Alors qu’il envisageait de fournir la plus grande force unique d’environ 2.000 militaires dans le cadre de la Mission multinationale de soutien à la sécurité, le Bénin impose le commandement militaire comme condition sine qua non pour déployer ses 2.000 soldats en Haïti.
Le Bénin est déterminé à aider Haïti dans sa lutte contre les gangs. Ce pays d’Afrique de l’Ouest s’était engagé à fournir le plus grand contingent pour la MMSS, soit entre 1.500 et 2.000 soldats. Toutefois, il refuse d’envoyer ses soldats en Haïti sous le commandement des policiers kényans, selon les informations rapportées vendredi 13 septembre par le Miami Herald.
« Notre position et notre engagement restent les mêmes : aider Haïti », a affirmé Shegun Adjadi Bakari, ministre béninois des Affaires étrangères, dans une interview avec le Miami Herald. « Mais depuis le début, nous avons clairement exprimé que ce dont Haïti a besoin n’est pas d’une mission de police. Nous croyons qu’il est nécessaire d’avoir une mission militaire en Haïti pour lutter contre les gangs, restaurer la sécurité dans le pays et rétablir la stabilité, condition préalable à toute élection », a-t-il soutenu.
La participation du Bénin, en tant que pays francophone, est un atout pour la réussite de la mission. Les autorités béninoises avaient manifesté leur volonté de contribuer à la formation de la MMSS en février, alors que la Caricom sollicitait davantage la participation des nations francophones pour aider Haïti à éliminer les gangs armés qui terrorisent la population.
Lors de son interview avec le journal américain, le ministre Bakari a indiqué que le gouvernement béninois avait partagé avec les partenaires engagés plusieurs préoccupations, dont la structure de commandement qui devrait être assurée par des militaires, et non des policiers.
« Ils sont revenus vers nous et ont demandé si nous étions prêts à envoyer nos militaires immédiatement. Nous avons répondu : « Oui. Mais vous ne pouvez pas demander aux militaires d’être dirigés par des policiers. » Cela ne s’est jamais produit nulle part dans le monde. Vous avez besoin que les militaires soient commandés par des militaires. C’est là où nous en sommes aujourd’hui, nous avons dit : « Nous ne pouvons pas envoyer nos militaires en Haïti pour être dirigés par des policiers venant du Kenya », a-t-il ajouté.
Le Bénin a suggéré que cette force de sécurité soit une combinaison d’armée et de police, ou uniquement militaire. « Nous savons tous qu’il est impossible pour des policiers de résoudre ce problème », a-t-il déclaré. « Ils ne savent pas comment mener ce type d’opération ; c’est une guerre pure, nous le savons. »
La réticence du Bénin complique davantage le déploiement complet de la MMSS en Haïti. Parmi les 1.000 policiers promis par le Kenya, seulement 400 ont été déployés en Haïti. Récemment, la Jamaïque et le Belize ont envoyé une vingtaine de soldats et de policiers en Haïti pour renforcer les policiers kényans.
Faisant face à des problèmes de matériel, d’équipement et de financement, Washington, principal contributeur à la mission, envisage la possibilité de transformer la mission multinationale dirigée par la police kényane en une opération de maintien de la paix des Nations unies.
Bakari se dit optimiste que le Bénin pourra maintenir son engagement envers Haïti soulignant « Il y a une réunion diplomatique prévue avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken plus tard ce mois-ci, et le Bénin prévoit soulever à nouveau ses préoccupations. »
« Notre position est simple. Nous sommes prêts. Nos gens sont formés, ils ont toutes les autorisations, mais en même temps, les États-Unis, le Canada, la France et d’autres pays doivent s’engager en termes de financement. »
Au-delà d’une question de commandement, le problème se situe avant tout au niveau du financement de la Mission qui est insuffisant.
Entre temps, Vers la transformation de la force multinationale en une mission de paix onusienne.
Le diplomate Pierre Antoine Louis se dit favorable à la transformation de la Mission multinationale de soutien à la sécurité en une mission de paix des Nations unies en Haiti. Une telle démarche aidera les pays membres à contribuer obligatoirement au renforcement de la mission, a souligné l’expert en relations internationales intervenant dans la presse vendredi 13 septembre 2024.
Pierre Antoine Louis lors de son intervention a rappelé qu’il revient à l’État de garantir la sécurité de la population. Il propose en ce sens de renforcer la capacité de la police nationale et des Forces armées d’Haïti. D’un autre côté, il a préconisé que la MMSS dirigée par le Kenya se transforme en une mission de paix des Nations unies en vue d’atteindre les objectifs fixés.
Le diplomate a par ailleurs fait savoir que le Conseil de sécurité des Nations unies se réunira à la fin du mois de septembre pour débattre du dossier d’Haïti au regard de la résolution 2699 qui arrivera à échéance au mois d’octobre prochain.
Le professeur Pierre Antoine Louis encourage les autorités haïtiennes à entamer des pourparlers avec les présidents du Brésil Lula Da Silva et sud-africain Jacob Zouma dans la perspective qu’Haïti obtienne un vote favorable de la Chine et de la Russie à la prochaine réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.
Cette décision permettra aux Nations unies d’adopter une autre résolution devant transformer la MMSS en mission de paix onusienne devant accompagner les forces de l’ordre dans la lutte contre le banditisme en Haïti.
Emmanuel Saintus