour pouvoir appliquer les règles de distanciation sociale. De son côté, le directeur de l’Administration pénitentiaire, Charles Nazaire Noël, a révélé un ensemble des dispositions prises pour combattre la propagation du coronavirus au sein des prisons, à travers le pays. Si des mesures de prévention sont adoptées, des centres de confinement des détenus sont aussi prévus. «La prison est l’un des secteurs sensibles», a reconnu Charles Nazaire Noël, directeur de l’Administration pénitentiaire. Onze mille cent-trois détenus composent la population carcérale du pays qui, au vu et au su de tous, vit dans des conditions inhumaines, insalubres. Les détenus sont donc vulnérables au risque de la propagation de la COVID-19 en Haïti qui compte déjà 21 cas testés positifs. Bien avant que le virus ne soit dans le pays, a indiqué le directeur de la DAP, des dispositions avaient été prises. Le personnel médical et les agents de police affectés aux prisons ont été sensibilisés aux précautions à prendre. Pour sa part, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique a rencontré les commissaires du gouvernement près des tribunaux de première instance du pays. À l’issue de cette réunion tenue au local du ministère de la Justice, Me Lucmane Délile a annoncé que les prisonniers ayant commis des délits mineurs seront mis en liberté. Cette mesure vise à désengorger les prisons civiles du pays, face au risque de propagation du coronavirus.
Emmanuel Saintus