Le Mouvement Point Final exige la décolonisation et la nationalisation du système éducatif haïtien.
Un texte de :
Ulysse Jean Chenet
Le système éducatif haïtien souffre de deux grands maux :
L’inadaptation avec les projets de développement durable d’Haïti et l’inadéquation avec l’évolution du monde.
La Colonie de Saint Domingue était une Colonie d’exploitation, la question de l’éducation de la population servile n’intéressait pas les colons blancs et interdite par le code noir de 1685.
Les petits blancs créoles et les mulâtres étaient envoyés à la métropole française pour faire leurs études.
C’est vrai que Toussaint Louverture a commencé à fonder des écoles dans la colonie à partir des années 1800. C’était des écoles informelles et très peu qu’on pourrait attribuer à des cercles éducatifs.
Les professeurs étaient des Petits blancs (des blancs manans) qui donnaient une éducation française aux créoles de la colonie de Saint Domingue.
Après l’indépendance d’Haïti en 1804, il y avait un balbutiement d’une éducation nationale sur le Gouvernement impérial de Jean Jacques Dessalines. Les professeurs étaient des mulâtres et des anciens noirs libres qui savaient lire et écrire et qui ont reçu une éducation française. C’est-à-dire même après l’indépendance d’Haïti, l’éducation était toujours une éducation française qui n’était pas adaptée à la vision et à l’idéologie de la nouvelle nation nègre.
Après l’assassinat de l’empereur Jean Jacques Dessalines en 1806, le pays était divisé en deux États.
Le Royaume du Nord avec le Roi Henry Christophe qui arrivait à implanter un nouveau système éducatif dans son royaume avec des professeurs anglais, américains et haïtiens.
Dans le Sud et l’Ouest, la République d’Haïti avec le Président Alexandre Pétion qui gardait le même cursus pour donner une éducation française aux jeunes républicains. On peut voir les premiers professeurs du lycée Pétion qui était le plus grand projet éducatif dans le Sud d’Haïti après l’indépendance d’Haïti. C’était comme une école française implantée en Haïti.
Avec Jean Pierre Boyer qui a eu la chance de diriger le pays en entier et ensuite l’île entière avec l’annexion de la partie Est à la République d’Haïti.
Malheureusement, au lieu d’établir une éducation adaptée à la vision des indépendantistes et des Révolutionnaires d’Haïti, il tenait en place le système éducatif basé sur l’éducation française ou sur l’éducation coloniale. Parce que lui même et le Président Alexandre Pétion ont reçu une éducation française. Le pire, Boyer arrivait à fermer des écoles et les transformait en Centres de détention.
En 1860, ce sera le coup de massue avec le Président Fabre Geffrard qui allait remettre le système éducatif haïtien à la Métropole française à travers le Saint-Siège, le Vatican pour enseigner et évangéliser la jeunesse haïtienne. C’était la base du sous-développement d’Haïti et la colonisation mentale de la population haïtienne après l’indépendance.
C’est du jamais vu dans toute l’histoire de l’humanité. Après une guerre sanglante de 12 ans, le vaincu va assurer l’éducation des vainqueurs.
C’est normal, après des décennies et des centenaires, on arrivait à avoir des générations d’hommes et de femmes qui sont des étrangers dans leur propre pays. Parce que l’éducation qu’ils ont reçue est une éducation étrangère qui n’est pas adaptée à la réalité locale.
Les haïtiens peuvent être des brillants intellectuels et des professionnels de grand calibre pour le reste du monde, mais pour Haïti, ils ne peuvent rien faire pour assurer le développement et le progrès de leur pays natal.
Jusqu’en 1990, les universitaires français se réjouissent de se faire concurencer par les jeunes intellectuels et universitaires haïtiens dans les grandes universités de France.
Jacques Lagretelle, un académicien français, lors de la commémoration du Bicentenaire de la Fondation de Port-au-Prince par le président du Marsais Estimé, eût à dire que c’est avec honneur et prestige que les jeunes universitaires français rencontraient les jeunes intellectuels haïtiens dans les plus grandes universités de Paris pour partager leurs savoirs raffinés. Il a dit dans dans son discours officiel à l’hôtel de Ville de Port-au-Prince que les intellectuels haïtiens sont les gardiens de la langue et de la culture françaises en Amérique.
C’est pour vous dire que même la France a reconnu les valeurs des intellectuels haïtiens, parce que le système éducatif haïtien était identique à celui de la France. Malheureusement, les intellectuels haïtiens ne pouvaient rien faire pour sauver Haïti, tout simplement, parce que l’éducation n’était pas adaptée à la réalité haïtienne et au développement durable d’Haïti.
D’ailleurs, quand Jean Price Mars a écrit ” la Vocation de l’élite”, c’est une façon de dire que les intellectuels haïtiens sont impuissants face aux problèmes d’Haïti et très puissants pour contribuer au développement du monde et aux sociétés occidentales.
