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“Si Haïti s’enfonçait tranquillement dans les Caraïbes ou s’élevait de 300 pieds, cela n’aurait pas beaucoup d’importance en termes de nos intérêts…”, disait-il…

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J’ai ici la traduction en français des propos du 46e président des États-Unis d’Amérique, en l’occurrence monsieur Joseph Biden, dit Joe Biden, en 1994, sénateur de l’État de Delaware, lors d’une interview accordée à Charlie Rose de PBS il y a 30 ans, en marge des préparatifs d’invasion d’Ayiti, sous l’administration de Bill Clinton, après le coup d’État orchestré par les États-Unis contre Jean-Bertrand Aristide, sous le règne de George W. Bush père.  Initialement, cette réflexion était destinée à être une lettre que je voulais expressément envoyer au président des États-Unis d’Amérique, M. Joe Biden, en raison de la crise humanitaire persistante en Ayiti, qui, malheureusement, s’est aggravée sous son administration, marquée par son extraordinaire indifférence.  Cependant, après une réflexion approfondie, j’ai pris la décision de la transformer en un article, sans pour autant m’écarter totalement de l’idée de le diriger vers lui, ne serait-ce, que par cette voie. À mon humble avis, cette approche aura bien plus de pertinence.

De prime abord, je me permettrais d’adresser cette lettre, tissée de douleur et de désespoir, au président Biden, dans le but de lui rappeler le cri de cœur de tout un peuple qui ne s’est jamais ménagé pour répondre présent, là où le destin des peuples en quête de liberté, de dignité et surtout d’humanité l’appelle.  Au cas où il n’en aurait pas été assez bien informé, ces trois dernières décennies, Ayiti a été durement touchée par une série de catastrophes naturelles récurrentes, des plus dévastatrices.  Le peuple ayitien, au prix de son sang, jadis a brisé les chaînes du triple système colonialiste, esclavagiste et raciste, aujourd’hui reconnu comme un crime contre l’humanité et bien sûr contre les droits humains.  Il a contribué largement, non seulement à l’émancipation de la race noire, mais aussi à « l’humanisation de l’humanité ».  Plus récemment, les ouragans, les tremblements de terre et les épidémies ont laissé des cicatrices profondes sur notre pays déjà fragilisé.  Les infrastructures essentielles, les écoles, les hôpitaux, les routes, les champs et nos institutions ont été réduites en ruines, laissant notre population dans une situation de détresse sans précédent.  Cependant, pour comble, à cela se sont ajoutées les catastrophes politiques, économiques et sociales, dépassant de loin celles des pires intempéries résultant des aléas naturels.  Ironiquement, ceux qui prétendent être nos amis au grand jour, qui se sont engagés à nous “aider”, portent, dans une large mesure, une responsabilité dans les malheurs du pays.  Leur objectif demeure celui de contrecarrer le rêve de changement profond du peuple ayitien.  Leur persistance dans ce funeste dessein a conduit à l’intervention des États-Unis, en tant que sauveurs, renforçant ainsi leur détermination à entraver toute tentative de rupture avec le système impérialiste international en général, et américain, en particulier.

Si j’avais persévéré dans mon projet originel de lui transmettre une lettre, j’adresserais à M. Biden, président des États-Unis, ces lignes avec la plus grande lourdeur de cœur et, bien sûr, rédigée à l’encre de l’indignation, dans l’unique objectif de solliciter son précieux soutien à l’égard de ce pays porte-étendard de la redéfinition des paradigmes du monde au 19e siècle, le faisant ainsi, un peu ce qu’il est devenu aujourd’hui.   Je lui écrirais pour lui rappeler que le drame humain, au-delà de nos constructions de race, de classe, des complexes de supériorité ou d’infériorité, de cultures, de religions, de philosophies de vie, de visions du monde, ne doit en aucun cas laisser indifférente toute personne dotée de la moindre humanité.  On aura beau vouloir peindre le drame humain des couleurs de la discrimination, des préjugés et du mépris, le drame humain n’a de couleurs que celles des douleurs, des souffrances, des désarrois, des indignations et du désespoir humain, indépendamment des considérations spatio-temporelles.  Les couleurs du drame humain, à travers le temps et l’espace, sont celles de l’humanité, toutes les civilisations incluses.   L’humanité, dans sa grande diversité, nous à léguer ses rires et ses pleurs, ses succès et ses échecs, sa bonté du cœur et ses souillures de l’âme, et, à cette date, aucune civilisation n’en a pu s’en défaire totalement.

