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Le dernier droit vers le choix d’un Premier Ministre pour un gouvernement de transition

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Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, pour ma part, ma patience s’amenuise à vue d’œil, avec les démarches hésitantes du Conseil Présidentiel de Transition (CPT).  Les membres de ce cénacle auraient voulu s’attirer une disgrâce prématurée de la part de la population, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.  Du moins, c’est l’impression qui se dégage des 33 premiers jours de ce CPT, et tout particulièrement de certains de ses membres.  Cela fait déjà trois faux bonds à son compte, et tous pour à peu près les mêmes raisons : tergiversations à outrance et procrastinations démesurées.  On est tenté de mettre tout cela sur le compte de la nature même de ce corps et sur le modèle de fonctionnement qui lui est appliqué.  Les deux sont absolument aliens aux modes de pensée et de fonctionnement couramment pratiqués en Haïti, de sorte que leur apprentissage et leur exécution sont très ardus, pour certains de ses membres.

D’abord, la taille dudit Conseil et la subdivision entre leurs prérogatives posent un premier problème: 7 d’entre eux sont munis d’un pouvoir de vote et de décision, tandis que 2 autres n’ont que celui d’observer et de recommander.  Alors commence la souque à la corde.  Tout le monde veut voter, peu importe l’Accord qu’ils ont conclu et accepté de plein gré.  Un forcing est engagé, mais rien n’y fait.  La lettre et l’esprit de l’Accord ont préséance, pour cette fois.  Le CPT restera comme prévu, avec 9 membres dont 7 ayant le pouvoir de vote et à qui incomberont les prérogatives décisionnelles, et les 2 autres qui observeront les premiers et leur processus de prise de décisions, afin de s’assurer que cela reste conforme à l’Accord du 3 Avril 2024.  Ce fut un premier dérapage dont on avait fini par circonscrire les dégâts, mais au prix de quelques jours perdus dans des échanges, parfois acrimonieux.

Ensuite, la nomination du premier Coordonnateur ou Président du Conseil Présidentiel de Transition s’est très mal passée, 22 jours plus tard.  Un groupe avait voulu s’emparer du Conseil et s’accaparer de ses rênes, en dépit des règles de fonctionnement prévu, en se constituant en un Groupe Majoritaire Indissoluble de 4 membres.   De peine et de misère, et après plusieurs jours de tordage de bras, on avait fini par trouver une entente mais en réécrivant l’Accord sur lequel on s’était entendu auparavant, ayant constaté avec quelle facilité, certains pouvaient être tentés de tromper la vigilance et la bonne foi des autres.  Désormais, les décisions importantes nécessiteront soit un consensus, dans le meilleur des cas, soit un vote qualifié : 5 sur 7.  Et puis, plus question d’un seul président ou coordonnateur du CPT.  On se partagera le titre à tour de rôle, tous les 5 mois, entre 4 d’entre eux.  C’était un peu limite, comme moyen de résoudre le problème mais le résultat, en soi, était assez satisfaisant.  Remarquez, qu’à cette date, ces amendements à l’Accord du 3 Avril 2024 ne sont pas encore publiés officiellement dans Le Moniteur, ce qui voudrait dire qu’ils resteraient encore fragiles et suspendus dans le temps, au gré d’une nouvelle turbulence et d’autres tentatives de revenir aux termes de l’Accord initial.  Donc, deuxième faux bond, pas tout à fait réglé, celui-ci.

Et maintenant arrive le choix du Premier Ministre.  Alors, on a l’impression d’observer, en direct, la construction d’un avion en plein vol.  Les règles, pour ce choix,  pourtant étaient assez claires.  Seuls les groupes et partis politiques adhérents à l’Accord du 3 Avril 2024 peuvent proposer leurs candidats, en un nombre limité (3, pour autant que je me rappelle), et ceux-ci devraient absolument adhérer également au dit Accord, en plus de respecter des règles constitutionnelles prévues pour ce poste important, sauf une exception : des candidats issus de la diaspora pourraient être soumis et ces derniers seraient exemptés de certaines limitations constitutionnelles qui les empêchaient auparavant d’accéder à ce poste.  On s’attendait à recevoir une vingtaine de candidatures environ, étant donné les règles pour participer à cette sélection, et aussi les risques inhérents à ce poste de tous les dangers et avec un coefficient de difficulté très élevé.  Mais, bien au contraire, il y a eu plus que foule.  Une centaine de candidats prétendent certains, une soixantaine assurent deux Conseillers Présidentiels, parmi lesquels il a fallu faire un premier tri pour en exclure celles et ceux qui ne répondaient pas tout à fait aux critères de sélection annoncés.  Ce premier tri effectué, le nombre de candidats serait passé à une vingtaine, puis à une quinzaine en resserrant l’analyse de leur résumé, après à une huitaine et enfin à 5 candidats premiers ministrables qui seront ultimement départagés.  Alors comment faire?  Jusqu’à vendredi soir dernier, les rumeurs voulaient qu’ils étaient passés au nombre de trois.  Mais, en fin de compte, il y en aurait encore bien 5.  Reste à savoir comment l’on s’y prendra pour en retenir un, sur les derniers premiers ministrables en lice.   Tiens, un débat!  Un débat public, avec des journalistes pour poser des questions pièges et voir comment l’un d’eux se démarquera le mieux des autres.   Et puis, ce sera diffusé sur la télévision nationale et sur les réseaux sociaux.  Pas mal, n’est-ce pas, comme idée?  De la transparence et de la visibilité à gogo!  De la bonne politique spectacle, cela pourrait être payant pour un CPT en mal de visibilité et surtout sans beaucoup de résultats, à date!  Sauf que tout cela prend du temps à préparer.  Et, le temps est une denrée dont le CPT n’a pas un grand stock en réserve.  D’ici au 7 février 2026, date butoir pour remettre le pouvoir à un président élu, prêtant serment devant les deux chambres d’un Parlement reconstitué et en fonction, il reste très exactement : 620 jours, soit : 1 an, 8 mois, 1 semaine et 3 jours.  Pas plus.  Et, comme il y a beaucoup de choses à faire pour parvenir aux résultats souhaités, la perte de temps, dans des détails non essentiels, ne devrait pas figurer à l’agenda du CPT.  En dernières nouvelles, il ne serait plus prévu de tenir ce jourd’hui un débat, comme certains l’auraient souhaité, mais des entrevues en présentiel ou virtuelles, avec les 5 ou les 3 candidats retenus pour cette sélection.  Et, d’ici la fin de cette journée, l’heureux élu serait annoncé au peuple.  

