Le lundi 9 octobre 2023, la Haute Cour kenyane a émis une ordonnance conservatoire empêchant temporairement le Gouvernement kenyan de déployer des forces de sécurité du pays dans tout autre pays, pendant deux semaines, jusqu’à ce qu’une plainte déposée vendredi 6 octobre par l’opposant Ekuru Aukot, ancien candidat défait à la présidentielle, soit examinée.
Ce dernier conteste la décision de diriger une force multinationale pour lutter contre la violence des gangs en Haïti, suite à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, affirmant que la loi autorisant le Président à le faire était contraire aux articles de la Constitution.
La plainte d’Aukot reproche également au Président William Ruto d’avoir accepté de diriger la mission internationale alors que le Kenya est aux prises avec des problèmes de sécurité découlant des attaques des militants et, plus récemment, des affrontements ethniques.
Le juge de la Haute Cour, Me Chacha Mwita, a accordé lundi aux parties mises en cause dont le Président Ruto, le Ministre de l’Intérieur et l’Inspecteur Général de la police, trois jours pour déposer une réponse à la requête d’Aukot. La prochaine audience du tribunal est fixée au 24 octobre.
Rappelons que, la semaine dernière, le Chef de l’opposition kenyane, Raila Odinga, avait également critiqué l’implication du Kenya dans la mission en Haïti, affirmant que le pays avait ses propres défis à relever en matière de sécurité.
Notez que le Kenya n’a pas encore confirmé la date de déploiement des 1000 officiers qu’il prévoit envoyer en Haïti. Ruto avait déclaré le 3 octobre dernier que la force dirigée par le Kenya « ne laisserait pas tomber le peuple haïtien ».
Les autorités de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont répondu favorablement à la demande de déployer une force multinationale, dirigée par le Kenya en Haïti, le lundi 2 octobre dernier. C’est une décision qui, depuis plus de douze mois, a été attendue par le gouvernement haïtien. Cependant, certaines Organisations Non-Gouvernementales (ONG) se disent très inquiètes quant au déploiement des soldats kenyans. C’est ce que plusieurs médias internationaux, parmi lesquels: RFI, ont rapporté ce mercredi 4 octobre 2023.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé la résolution pour que le Kenya dirige la mission multinationale en Haïti. Par rapport aux comportements des policiers kényans, vis-à-vis des citoyens de leur pays, des ONG se disent « inquiètes » de l’arrivée de ces policiers à Port-au-Prince. Elles doutent fort que les forces de l’ordre kenyanes puissent respecter les « droits de l’homme ».
En effet, nombreuses sont les accusations portées contre ces dernières, non seulement pour « abus d’autorité », mais encore pour « abus de violations ». À Port-au-Prince, les autorités ne cessent de violer les « droits de l’homme ». Quant à la violence, les gangs s’en occupent déjà. Partant de là, est-ce qu’Haïti ne serait pas exposée à un « bain de sang » ? Telle est une problématique soulevée par ces ONG.
Les abus des Forces de l’ordre kenyanes ont commencé depuis des années. En 2008, les premiers scandales ont été enregistrés, à la suite d’une série de contestations, lors d’une élection présidentielle. Des rapports ont prouvé que la police kenyane avait un rôle actif dans les violences de la crise post-électorale. Ainsi, Martin Mavenjina, membre de la Commission kenyane des « droits de l’Homme », a récemment déclaré que l’histoire des abus et des violations de la police kenyane est longue.
« L’ONG ACTED pointe du doigt un usage excessif de la violence par les forces de police. Elle note l’utilisation de gaz lacrymogènes et de balles réelles dans la répression des manifestations de l’opposition, ces six derniers mois. Le bilan s’élève à une cinquantaine de victimes et une centaine de blessés », a rapporté RFI, le mercredi 4 octobre.
Ces Organisations Non-Gouvernementales (ONG) souhaitent que les autorités onusiennes donnent un mandat précis pour encadrer les policiers kenyans. En ce sens, ce mandat pourrait limiter les dégâts en Haïti, puisqu’ils seront avertis. Il est à rappeler que, entre 2012 à 2021, près de 20 000 plaintes ont été portées contre ces forces de l’ordre. Toutefois, l’Agence Indépendante de Surveillance de la police n’a obtenu que 12 condamnations dans ces affaires de violences policières.
Entre temps, 200 millions de dollars sont disponibles, en provenance des États-Unis, pour financer le déploiement de la force en Haïti. Après tant de suspense, le Conseil de sécurité des Nations Unies a finalement voté pour le déploiement d’une force multinationale en Haïti. Se montrant inquiète face à la situation d’insécurité qui sévit depuis des années dans le pays, la république étoilée promet 200 millions de dollars pour la mission d’accompagnement à la Police Nationale d’Haïti (PNH).
L’ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Linda Thomas Greenfield, a indiqué, le lundi 2 octobre 2023, que l’administration Biden est prête à investir 200 millions de dollars américains, pour financer la force multinationale qui doit intervenir en Haïti contre les gangs armés, en soutien à la PNH.
