L’Institut National pour la Défense des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (INDDESC), organisme national de promotion et défense des droits économiques, sociaux et culturels, a exprimé sa profonde préoccupation face aux graves situations socio-économiques auxquelles sont confrontées les victimes de l’insécurité en Haïti. L’INDDESC a lancé un appel urgent au Conseil Présidentiel de Transition et au Premier Ministre désigné pour qu’ils prennent des mesures immédiates.
En effet, lors de ses visites dans plusieurs abris provisoires du pays, notamment le Lycée Anténor Firmin, le Lycée Marie Jeanne et le Lycée des Jeunes Filles, l’INDDESC a recueilli les témoignages de nombreuses victimes directes de l’insécurité. Parmi elles, des femmes et des fillettes victimes de viol, des enfants sans soutien et très vulnérables, ainsi que des personnes traumatisées psychologiquement et ayant perdu leurs biens. Dans un rapport présenté par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, au Conseil de sécurité, confirme notre inquiétude par rapport aux différentes violations des droits humains en Haïti. Les chiffres macabres répertoriant la perte en vies humaines, les destructions de biens et les dégâts s’avèrent catastrophiques. Des personnes assassinées de manière ignoble, des évasions spectaculaires de prisonniers, des cas de viols collectifs et des enfants recrutés dans des activités criminelles soulèvent notre conscience et justifient la nécessité de poursuivre notre combat pour la mise en place d’une commission de proximité en faveur des victimes.
Notre mission sacrée en tant que défenseurs des droits humains en Haïti serait insignifiante si nous n’agissons pas et ne proposons aucune solution. Ayant une responsabilité qui transcende les frontières et les générations, nous avons l’obligation de manifester notre solidarité envers nos frères, sœurs et enfants, victimes de ces crimes odieux perpétrés par des gangs armés. C’est en ce sens que nous demandons au Conseil Présidentiel de Transition et au Gouvernement de mettre en place une commission de proximité ayant pour mission principale d’enquêter sur tous les cas graves d’insécurité, sur la provenance des armes et munitions ainsi que sur les crimes économiques. Nous réclamons également la mise en place d’un fonds raisonnable pour accompagner économiquement, psychologiquement et socialement les victimes avec dignité et respect.
Comment créer la commission ?
La commission de proximité de l’INDDESC proposée au CPT et au Gouvernement sera un organe attaché au gouvernement sous le leadership du Premier Ministre Garry Conille, par l’entremise du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), en commun accord avec le Ministère de la Justice et de la Sécurité publique (MJSP) et un représentant du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP). Elle sera composée de professionnels seniors en sociologie (sociologues), en psychologie (psychologues), en éducation (normaliens supérieurs) et d’un avocat spécialiste en politiques criminelles et droit pénal (criminologue), qui, eux-mêmes, recruteront d’autres professionnels pour travailler sous leur supervision.
Ces spécialistes chercheurs, apolitiques et de bonne réputation scientifique et sociale, doivent être mûrs dans l’exercice de leur profession avec des mentions excellentes et avoir une expérience de 10 ans minimum. Cette commission de proximité aura à effectuer un travail de recherche hautement scientifique et technique avec une méthodologie prédéfinie au bénéfice de la société haïtienne et de l’État, pendant un mandat de deux ans maximum.
Les quatre membres de ladite commission de proximité choisiront des experts en enquête de terrain et en collecte de données pour bien effectuer leur travail dans toutes les zones gravement touchées par le phénomène de l’insécurité. Au sein de cette commission, il y aura également une cellule anti-corruption et de surveillance stricte. À noter que cette commission sera formée par arrêté présidentiel avec ces principes et cette rigueur pour éviter le gaspillage des biens de l’État.
Pourquoi une telle commission de proximité?
Les données recueillies sur le terrain par le biais des enquêtes seront importantes pour la mise en œuvre de politiques publiques relatives au rétablissement de l’autorité de l’État. Le travail de ladite commission visera à collecter des informations afférentes aux fournisseurs d’armes et de munitions, aux patrons des gangs et aux témoignages des victimes sur le niveau de criminalité de certaines zones du pays. Elle s’intéressera à la manière dont les victimes vivaient la situation, vérifiera les objets perdus et d’autres pertes au cours de ces événements. Cette commission rencontrera des acteurs clés selon une stratégie prédéfinie pour les interviewer sur des aspects clés. Ces informations seront transmises aux autorités pour mieux comprendre le phénomène et permettre à l’État de définir une stratégie tactique dans le combat contre la délinquance juvénile et les gangs en Haïti.
Cette commission de proximité servira de pilier au pouvoir dans le renseignement national et interne sur les activités illicites mettant en jeu la société haïtienne et la souveraineté du pays. La commission de proximité de l’INDDESC sera non seulement un lien entre l’État et la population, mais aussi un garde-fou ayant pour vocation de créer un pont concret entre les victimes directes et l’État dans une perspective de solidarité, de sympathie et d’accompagnement économique, social et psychologique dans une perspective humanitaire.
Un fonds raisonnable sera mis à disposition des membres de la commission pour la construction d’un centre public de solidarité aux victimes directes du cataclysme de 2022 à mars 2024 dans le pays. Par le biais de ce centre public d’accueil, plusieurs cellules seront créées, comme par exemple : une cellule de réinsertion sociale et professionnelle pour les jeunes et enfants déviants tombés dans la délinquance juvénile, une cellule pour les vieillards dépossédés et dépourvus de biens, une cellule pour les enfants des rues pour les initier à la technologie et les orienter vers l’armée et la police pour que l’État puisse exploiter leur potentiel afin de renforcer de manière positive la sécurité du pays et les épargner des activités criminelles, sans oublier une cellule médicale au sein de ce centre.
Enfin, cette commission sera capitale pour l’État, pour la société et pour les victimes directes de l’insécurité alimentée par la faillite de l’État. Ce sera la réponse à l’appel de l’histoire dans un contexte où la méfiance s’impose, où l’espoir passe par la porte de secours et où la pauvreté est causée par la négligence des droits humains, notamment les droits économiques, sociaux et culturels. L’Institut National pour la Défense des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (INDDESC) croit que cette commission de proximité sera un atout véritable pour apaiser les frustrations et amoindrir les pressions sociales, économiques et culturelles résultant de l’inégalité et de l’insouciance de l’État haïtien.
Me Frédo Jean Charles, Av
Président de l’INDDESC
Memorand en philosophie
Masterant au DSD/FE