Je comprends toutes les précautions prises, au long de ce processus fastidieux, pour maintenir un peu de cohésion à l’intérieur du CPT et lui donner le plus de chance possible de tenir la route, jusqu’à l’échéance du 7 février 2026.  Son échec provoquerait encore plus de retard, à preuve, du 20 juillet 2021, date de l’accession du Dr Ariel Henry comme Premier Ministre d’un gouvernement de transition, jusqu’au 25 avril 2024, date de sa démission officielle, le processus de retour du pays au fonctionnement normal de ses institutions étatiques n’a pas avancé d’un iota.  On aura donc perdu 1010 jours, soit 2 ans, 9 mois et 5 jours, sans rien accomplir des tâches nécessaires à la remise en marche du pays.  Même que cela a encore empiré.  Alors, rien ne sert donc de courir.  Il faut prendre le temps de bien accomplir chacune des étapes, pour ne pas avoir à tout recommencer et de perdre davantage de temps en correction d’erreurs de parcours, à cause de la précipitation avec laquelle on les a bâclées.  Encore faut-il partir à point nommé, démarrer la machine et éviter de faire du surplace, lorsque cela semble pouvoir être évité.

La cohésion dans le fonctionnement du CPT, voilà ce qui semble être aujourd’hui le maître-mot dans la bouche de certains de ses représentants dans les médias.  Tergiversations inutiles et procrastinations abusives, rétorquent certains observateurs politiques.   Certes, le CPT pourrait aller plus vite en besogne, tout en s’acquittant bien des mandats qu’il s’est donnés.  Pour ma part, je m’étais fixé la date du 18 mai, pour connaître le nom du premier ministre choisi.  À ce compte, il y aurait donc un retard de 10 jours sur le calendrier que j’avais anticipé.  Je considère que ce retard n’est pas irrécupérable ni trop exagéré, compte tenu de la nature du processus choisi pour gérer la transition politique en cours.

En attendant, la sélection du candidat au poste de Premier Ministre, préférablement d’ici la fin de cette journée, il est important de se rappeler que sa feuille de route, quelle que soit la personne retenue, sera la même.  Seules sa compétence, sa capacité d’organiser et de gérer une équipe ministérielle, en synergie avec le CPT, devraient faire la différence.  Mais je ne voudrais pas sous-estimer, non plus, un autre facteur d’importance capitale en ce moment de notre histoire, compte tenu du niveau de fragilité du pays et de sa dépendance par rapport à l’aide extérieure qu’il attend de partenaires étrangers.  Cet heureux élu, quel qu’il soit, devrait aussi être susceptible d’être bien accueilli par ceux-ci.  Ne pas tenir compte de cet élément, en ce moment, serait faire preuve d’une naïveté, d’une myopie, voire d’une cécité politique, et Dieu nous en préserve.  Demain, peut-être, Le Moniteur nous apprendra officiellement qui, de ses 5 derniers candidats retenus (Fritz Bélizaire, Paul Antoine Bien-Aimé, Gary Conille, Didier Fils-Aimé et Rodolphe Joazile), sera chargé de conduire l’Exécutif jusqu’au 7 février 2026, date de la passation des pouvoirs à un (e) président (e) élu (e).  Au moment de rédiger ces lignes, les entrevues de ces candidats devraient être en cours avec les membres du CPT réunis pour cet exercice qui donnera lieu, ensuite, au vote qualifié, sinon au choix consensuel de l’un d’entre eux par le Conseil Présidentiel de Transition.  Souhaitons qu’ils aient la main heureuse, lors de cette sélection.

Pierre-Michel Augustin

le 28 mai 2024

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