«Nous avons l’intention de travailler avec notre Congrès pour fournir un soutien de 100 millions de dollars, puis le ministère de la Défense est prêt à fournir un soutien solide qui atteindra également 100 millions de dollars», a dévoilé la diplomate américaine, après l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies pour le déploiement.
Le Secrétaire d’État des États-Unis d’Amérique, Anthony Blinken, de son côté, a salué l’autorisation des Nations Unies et profite de l’occasion pour remercier le Kenya et L’Équateur. «Nous saluons l’autorisation du Conseil de sécurité pour une Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité en Haïti, – une étape cruciale dans la fourniture du soutien international, demandé par Haïti, – pour restaurer la sécurité. Nous remercions le Kenya et l’Équateur pour leur partenariat solide, dans cet effort», peut-on lire sur son compte X.
La venue de la mission d’accompagnement à susciter l’intérêt de l’opinion publique. Pour Frantz Duval, le Rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste, «la mission d’appui à la sécurité ne va rien résoudre, si les Haïtiens – autorités, oppositions, société civile et autres – ne se décident pas à prendre toute la mesure des différentes crises que traverse le pays. Il n’y aura pas de miracle, encore moins de miracle, sans les Haïtiens». Pour d’autres citoyens, leur souci premier est de vaquer librement à leurs occupations, et ils se sont montrés favorables au déploiement de la force pour juguler le phénomène de l’insécurité.
Par ailleurs, dans un communiqué de presse paru le vendredi 6 octobre 2023, le ministère cubain des Affaires étrangères a critiqué la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, de déployer une mission multinationale dans le pays. La principale tâche en suspens de la communauté internationale avec Haïti n’est pas d’envoyer un contingent militaire, croit la chancellerie cubaine. C’est l’un des rares pays à exprimer ses réserves, voire à critiquer vertement la décision du Conseil de sécurité de l’ONU de déployer une force multinationale en Haïti. Le communiqué de presse du ministère cubain des Affaires étrangères est poignant. La chancellerie reconnaît qu’Haïti souffre d’une grave situation humanitaire et sécuritaire, qui exacerbe l’instabilité sociale et la pauvreté causées par des siècles de pillage colonial et néocolonial, de sous-développement et d’intervention étrangère. Cuba se dit plutôt favorable à la paix et à la stabilité en Haïti, le premier pays d’Amérique latine et des Caraïbes à se révolter contre le colonialisme européen, à obtenir son indépendance et à abolir l’esclavage dans l’hémisphère occidental. « Nous défendons les droits légitimes de son peuple à trouver une solution pacifique et durable aux énormes défis auxquels il est confronté, fondée sur le plein respect de sa souveraineté », précise la chancellerie qui croit que « la principale tâche en suspens de la communauté internationale avec Haïti n’est pas d’envoyer un contingent militaire ». «Haïti a besoin davantage de ressources financières pour son développement. «Il a besoin de toute urgence d’une assistance et d’une coopération internationales accrues et de meilleure qualité, non seulement pour sa reconstruction, mais aussi pour faire progresser le développement durable du pays », soutient Cuba. Le pays frère d’Haïti demande à ce que la situation en Haïti retienne l’attention voulue aux problèmes structurels, économiques et sociaux du pays. Il insiste sur la nécessité d’établir des mécanismes d’aide efficaces, garantissant l’utilisation efficace de toutes les ressources fournies par la communauté internationale, au profit du peuple haïtien.
Pour Mirlande Manigat : «avec un milliard de l’aide ukrainienne, Haïti aurait pu résoudre le problème des gangs sans la force étrangère». La présidente du Haut Conseil de la Transition (HCT), Mirlande Manigat, s’est exprimée sur le vote du Conseil de sécurité de l’ONU, en ce qui concerne le déploiement d’une force multinationale en Haïti. Si le Premier ministre Ariel Henry salue, sans examen critique, le vote dudit conseil, la professeure Manigat a plutôt été critique vis-à-vis du comportement de certains pays, pour leur aide à l’Ukraine. «Si Haïti avait reçu un milliard de toute l’aide financière offerte à l’Ukraine, elle aurait pu résoudre le problème de l’insécurité, sans le soutien militaire de l’international», fustige la constitutionnaliste, ancienne candidate malheureuse à l’élection présidentielle, face à Michel J. Martelly, en 2011. Mirlande Manigat, très critiquée par des éléments de la «classe politique haïtienne», pour son choix de monter à bord du bateau conduit par le Premier ministre Ariel Henry, peine à aider le Capitaine à corriger ses erreurs, depuis sa prise de fonction en juillet 2021.
L’ancienne première dame, appréciée jadis, n’est pas parvenue à montrer de quoi le HCT était capable, pour sortir le pays du bourbier dans lequel il se trouve, depuis un bon bout de temps.
Emmanuel Saintus