C’est en ce sens-là, dans le cadre de la promotion d’une nouvelle Haïti, le Mouvement Point Final exige la décolonisation et la nationalisation du système éducatif haïtien.
A) Décolonisation du Système éducatif haïtien.
La décolonisation du système éducatif haïtien, c’est de rapatrier la Souveraineté éducative d’Haïti.
À un certain moment, on enseignait le Grec, le Latin. Plus tard, l’anglais, l’espagnol, la littérature Française. Le pire dans tout celà, on refuse aux enfants haïtiens de parler leur langue maternelle, le créole.
Les petits haïtiens apprenaient par coeur tous les auteurs français et toutes les expressions françaises et latines. Tandis qu’ils ne connaissaient pas les grands écrivains haïtiens qui brillaient dans les plus grandes universités du monde.
Les enfants ne peuvent pas se coiffer à l’affricaine ou à l’haïtienne, il faut être comme les jésuites. Pourtant, l’état haïtien paie beaucoup aux écoles congréganistes pour la colonisation mentale de la jeunesse haïtienne suivant le Concordat de 1860, dont nous présentons ci-dessous in extenso :
Convention :
Entre S.S. le Souverain Pontife Pie X et son Excellence Fabre Geffrard, Président de la République d’Haïti.
Au nom de la très Sainte et Indivisible Trinité :
S.S. le Souverain Pontife PIE X, et S. Ex. le Président de la République d’Haïti, Fabre Geffrard, désirant organiser et régler convenablement l’exercice de la Religion Catholique, apostolique et romaine dans la République d’Haïti, ont choisi pour ministres Plénipotentiaires :
S.S. le Souverain Pontife PIE X, Son éminence, le Cardinal Jacques Antonelli, Son secrétaire d’État, etc…
Son Excellence, le Président d’Haïti, Fabre Geffrard, Mr Pierre Faubert, ancien aide-de-camp et secrétaire du Président Jean Pierre Boyer, et ancien ministre du Gouvernement haïtien au près du Gouvernement français.
Lesquels plénipotentiaires, après l’échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la Convention suivante :
Article 1er:
La religion catholique, apostolique et romaine, qui est la religion de la grande majorité des Haïtiens, sera spécialement protégée. Ainsi que ses ministres dans la République d’Haïti, et jouira des droits et attributs qui lui sont propres.
Article 2 :
La ville de Port-au-Prince, Capitale de la République d’Haïti, est érigée en Archevêché. Des diocèses relevant de cette métropole seront établis le plus possible, ainsi que d’autres Archevêchés et Évêchés, si c’est nécessaire ; les circonscriptions en seront réglées par le Saint-Siège de concert avec le Gouvernement haïtien.
Article 3 :
Le Gouvernement de la République d’Haïti s’oblige d’accorder et de maintenir aux Archevêchés et aux évêchés, un traitement annuel convenable sur les Fonds du Trésor.
Article 4:
Le Président d’Haïti jouira du privilège de nommer les Archevêques et les Évêques ; et si le Saint-Siège leur trouve les qualités requises par les Saint-Canons, il leur donnera l’institution canonique.
Il est entendu que les ecclésiastiques nommés aux Archevêchés et Évêchés ne pourront exercer dans leur juridiction avant de recevoir l’institution canonique ; et dans le cas ou le Saint-Siège croirait devoir ajourner ou ne pas conférer cette institution, il en informera le Président d’Haïti, lequel, dans ce dernier cas, nommera un autre ecclésiastique.
Article 5:
Les Archevêques et les Évêques, avant d’entrer dans l’exercice de leur ministère pastoral, prêteront directement, entre les mains du Président d’Haïti, le serment suivant :
” Je jure et promets à Dieu, sur les Saints Evangiles, comme il convient à un Évêque, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la Constitution d’Haïti et de rien entreprendre qui soit contraire aux intérêts de la République”.
Les Vicaires généraux, les Curés et les Vicaires des Paroisses, ainsi que tous les membres la hiérarchie ecclésiastique, tous les chefs d’écoles ou institutions religieuses prêteront, avant d’exercer leur office, entre les mains de l’autorité civile désignée par le président d’Haïti, le même Serment que celui des Archevêques et des Évêques.
Article 6:
L’archevêque et l’évêque pourront instituer, pour le bien du diocèse , après s’être entendu au préalable le Président de d’Haïti ou ses délégués, un chapitre composé d’un membre convenable de chanoines conformément aux dispositions canoniques.
Article 7:
Dans les grands et petits séminaires qui, selon le besoin, pourront être établis, le régime, l’administration et l’instruction seront réglés conformément aux lois canoniques par les Archevêques ou les Évêques, qui nommeront librement aussi les supérieurs , directeurs et professeurs de ces établissements.
