L’événement, qui a un caractère plutôt épique, s’est terminé par une fin tragique. Pourtant, tous les
éléments concourent à le rapprocher d’un récit biblique. Ayiti serait-elle devenue, ne serait-ce que
symboliquement, la nouvelle Terre Promise, le nouvel Israël quand Dieu combattait aux côtés de son
peuple ? Pour donner plus de crédit scientifique au regard des faits historiques, faisons un petit tour
d’horizon de certains passages bibliques y relatifs. Dans le psaume 144 :1 de David, on peut lire: « Béni
soit l’Éternel, mon rocher, qui exerce mes mains au combat, mes doigts à la bataille… ». La différence
marquante, c’est que Pasteur Marco a oublié que lorsque Dieu était dans le camp de son peuple élu, tel
que considéré dans la Bible, en l’occurrence Israël, il ne l’a pas envoyé à la boucherie pour se faire
massacrer. À cette époque, Dieu était l’auteur et le donateur de la force naturelle physique, de la force
mentale et de toute la force spirituelle qu’il possédait, pour exercer la grâce, pour endurer les afflictions et
les épreuves, pour accomplir son devoir et pour résister aux ennemis, jusqu’à les vaincre littéralement,
comme ce fut le cas dans de nombreuses batailles auxquelles Dieu participa aux côtés d’Israël, les faisant
vaincre leurs ennemis.
Il convient donc, à juste titre, de se rappeler du combat de David contre Goliath. Qui ne s’en
souvient pas ? Le petit David devait avoir sa lance de pierre en main pour vaincre le géant Goliath qui
était bien plus grand que lui. Malgré la supériorité physique et la superpuissance de ce dernier, la victoire
était du côté de David. Et, c’est la preuve tangible que, malgré sa toute-puissance, son omniscience et
omniprésence, Dieu ne sauve pas l’homme sans l’homme. Il utilise toujours les moyens du bord pour
accomplir ses exploits en faveur de son peuple. Dans le livre de Josué, la conquête de Canaan est
présentée comme facile et rapide, précisément en raison de la réalité décrite ci-dessus. L’histoire de cette
conquête fut connue du grand public, comme suit: « Les Israélites encerclèrent la mer Morte et
traversèrent le Jourdain. Ils prirent Jéricho et Aï, conclurent un traité avec les Gabaonites. Propriétaires de
toute la Palestine centrale, ils écrasèrent une coalition de cinq rois au sud, ainsi que quelques rois au nord.
Le territoire fut divisé entre les douze tribus… » Cependant, la dimension spirituelle de cette émeute
civile n’a rien à envier aux épopées militaires, si on circonscrit l’évènement du samedi 26 août 2023 dans
le contexte de la foi dans laquelle le Pasteur Marco a guidé ses fidèles. Ainsi, ne convient-il pas d’en
passer en revue quelques épisodes bibliques où Dieu a choisi son camp, pour se ranger aux côtés de son
peuple ? À titre d’illustration, il n’y a pas comme les Psaumes pour chanter les hauts faits de l’Éternel des
armées en faveur des siens. Du Psaume 18 : 2 « Éternel, mon rocher, ma forteresse, mon libérateur ! Mon
Dieu, mon rocher, où puis-je trouver refuge ! Mon bouclier, la force qui me sauve, ma haute retraite… »,
en passant par les Psaumes : 71 :3 « Sois pour moi un rocher qui me sert d’asile, où je pourrai toujours me
retirer ! Tu as résolu de me sauver, parce que tu es mon rocher et ma forteresse… », 95 :1 « Viens,
chantons de joie à l’Éternel ! Crions de joie vers le rocher de notre salut… », pour terminer dans
Deutéronome 32 :30, 31 : « Comment un seul pourrait-il en persécuter mille, et deux en faire fuir dix
mille, si leur Rocher ne les avait pas vendus, si l’Éternel ne les avait délivrés ? En ont-ils manqué ??? ».
On pourrait en citer davantage, mais limitons-nous à ces extraits bibliques susmentionnés. Car il existe de
nombreuses références bibliques qui relatent les circonstances dans lesquelles Dieu a accompagné son
peuple dans ses combats. Ainsi donc, de toutes les exhortations de Dieu à son peuple à combattre, le
Psaume 18 :34 est la plus explicite, en ce sens qu’il décrit concrètement comment procéder pour vaincre
son ennemi : « Il entraîne mes mains au combat, et mes bras tendent l’arc d’airain… ».
Les grands exploits bibliques qui portent l’empreinte de la fureur divine en faveur de son peuple
contre ses ennemis ont tous été entachés des actions redoutables des rois guerriers via les conquêtes
militaires, les révoltes, l’infiltration progressive, l’évolution sociale, les pressions économiques, etc. Donc,
c’est plus que légitime que le Dieu d’Israël, en ces temps-là, était connu comme un Dieu vengeur, un
Dieu guerrier digne de l’épithète d’Éternel des armées. C’est donc précisément ce qui manquait dans
l’approche guerrière, ou plutôt d’autodéfense, du Pasteur Marco, qui malheureusement s’était soldée par
l’échec, transformée en un bain de sang, parce que Dieu a, dans ce cas précis, mal exercé la main de son
peuple au combat, l’a livré au triste sort du massacre en territoire ennemi, dans la quête de la Terre
Promise, le Canaan ayitien, que le Pasteur Marco a pu observer de loin sans pouvoir y accéder. À ce titre,
était-ce Dieu qui n’a pas su protéger son peuple ou l’État qui a échoué dans sa mission de garant de la
sécurité publique ou encore le Pasteur Marco qui s’est leurré, en se montrant trop zélé ? Peut-on ici parler
de naïveté, de courage ou de bravoure des fidèles du Pasteur Marco, dans le contexte d’un État en faillite
où la population est livrée à elle-même, à tous les points de vue, dans toutes les sphères et à toutes les
échelles de la vie nationale ? Quoi qu’il en soit, la vérité est que de nouveaux héros viennent de figurer
dans les annales de l’histoire nationale. Leur bravoure leur donne automatiquement le droit d’entrer au
panthéon des grands de ce pays qui n’ont pas lésiné sur le sacrifice de leur vie pour le salut de la nation.
