Les distributeurs de produits pétroliers sont en détresse. Le président de l’Association Nationale des Distributeurs de Produits Pétroliers (ANADIP), M. David Turnier, tire la sonnette d’alarme, pour provoquer une action d’urgence. La situation est grave, les stations sont en faillite, lance M. Turnier, regrettant que les distributeurs soient en même temps accusés d’être responsables de la pénurie. Il veut rétablir la vérité, expliquant que les distributeurs sont les victimes de cette situation.
Ce n’est plus une nouvelle, la pénurie récurrente de carburant. De longues files d’attente dans les rares stations à essence ouvertes, c’est le décor dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. La seule nouveauté est qu’il s’agit de la première pénurie, après le doublement des prix de l’essence à la pompe. La hausse visait justement à garantir la disponibilité permanente des produits pétroliers.
Toutefois, le carburant est toujours disponible au marché noir. Si, dans les stations à essence, on peut rentrer bredouille, même après avoir passé une nuit d’attente, au marché noir, on peut faire le plein en moins de 5 minutes. Le seul souci est la qualité de l’essence. En effet, des commerçants, sans scrupule, ajoutent d’autres substances au carburant, pour maximiser leur profit.
Les coûts pour l’acquisition d’un camion de carburant ont pratiquement doublé, mais les distributeurs ne disposent pas de ressources suffisantes pour poursuivre leurs opérations. De plus, leur marge de profit a diminué, alors qu’aucuns frais additionnels n’est prévu pour le transport des hydrocarbures. Les distributeurs se trouvent entre l’enclume et le marteau. Ils doivent jongler entre des compagnies pétrolières exigeantes et des clients incompréhensifs. Les compagnies menacent d’exiger le paiement en dollar, renvoyant ainsi la balle dans le camp des distributeurs.
Par ailleurs, le ministre du Commerce assure que le carburant est disponible, cependant l’essence n’est pas dans les tubes des stations. Les millions de barils d’hydrocarbures qui se sont volatilisés après leur sortie de Varreux, refont surface dans les rues de la région métropolitaine de Port-au-Prince dans des gallons. Personne ne peut expliquer qui sont les acteurs impliqués dans le détournement des produits pétroliers. La semaine écoulée, 8 millions de barils de produits pétroliers étaient sortis du terminal de Varreux. Cependant, les stations à essence n’en ont pas vu la couleur.
L’essence livrée pourrait répondre largement à la demande. La vente du carburant est un véritable dilemme pour les autorités haïtiennes, les compagnies pétrolières et les distributeurs. Ces derniers confient qu’ils ne peuvent poursuivre leurs opérations sans un ajustement de la structure des prix. Pour leur part, les compagnies pétrolières envisagent de réclamer le paiement en dollar. L’Association Nationale des Propriétaires de Stations-Services (ANAPROSS) critique certaines compagnies pétrolières qui s’adonnent, dit-elle, à une pratique consistant à réclamer des gérants et propriétaires de stations-services le paiement en dollars américains de leurs commandes de carburant. L’ANAPROSS demande aux autorités étatiques de prendre des dispositions, visant à redresser rapidement cette situation. Dans le cas contraire, «les propriétaires et gérants de stations-services se verront dans l’obligation de surseoir à toutes leurs activités commerciales», avertit l’ANAPROSS.
«Avec les prix tels que fixés, et tenant compte du taux de change sur le marché, le prix de revient du gallon dépassera largement les prix à la pompe, arrêtés par l’État». L’ANAPROSS souligne combien cet état de fait entrave la disponibilité des produits pétroliers, au niveau des stations-services, risquant d’avoir pour effet immédiat une aggravation de la situation économique, déjà précaire, de toute une population en souffrance.
Altidor Jean Hervé