Article 8:
Les Archevêques et les Évêques nommeront leurs Vicaires généraux. Dans le cas de décès ou de démission de l’archevêque ou de l’évêque diocésain, le diocèse sera administré par le Vicaire Général que l’un ou l’autre aura désigné comme tel, et à défaut de cette désignation, par celui qui sera le plus ancien dans l’Office de Vicaire Général. Tous les autres, s’il y en a, exerceront leurs fonctions sous la dépendance de ce Vicaire, et cela en vertu du pouvoir extraordinaire accordé à cet effet par le Saint-Siège. Cette disposition sera en vigueur tant qu’il n’y aura pas un chapitre cathédrale, et, quand ce chapitre existera, il nommera, conformément aux prescriptions canoniques, le Vicaire Capitulaire.
Article 9:
Les Archevêques et les Évêques nommeront les Curés et les Vicaires des Paroisses, ainsi que les membres des chapitres qui pourront être institués, et ces nominations se feront conformément aux lois canoniques. Ils examineront les lettres d’ordination, les dimissoriales et les Exéats, ainsi que les autres lettres testimoniales des ecclésiastiques étrangers qui viendront dans la République pour exercer le Saint ministère.
Article 10:
Les Archevêques et les Évêques, pour le régime de leurs églises, seront libres d’exercer tout ce qui est dans les attributions de leur ministère pastoral, selon les règles canoniques.
Article 11:
S’il était nécessaire d’apporter des changements à circonscription actuelle des Paroisses, ou d’en ériger de nouvelles, les Archevêques et les Évêques y pourvoiraient en se concertant, au préalable, pour cet objet, avec le Président d’Haïti ou ses délégués.
Article 12:
Dans l’intérêt et l’avantage spirituel du Pays, on pourra y instituer des ordres et des établissements religieux approuvés par l’église.
Tous les établissements seront institués par les Archevêques et les Évêques , qui se concerteront, au préalable, avec le Président d’Haïti ou ses délégués.
Article 13:
Il ne sera porté aucune entrave à la libre correspondance des Évêques, du Clergé et des fidèles en Haïti avec le Saint-Siège, sur les matières de religion, de même que les Évêques avec leurs diocèsains.
Article 14:
Les Fonds curiaux ne seront employés dans chaque paroisse qu’à l’entretien du Culte et de ses ministres, ainsi qu’aux frais et dépenses des séminaires et autres établissements pieux. L’administration de ces fonds sera confiée, sous la haute surveillance de l’archevêque ou de l’évêque diocésain, au Curé de la paroisse ou au directeur du Conseil des notables, lesquels choisiront un caissier parmi les citoyens du lieu.
Article 15:
La formule suivante de prière se récitée ou chantée à la fin de l’Office divin dans toutes les églises catholiques d’Haïti :
” Domine, salvam fac Rempublicam Cum Proeside nostro N… Et exaudi nos in die qua invocaverimus te”.
Article 16:
Il est déclaré de la part du Président d’Haïti et il est bien entendu de la part du Saint-Siège, que l’exécution de tout ce qui est stipulé dans le présent Concordat ne pourra pas être entravée par aucune disposition des lois de la République d’Haïti, ou aucune interprétation contraire des dites lois, ou des usages en vigueurs.
Article 17:
Tous les points concernant les matières ecclésiastiques non-mentionnées au présent Concordat, seront réglées conformément à la discipline en vigueur dans l’église, approuvée par le Saint-Siège.
Article 18:
Le présent Concordat sera de part et d’autre ratifié, et l’échange des ratifications aura lieu à Rome ou à Paris, dans le délai de six mois au plus tôt, si faire se peut.
Fait en double à Rome, le 28 mars 1860.
Pierre Faubert ; G. Card. Antonelli
B) La nationalisation du système éducatif haïtien :
Nationaliser le système éducatif haïtien revient à dire que le système éducatif haïtien doit être adapté à un projet de société et à un plan de développement durable d’Haïti.
L’éducation nationale doit être le premier pilier de développement humain et endogène d’une communauté.
Mais dans le cas d’Haïti, c’est tout à fait le contraire. L’éducation nationale d’Haïti n’a rien à voir avec le développement et l’avenir du pays. C’est un non sens. On forme des êtres humains pour l’étranger et non pour le pays.
C’est en ce sens que depuis deux siècles que Haïti représente le plus grand pays exportateur des cerveaux à travers le monde, spécialement en France, les Etats Unis et le Canada. Pourtant, Haïti reste et demeure le pays le plus pauvre de l’hémisphère caraibéenne et le seul Pays moins avancé de l’Amérique.
Donc, il est temps d’adapter l’éducation nationale d’Haïti aux projets de développement durable d’Haïti par rapport à l’évolution du monde actuel basée sur la nouvelle technologie informatique et de l’intelligence artificielle (IA).
Au lieu de faire du bruit pour forcer à procéder à la réouverture des classes dans des conditions extrêmement difficiles et misérables. Il est temps de penser à réformer et à nationaliser le système éducatif haïtien pour une nouvelle Haïti prospère et émergente à l’horizon 2050.
Ulysse Jean Chenet