Je lui dirais, monsieur le Président : il y a des hommes à qui la vie ne donne aucune chance, et l’erreur qu’ils commettent, quelle qu’elle soit, est à jamais irréparable.  Cependant, il y en a d’autres envers lesquels, au contraire, la vie est beaucoup plus généreuse, car elle leur donne l’opportunité de se racheter, en réparant la moindre erreur commise, même 30 ans après.  Tout cela pour vous dire que l’on pourrait ne plus vous tenir rigueur aujourd’hui, pour un écart de langage d’il y a trois décennies.  Si, en tant que sénateur du Delaware, vous vous étiez permis les propos relevant de la plus criante indifférence et du plus exacerbant mépris vis-à-vis d’Ayiti, 30 ans après, vous avez l’occasion de vous en racheter, en tant que président, même si jusque-là, vous êtes resté cohérent avec vos propos d’y il a 30 ans.  Vous seriez la preuve qu’un homme, de grande conviction, peut quand même fléchir et se laisser émouvoir devant ce drame humanitaire dans lequel Ayiti ne s’est point plongée toute seule.  On ne pourrait que vous en féliciter !  La trame de l’histoire qui lie les États-Unis à Ayiti aura offert à ces deux États, l’opportunité de tracer de nouvelles voies pour leur destin commun. 

Peut-être que si l’Empereur Jacques 1er, le redoutable héros de l’indépendance Ayitienne, le grandissime général Jean-Jacques Dessalines, avait eu droit à la réponse tant attendue du président Thomas Jefferson ; peut-être que si l’apport des esclaves de Saint-Domingue dans la bataille de Savannah avait été mieux apprécié et récompensé par les Américains ; peut-être alors qu’Ayiti aurait bénéficié de l’aide de votre pays, devenu, depuis environ un siècle : la première puissance mondiale.   Peut-être qu’il n’y aurait pas eu de dette de l’indépendance imposée à Ayiti, pour avoir mis en déroute ses bourreaux français, comme les 13 premières colonies anglaises l’ont fait contre la métropole britannique.  Peut-être qu’il n’y aurait eu aucune occupation américaine d’Ayiti, ni en 1915, ni en 1994, ni toutes les missions de paix et de stabilité qui s’en sont suivies.  Peut-être qu’il n’y aurait pas autant de pauvreté, de misère, de sous-développement, d’instabilité et d’insécurité, de cartels de drogue, pour ne citer que les problématiques les plus évidentes, presqu’à l’échelle globale de Amérique Latine et dans les Caraïbes.  Peut-être que l’ancien président Bill Clinton n’aurait pas détruit la production de riz en Ayiti de la sorte, rien que pour s’assurer du marché ayitien avec autour de huit-millions de bouches à l’époque.   Peut-être que les gouvernements ayitiens ne tendraient plus leurs sébiles aux grandes puissances, dont les États-Unis, pour solliciter sans cesse de l’aide internationale pour le budget national.  Peut-être qu’il n’y aurait pas autant d’Ayitiens amassés sur votre frontière avec le Mexique, cherchant à avoir l’asile chez vous.  Peut-être que la porte-parole de la Maison Blanche remplirait ce rôle dans son pays d’origine, Ayiti, ou du moins ferait claironner dans vos oreilles les cris de désespoir du peuple ayitien, chaque jour davantage aux abois. Peut-être même que le programme facilitant l’entrée de centaines de milliers d’Ayitiens sur le sol américain, lequel porte votre nom en Ayiti, n’aurait pas sa raison d’être.  Peut-être qu’Ayiti aurait aujourd’hui une place dans l’Histoire universelle, plus conforme avec son passé glorieux.  Peut-être qu’il n’y aurait pas dans notre pays, le chaos qu’il y a aujourd’hui, sans savoir qui est au contrôle.  Peut-être que le plus grand projet du petit Ayitien ne serait pas de quitter le pays, en quête de la stricte condition minimale de vie.  Peut-être qu’Ayiti n’aurait pas à faire face au phénomène de gangstérisation des jeunes des quartiers précaires et marginalisés.  Ni non plus au banditisme ni au terrorisme d’État qui transforme aujourd’hui le pays en un redoutable enfer pour les Ayitiens.  Peut-être qu’Ayiti ne se serait pas décapitalisée de manière si exponentielle, ni privée de ses richesses, ni drainée de ses ressources humaines.  Au-delà de ces suppositions et de ces spéculations, nous pourrions faire bien des conjectures, mais, malheureusement, les « si » n’existent pas en Histoire.  

