Seulement 5 jours après la déclaration officielle le 19 mars 2020, mentionnant deux cas confirmés du Covid 19, toute une pléthore de leçons que nous devons apprendre et de probables actions à court et à long termes pour répondre de manière efficiente à cette crise et renforcer notre système de santé.
Cette pandémie de Covid 19 déclarée par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) le 12 mars 2010 a créé la panique générale dans presque tous les pays du monde, même chez ceux qui ont des systèmes de santé les plus robustes, là nous parlons des pays de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique). Cette pandémie qui a déjà couté la vie à plus de 14,600 personnes et avec un fardeau de 334,000 cas confirmés et affectant 190 pays du monde. Elle nous montre tout simplement que le monde n’était pas prêt pour des épidémies de ce genre en dépit des avancées scientifiques de la médecine, de la biologie, de l’épidémiologie et de santé publique en général. Mais si nous essayons de voir plus près de nous. Les USA avec un système de santé qui coute plus de 3.5 trillions de dollars, soit plus 10,000 us per capita et aujourd’hui ce pays affiche plus de 43,600 cas et la République Dominicaine (RD) avec 414 USD per capita enregistre plus de 72 cas en seulement quelques semaines, il y a matière à nous inquiéter avec un système de 131 USD per capita . Si on fait une simple simulation avec un taux ou l’on aurait 80,000 personne infectées, comme c’était le cas à Wuhan pour une population de 11,000,000 d’habitants (structure de population différente), on se retrouve avec plus de 4000 décès assez facilement pour un taux de mortalité de 5% dans moins de 3 mois. On est très généreux de parler de 5% de mortalité. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement ces estimations épidémiologiques qui doivent nous intéresser, mais aussi on doit profiter pour : apprendre certaines leçons de notre système de santé et proposer quelques actions rapides à mettre en œuvre.
- Un système de santé déjà faible qui était au bord de la faillite totale. On estime à plus de 40% le nombre d’Haïtiens n’ayant pas accès aux services de santé de base. Aujourd’hui c’est très alarmant de constater la réduction des services de certains hôpitaux. Deux hôpitaux privés de la place ont déjà annoncé la fermeture de leur service de clinique externe. Peut-être qu’ils n’ont pas la structure appropriée pour contrôler les infections nosocomiales particulièrement celles qui seront liées au coronavirus ou du moins, le cout pour assurer un contrôle d’infection à l’intérieure de la structure est tellement exorbitant qu’ils ne vont pas pouvoir les assumer. Juste une petite illustration pour une petite structure privée de 20 chambres (un lit par chambre lits) avec une moyenne de 100 visites par jour pour les services ambulatoires et d’urgence. Pour un minimum de préparation, Il leur faut plusieurs points additionnels de lavage des mains, une structure de triage et une structure d’isolement avec du personnel de 2 à 3 personnes par roulement. Voyons pour les intrants, pour le roulement régulier du personnel médical et non médical, il y a une vingtaine de personnes par jour avec 2 shifts, il vous faut des équipements de protection individuelle pour tout le monde. Faisant le minimum avec seulement des gants et des masques N95. Ils auront besoin de 40 masques N95 par jour et 20 paires de gants propres par personne par jour, soit un total de 400 paires donc 8 boites de gants. Une boite de gants propres se vend à 4 USD et le N95 à raison de 5 USD par jour. Pour une simple préparation sans prendre en compte l’eau et l’électricité pour faire monter l’eau, et le savon on est déjà 32 USD par jour pour les gants et 200 USD pour les masques. Un staff infirmier additionnel pour la structure de triage et de l’isolement, l’hôpital aura besoin d’une moyenne 8 infirmières de plus et Rapidement on est déjà 12,000 USD de plus le mois. C’est triste de parler de fermeture pour une simple augmentation de 12,000 USD le mois. Mais honteusement c’est notre situation, car les hôpitaux privés ne fonctionnent que par les maigres paiements directs des patients et rarement des paiements tardifs des compagnies d’assurance de santé. C’est un système qui est connu de tous comme non rentable. Cette figure correspond à la moyenne des institutions qui peuvent garantir a 50% un minimum de protection de sécurité générale d’après l’EPSSS 2017-2018. On s’imagine que si 30 hôpitaux de la capitale commencent à fermer leur porte juste à cause de cette pandémie. Ce serait la catastrophe. Devraient ils augmenter le prix de leurs services ou fermer leur porte ou demander une subvention à l’état qui n’arrive même pas à faire fonctionner les hôpitaux publics ? Juste avant la confirmation des 2 cas de Covid 19, plusieurs hôpitaux publics étaient en grève à cause de non paiements des fonctionnaires publics ?
Action rapide, une franchise sur les CTA des consommables des hôpitaux et support en carburant et en eau pour tous les hôpitaux et assister les hôpitaux privés et publics en intrants de protection individuelle et de protection générale contre la contamination. A long terme, un programme de couverture universelle en santé inclusif, compétitif qui relancera le marché et le système de santé.