En dépit du fait que la supériorité numérique n’a pas joué en faveur de l’insurrection des fidèles du
Pasteur Marco contre les bandes de Vitelhomme, la nation entière se souviendra pendant longtemps que
dans les heures les plus sombres de notre histoire, où la population était aux abois et livrée à elle-même,
un groupe de chrétiens protestants a pris son courage à deux bras pour dire non à la grande bêtise
nationale et non à l’inacceptable. Elle se souviendra aussi que d’innombrables citoyens qui ne se sont pas
contentés de se réclamer du ciel, contrairement à l’évangile de la résignation que les églises protestantes
en Ayiti ont l’habitude de prêcher, ont été sauvagement massacrés pour avoir été abandonnés et livrés à
leur triste sort par les entités responsables de la sécurité nationale, dont les Forces Armées d’Haïti
remobilisées depuis tantôt, et les unités spécialisées de la PNH qui avait pourtant promis d’accompagner
la marche des fidèles vers la terre de terreur, Canaan, pour libérer des captifs et mettre un terme à
l’horreur des gangs armés dans la zone. Le pasteur Marco et ses fidèles qui ont eu le courage de marcher,
non pas pacifiquement, mais avec ardeur et véhémence, contre les bandits armés qui, depuis quelques
temps, sèment la terreur dans la population, se sont retrouvés littéralement piégés. Cependant, il ne faut
pas oublier qu’ils ont mis leur Bible de côté pour prendre en main leur destin et celui de leurs enfants. Ils
méritent notre respect et notre contemplation. Que leur sang ne soit pas versé en vain. Puisse ce jour du
26 août 2023 entrer dans les annales de l’histoire nationale pour honorer le courage et la mémoire de ces
braves hommes et femmes qui ont brandi leurs couteaux, pioches, pierres et machettes pour défendre la
sécurité nationale.
L’initiative de cette émeute populaire de cette bande du secteur évangélique peut être considérée
par certains comme étant un acte d’irresponsabilité et de suicide collectif, mais les victimes se sont
données en holocauste en hommes et femmes libres et courageux, pour le salut de la nation tout entière.
C’est un présage que la population est à la limite de ses forces, et que face à l’indifférence et au mépris
des autorités nationales compétentes en matière de sécurité et de défense publique, le peuple est
déterminé à se rendre justice. Malheur aux autorités concernées si elles ne l’accompagnent pas dans son
cri de consternation et de désespoir ! Certes, l’initiative a échoué, parce que le Pasteur Marco a oublié que
nous avons un déficit crucial de la part de la population, en termes de préparation militaire et de défense
civile, et que, sans le soutien de la PNH, le résultat ne pouvait être que ce qu’il est, et se solder par un
échec.
Le pasteur Marco a traîné ses fidèles à la boucherie, j’en demeure convaincu, non pas par
méchanceté, mais par dégoût de vivre dans l’indignité. Même si l’issue s’est avérée catastrophique, il
n’en demeure pas moins vrai que l’intention d’une telle initiative était bonne.
Désormais, il est plus que clair que le soulèvement populaire est le seul capable d’éradiquer dans
le pays, comme au 7 février 1986, le phénomène des gangs et des bandits armés qui terrorise le pays
depuis tantôt trois ans. Alors, chacun, selon ses moyens, quels qu’ils soient, qu’il fasse un faisceau de
synergies, de stratégies et d’actions préhensibles pour donner, aussi bien aux bandits à cravates qu’aux
bandits à «sapat», la monnaie de leur pièce. Et, tout citoyen conséquent et convaincu de la possibilité et
de la nécessité de la renaissance de notre Ayiti chérie devrait monter à bord. Le massacre odieux des
fidèles du Pasteur Marco à Canaan ne doit pas rester impuni, en ce sens qu’il est un cri de désespoir de
l’âme et du cœur. Plus qu’un acte de violence d’un secteur qui devrait prôner la non-violence, c’est un
non catégorique à l’insécurité dans le pays. Ainsi donc, malgré l’échec d’une si louable initiative, si la
population ayitienne ne se soulève pas et ne s’unit pas pour mettre fin aux « bandits à cravates » et « aux
bandits à sapat », c’est que nous ne sommes pas dignes d’être des enfants de nos ancêtres, car de
nouveaux héros viennent d’entrer dans les annales de l’histoire nationale. Maintenant, la grande
préoccupation est de savoir si nous sommes au bord d’une guerre civile ? La réponse est redondamment
non. Ce qui se passe actuellement en Ayiti, tout comme en février 86, n’est qu’un cri de désespoir du
peuple, pour réclamer justice par la légitime défense.
Jean Camille Etienne (Kmi-Lingus),
Arch. Msc. en Politique et Gestion de l’Environnement,
26/08/2023
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