Néanmoins, si le peuple Ayitien fait preuve de résilience plus que n’importe quel autre au monde, c’est justement à cause de cet esprit de combat inlassable qui nous a permis de vaincre l’armée la plus puissante de l’époque : l’armée napoléonienne.   Aujourd’hui, nous avons un projet ambitieux pour le pays, celui du développement endogène et durable de notre Ayiti Chérie.  Mais, il ne sera pas possible sans la collaboration de votre pays.  Nous voulons mettre tous nos efforts et toutes nos ressources en synergie pour reconstruire notre pays. L’aide de votre pays est pour nous d’une importance capitale et cruciale.  Par le biais d’associations nationales et locales, le renforcement des institution régaliennes, le reformatage de l’homme ayitien et de la femme ayitienne, sur la base du retour à notre identité, avec notre sens d’appartenance, avec une éducation liée à la citoyenneté, au patriotisme, entre autres, nous voulons améliorer le bien-être de la population ayitienne. Nous sommes conscients de l’importance que votre pays, à un certain égard également le mien, accorde à la démocratie, comme système politique, pour faciliter le développement.  Forts de ce principe, nous ne doutons aucunement que ce projet soit en parfaite adéquation avec les valeurs et les objectifs du millénaire, tant prônés par les Nations-Unies et également préconisés par votre pays.  Il aura un véritable impact positif sur la jeunesse de notre pays, en favorisant leur épanouissement, en renforçant les liens sociaux et en promouvant un mode de vie sain.  Comme je viens tout juste de le signaler, la réalisation d’un tel projet nécessite une amitié forte entre nos deux nations.  Il nous faudrait votre soutien financier et logistique conséquent.  C’est pourquoi nous sollicitons votre aide pour obtenir les ressources nécessaires à sa concrétisation.  Votre expertise, en tant que leader de la diplomatie internationale et votre influence sur la communauté internationale nous seront d’une utilité hors pair.  Elle nous aidera à lever des fonds, à mobiliser des partenaires et à sensibiliser davantage d’États à notre cause.

Il est rare qu’un simple citoyen Ayitien s’adresse à un président américain, non pas pour lui quémander sa collaboration, mais pour l’exhorter à venir en aide à un peuple qui se meurt, et, au lieu d’aggraver sa peine, de lui venir en aide, si ce n’est pas par bonté de cœur ou par générosité, mais au moins par reconnaissance.  L’amitié n’est pas un vain mot qu’on dit seulement du bout des lèvres, mais qui se prouve par l’action.  Je suis convaincu que ce projet aura un impact durable sur notre pays et nos populations, et qu’il constituera un véritable héritage pour les générations futures.  En nous rejoignant dans cette initiative, vous contribuerez de manière significative à l’amélioration de la qualité de vie de nos populations, à l’épanouissement de notre jeunesse et, plus encore, à la fin du cycle d’instabilité, de mauvaise gouvernance, de corruption et d’anarchie en Ayiti.

À titre de conclusion, je vous dirais, monsieur le président, avec la correspondance explorative et critique que j’avais décidée de vous adresser, que ma prétention était de tisser une toile complexe de l’histoire d’Ayiti, mettant en lumière les couleurs sombres de notre passé marqué par des échecs retentissants, sur fond d’un complot international persistant.  Si, à un certain moment, en dépit des références poignantes de l’Île de Gorée, le drame de l’esclavage de l’homme africain a débuté dans les cales des Négriers, il a commencé à s’estomper en Ayiti, dans la colonie Saint-Domingoise d’alors, à partir de l’abolition de l’esclavage instaurée par la force de la détermination et au prix du sang versé généreusement par nos valeureux ancêtres.   Aujourd’hui, ensemble, il nous faut identifier les multiples obstacles qui ont jalonné l’histoire de nos deux peuples pour les inviter à une reconnaissance profonde des souffrances passées.  Cependant, au-delà de la simple exposition des tragédies, ma correspondance que je vous adresserais se voudrait un appel à l’action, à la compréhension mutuelle et à la construction d’un avenir plus juste.  Je vous exhorterais à une méditation profonde sur la condition d’Ayiti, révélant les cicatrices historiques.  L’heure est à la renaissance d’Ayiti.  Ce serait une invitation à la réflexion et à l’engagement envers la construction d’une société où la justice, la compassion et la compréhension prévaudraient, en dépit des épreuves traversées.

Monsieur le président, je vous y aurais demandé de bien vouloir œuvrer à effacer cette impression d’indifférence et de mépris que d’aucuns pourraient être tentés de relever dans cette tirade d’autrefois.  L’Histoire s’écrit au quotidien et vous offre aujourd’hui de corriger cette impression.  Ainsi donc, pour ce qu’Ayiti représente aux yeux du monde moderne, dans la quête d’émancipation des peuples, des groupes ethniques minoritaires et marginalisés, il serait temps qu’on cesse de traiter Ayiti en paria.  Il suffirait d’un faible pourcentage des fonds alloués pour les guerres qui ont lieu ailleurs, bien loin de notre continent, pour mettre Ayiti sur les rails du développement, avec bien sûr, une gestion transparente, rationnelle, optimale et équitable, menée par ses fils et ses filles authentiques qui veulent véritablement le changement, en vue de la reconstruction du pays.  

19/02/2024

Jean Camille Étienne,

Arch. Msc. en Politique et Gestion de l’Environnement

Administrateur de CrAy, 

Chronique de la Renaissance d’Ayiti. 

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