2. La deuxième leçon c’est le nombre d’appels reçus des familles les plus aisées du pays pour s’assurer une certaine prise en charge en cas d’urgence. Les ports et aéroports étant officiellement fermes pour les voyages. La tendance de toujours c’était qu’on aura toujours le temps de se rendre en RD ou à Miami pour les urgences médicales. On est pas du tout intéressé au renforcement du système de sante de chez nous ou même investir dans les structures médicales privées. Donc aujourd’hui le Covid nous fait voir le système sanitaire d’une autre façon. On Aime ou On n’aime pas, c’est le nôtre.
Action rapide : Support bienvenu des intrants de contamination, carburant et autres. A long terme : Participer et aider à la mise en place d’un système de référence nationale avec des dons, des prêts.
3. La troisième leçon, si vous parcourez les différentes conférences sur les entreprises en Haïti, très peu, si ce n’est jamais, ne mentionne pas l’investissement dans le domaine médical. D’ailleurs les données sont là, non seulement nationale ou internationale, le domaine médical n’est pas rentable. Ils disent toujours que c’est le devoir de l’état. C’est le pire des domaines à investir son argent. Donc la classe moyenne qui critique la classe aisée, elle-même ne fait pas confiance au marché médical donc n’investit pas.
Action à court terme, très peu, mais à long terme étudions mieux les options d’opportunités dans ce domaine. Incluons dans les cursus du personnel de sante des cours sur l’entreprenariat médical.
4. La quatrième leçon c’est l’état qui pendant ces 10 dernières années, investit très peu dans la santé avec moins de 5% pour le dernier budget national voté. Mais avec ce maigre budget, 95% par le salaire et les frais de fonctionnement, ces 13 USD per capita dépensés par le gouvernement comparé à notre voisin de la RD…ne peut garantir le paquet essentiel de sante prôné par le MSPP. Un médecin qui gagne moins de 400 USD le mois et une infirmière moins de 200 USD, comment seront ils motivés, et particulièrement avec ce risque élevé de coronavirus pour les professionnels de santé ? Quand nous savons que le budget combiné du pouvoir législatif et celui de la présidence représente presque le double de celui du ministère de la santé publique. Aujourd’hui pas de directives claires sur la prise en charge des patients. Un numéro de téléphone qui n’est presque pas disponible, les patients attendent plus de 6 heures pour le prélèvement de spécimens pour le dépistage du Covid 19.
Action rapide : donner les tests et l’autorisation aux structures publiques et privées de dépister les gens suspects, mobiliser les fonctionnaires du MSPP pour le travail tout en leur payant les arrièrées. A long terme, allouer des ressources financières suffisantes au secteur santé en se basant sur un per capita.
5. La dernière leçon, la sante est une affaire de sécurité publique. Notre sécurité de serait dépendre de l’internationale. Plus de 50% des dépenses de santé se font par l’international. Ils nous financent ils nous commandent, leurs décisions ne sont pas toujours les meilleures pour nous. Un système de santé qui fonctionnent avec une trop forte présence de l’aide internationale avec une multitude d’ONG de sante, une seule ONG peut avoir un budget annuel qui dépasse celui du MSPP. En cette période de crise, les experts internationaux ne sont pas là, ils sont rentrés chez eux, là où ils pensent pouvoir recevoir de meilleure qualité de soins. Car la qualité qu’ils ont voulu mettre chez nous n’est de qualité suffisante pour eux. Un exemple assez simple, la femme des dirigeants des ONG, ne donnent naissance dans leur structure. Regardez autour de nous et voyons qui est encore la si ce n’est pas qu’il n’a pas eu le temps de s’acheter un billet ? Ou du moins, c’est la période pour renflouer leur réserve de fonds ? ils doivent être présents à tout prix ?
C’est un crime envers notre peuple de laisser notre système de santé au dépens des internationaux. En période de crise ils vont nous dicter nos démarches non pas pour les meilleurs résultats mais pour une meilleure visibilité de leur boite. Même en période de crise ils sont en compétition entre eux pour une meilleure part du fonds qui sera allouée. Qui prendra en charge les premiers cas ? qu’ils soient asymptomatiques ou pas.
Ce que nous je viens d’apprendre en quelques jours n’est pas comparable à ce que j’ai appris en 18 ans de pratique de santé publique avec une expérience nationale et internationale.
Action rapide, continuons à supporter le leadership de l’état, du MSPP dans cette crise, et continuons les aider en termes de conseils au lieu de critique à outrance.
A long terme, renforçons la capacité technique du MSPP, faisons du MSPP ce que la BRH avait fait à un certain moment, les meilleurs doivent être nous et travailler pour nous. Cessons cette histoire de voir les médecins faire la queue derrière un sénateur, un député pour une simple nomination.
Chers concitoyens, le pays ne va pas périr mais au lendemain de cette crise nous devons reprendre en main l’avenir de notre nation. Nos dirigeants ne s’intéressaient guère a notre vie de peuple et a notre souveraineté, on doit choisir nos dirigeants, non pas en fonction de nos émotions et nos sentiments mais en fonction de grands défis qui nous attendent. La politique de santé, la politique publique, la politique en général ne doit pas être l’affaire des opportunistes, des incompétents et des délinquants. Mais plutôt l’affaire des gens honnêtes, compétents et patriotes.
Charles Patrick Almazor, MD, MPH
Consultant International
Santé Globale
Port au Prince, le 24 mars 2020.