Les Jovenéliens sont fidèles à ce qu’ils sont : ils sont très forts pour assassiner des enfants, des jeunes et vieillards, mais n’ont aucun courage lorsqu’il s’agit de faire face à des hommes. De plus, ces chialeurs éternels préfèrent, à leur habitude d’ailleurs, que ce sont les sbires qui fassent leur sale boulot au lieu d’eux. Ils regarderaient la guéguerre sur écrans géants comme ils savent si bien le faire. C’est la spécialité unique de ces trouillards. En effet, l’ONU a publié, le vendredi 21 juin, un rapport édifiant sur le massacre de La Saline, perpétré en novembre 2018 par des gangs armés proches du Pouvoir, dans le quartier de La Saline, un bidonville de Port-au-Prince. La Mission des Nations Unies pour l’Appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) ont présenté un rapport d’enquête très détaillé, avec des informations recueillies par le Service des Droits de l’Homme (SDH) de la MINUJUSTH sur les événements sanglants survenus les 13 et 14 novembre 2018, à La Saline, un quartier populaire de la commune de Port-au-Prince, classé zone rouge par la Police Nationale d’Haïti (PNH), où environ 5000 habitants vivent dans une situation de précarité économique et sociale. L’enquête menée par le SDH suggère que l’attaque de La Saline était une opération bien planifiée, menée par des membres d’au moins cinq gangs différents, avec la possibilité de complicité des membres de l’État contre des membres de deux groupes rivaux (Kafou Labatwa et Projet La Saline), ainsi que des résidents soupçonnés d’être associés à ces deux gangs. «L’attaque de La Saline représente, à la fois, un acte de violence sans précédent de par la gravité des actes perpétrés et du nombre élevé de victimes. L’attaque a fait au moins 26 morts, trois blessés, deux victimes de viol collectif. De plus, 12 personnes sont portées disparues. Les chiffres ne sont pas exhaustifs», a révélé l’ONU. Le massacre a duré plus de 14 heures, sans que les unités de police présentes à proximité n’interviennent. Un sous-commissariat fait pourtant face au quartier. «Les agents de la PNH entendaient les cris des résidents», a précisé le rapport de vingt pages, réalisé par la mission de l’ONU en Haïti et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Cette inertie totale des forces de l’ordre a permis aux membres des cinq gangs impliqués, d’éliminer les preuves de leurs actes. L’enquête révèle que l’attaque aurait été dirigée par le chef du gang Chabon avec la participation active de gang Bwadòm de La Saline, ainsi que de trois autres gangs extérieurs à La Saline (Tokyo, Delmas 6 et Pilate). Les bandits camouflé en des agents de BOID ont pénétré les quartiers puis assassinés les habitants. «Les assaillants ont alors sorti des résidents à l’extérieur de leur maison puis les ont tués dans la rue, par balle, à coups de hache et/ou de machette, créant un climat de terreur dans le quartier. Des résidents tentant de fuir ont été capturés et exécutés ou blessés dans les rues. La majorité des victimes ont été tuées entre 16h et 18h, le 13 novembre.» Ils ont mutilé, brûlé et abandonné les corps dans une décharge publique, à la merci des animaux. Encore plus troublant, le rapport des Nations Unies corrobore les accusations déjà formulées par des organisations haïtiennes: un représentant du pouvoir exécutif serait impliqué dans ce massacre. Alors même que les gangs étaient en train de tuer et de violer dans le quartier, des témoins ont vu arriver Richard Duplan, le délégué départemental de l’Ouest. «Vous avez tué trop de personnes, ce n’était pas ça votre mission», aurait-il dit. L’ONU demande à ce qu’une enquête soit menée sur ces allégations, car cela soulève la possibilité de complicité entre les gangs et l’État. Selon l’enquête, l’ordre de perpétrer ce massacre aurait été notamment donné par le délégué départemental de l’Ouest, Richard Duplan, qui, selon des témoins, a été vu en compagnie de «Jimmy Cherizier, alias Barbecue, agent de l’Unité Départementale de Maintien de l’Ordre (UDMO) et de Gregory Antoine, alias Ti-Greg, agent de la police administrative, ainsi que de membres de gangs armés, vêtus de noir et portant des cagoules. Parmi les hommes armés, un troisième policier, Gustave alias Choupit, agent du Corps d’Intervention et de Maintien d’Ordre (CIMO), aurait été identifié. Des témoins ont identifié, parmi les membres reconnus des gangs présents, Donalson (Chabon), Eddy Macca (Bwadòm), Pablo (Tokyo) et Serge Alectis, alias Ti-junior, chef du gang Chabon.»
La police également mise en cause
L’ONU dit ne pas comprendre la réaction de la Police nationale d’Haïti qui, malgré sa position géographique, n’a pas pu intervenir à temps pour stopper l’attaque. L’attaque de La Saline a duré au moins 14 heures, sans que la PNH n’intervienne. Les trois premières heures ont été les plus meurtrières. «Les membres de gangs ont pu attaquer les résidents sans être inquiétés d’une possible intervention de la PNH, malgré la présence à proximité de deux sous-commissariats de police (ceux de La Saline et de Portail Saint-Joseph), du siège du CIMO et de la Brigade d’opération et d’intervention (BOID), tous situés à moins d’un kilomètre de la zone affectée. Le sous-commissariat de La Saline se trouve sur le boulevard faisant face au quartier et les agents de la PNH entendaient les cris des résidents. Selon les témoignages, des véhicules de la PNH étaient positionnés à proximité ou patrouillaient les alentours du quartier de La Saline pendant au moins 2 heures, au cours de l’attaque des gangs », lit-on dans ce rapport de 20 pages.
Emmanuel Saintus