Dans une lettre adressée le dimanche 10 mars au soir à la CARICOM, des acteurs politiques, dont Fanmi Lavalas, Montana, des secteurs privé, religieux, syndical et de la diaspora ont soumis une proposition de sortie de crise à la CARICOM. Ils ont proposé un modèle de gouvernement de transition pour une durée allant de 18 à 24 mois.
Dans ce document, des balises sont mises pour écarter subtilement certaines figures politiques. La page du premier ministre Ariel Henry, bloqué depuis 8 jours à l’étranger, est tournée, selon cette proposition de sortie de crise.
Dans cette lettre adressée à la CARICOM, « les représentants des principaux secteurs politique, civique et privé d’Haïti, des institutions religieuses et de la diaspora » ont aussi pris acte de « la fin de mission du gouvernement dirigé par Ariel Henry. »
« Confrontés à l’extrême urgence de la situation actuelle et au vide créé par l’inaction puis le départ du pouvoir en place, la montée en puissance des gangs qui tiennent le pays en otage, forts de nos engagements, de nos luttes permanentes et de notre quête incessante d’une solution haïtienne à la crise, nous nous sommes réunis pour élaborer ce compromis raisonnable et opérationnel. Il s’agit pour nous de mettre fin à cette déchéance, de placer Haïti sur le chemin de la reconquête de sa dignité, en rétablissant l’ordre institutionnel qui passe par l’instauration d’un exécutif bicéphale de transition, consensuel, inclusif, représentant la majorité des acteurs politiques, civiques, religieux et économiques importants du pays », ont écrit les acteurs à la CARICOM.
Selon la proposition, les membres du Conseil de Transition seront nommés par les secteurs et alliances suivants :
1) le Collectif des partis politiques du 30 janvier ;
2) l’accord du 30 août 2021/ Accord de Montana ;
3) le parti Fanmi Lavalas ;
4) le Secteur Privé Institutionnel ;
5) les Institutions Religieuses.
Selon ce qui est écrit, les décisions seront prises par consensus ou à défaut par la majorité de ses membres, et sa présidence sera assurée de manière tournante, tous les 3 mois. Il est convenu que les membres du conseil ne participeront pas aux prochaines élections.
Par ailleurs, le Secrétaire d’État américain s’est rendu le lundi 11 mars 2024 en Jamaïque pour participer à une réunion d’urgence sur la crise en Haïti. Cette réunion, tenue à Kingston, est organisée par la Communauté des Caraïbes (CARICOM), en vue de trouver un compromis pour résoudre la situation de crise qui sévit en Haïti, a rapporté le Département d’État américain. Anthony Blinken profitera de sa participation pour discuter des efforts pouvant viser à « accélérer la transition en Haïti ». Elle se fera, selon le Département d’État américain, grâce à la mise en place d’une présidence collégiale, indépendante et à large assise. Il abordera la nécessité de déployer, le plus rapidement possible, la Mission Multinationale pour faire face à la crise sécuritaire qui ronge la nation haïtienne.
Des délégués français, canadiens, onusiens, entre autres, ont été également invités à cette réunion tenue à Kingston, avec environ 15 membres de la CARICOM. Elle intervient à un moment où les gangs armés sèment la terreur à travers tout le pays, où, au quotidien, des hommes, des femmes et des enfants sont victimes.
À rappeler que le vendredi 8 mars 2024, à New-York, dans son point de presse quotidien, Stéphane Dujarric, le porte-parole du Secrétariat général de l’ONU, avait indiqué : « la Communauté des Caraïbes (CARICOM) tiendra, le lundi 11 mars 2024, une session extraordinaire à Kingston (Jamaïque), siège jamaïcain de la CARICOM, pour discuter de la transition en Haïti, à laquelle participeront les Nations Unies.
« L’objectif de la réunion est de « rassembler un soutien en faveur d’une restauration des institutions démocratiques le plus rapidement possible. » « La réunion aura lieu en présence de Earle Courtenay Rattray, chef de cabinet d’António Guterres, au nom de l’ONU, qui sera accompagné d’autres acteurs internationaux » dont Dujarric n’a pas précisé l’identité. Par ailleurs, il a dit ne pas savoir si le Premier Ministre Ariel Henry, bloqué à Porto Rico sans pouvoir entrer en Haïti, était invité à la réunion de la CARICOM.
Entre temps, les discussions déjà menées par la communauté internationale, notamment la CARICOM, avec des protagonistes politiques haïtiens, se poursuivaient. Plusieurs rencontres ont eu lieu le jeudi 7 mars 2024, via ZOOM, mais rien n’a bougé, l’esprit de clan domine et chacun reste sur ses positions, refusant compromis et consensus.
Dans un appel d’urgence à la Nation, des signataires du Consensus du 21 Décembre dont Marjorie Michel, Me André Michel et Edmonde Supplice Beauzile, ont déclaré que : « le devoir de tout patriote aujourd’hui est de se tenir debout, comme un seul homme et une seule femme, pour sauver la République. La bataille est contre le peuple haïtien, qui que vous soyez, du pouvoir ou de l’opposition. Tel que les événements se trament, se déroulent et se nouent dans les détours d’un dédale infernal, il y a un plan contre vous, contre nous, qui doit consacrer notre faillite morale. La Communauté Internationale, qui prône tant la Paix à travers le monde, doit se positionner contre la bataille des gangs coalisés. »
Par ailleurs, « le premier ministre Ariel Henry ne devrait pas retourner en Haïti », a déclaré le député démocrate de l’État de New-York, Gregory Meeks, exprimant sa préoccupation face à la crise. Le parlementaire croit que le retour du chef du gouvernement occasionnera davantage de morts et de destructions dans le pays. « Il est essentiel d’établir un gouvernement de transition, avec quelqu’un occupant le palais présidentiel, mais pas Ariel Henry », a précisé Gregory Meeks. Ce dernier plaide en faveur de la poursuite des pourparlers avec la CARICOM, les membres de l’accord Montana, les acteurs de la société civile haïtienne et les membres de l’opposition, afin de trouver une solution propice à la tenue d’élections libres, honnêtes et démocratiques.
Emmanuel Saintus