Depuis le phénomène des rouleaux compresseurs du professeur Daniel Fignolé, il était toujours rare, hormis les périodes de festivités, de voir défiler des grandes foules à travers les rues d’Haïti. Le Général Antonio Thrasybule Kébreau avait réalisé le massacre du Bel-Air et transmis le pouvoir à François Duvalier qui a régné pendant 14 ans avant de transmettre ensuite le pouvoir à son fils, Jean-Claude Duvalier.
Tout un arsenal juridique a été mis en place pour contrer les moindres signes de revendication populaire. Décret du 6 août 1958, loi du 29 avril 1969, condamnant toute doctrine d’importation (sous le père), la loi du 2 août 1977 instituant un tribunal de sûreté, la loi du 23 septembre 1985 (sous le fils), etc… sont autant de textes adoptés pour renforcer son pouvoir et empêcher son renversement. Il suffisait d’être dénoncé comme opposant au régime pour être enlevé, battu et tué. N’étaient pas journalistes, tous ceux qui ne s’alignaient pas dans la ligne propagandiste du régime ; n’étaient pas non plus des médias, ceux qui ne flattaient pas le pouvoir des Duvalier.
Au milieu des années 1980, très exactement en 1985, ce mouvement que l’on croyait être banni, allait refaire surface dans le pays. Et Gonaïves fut le lieu à pouvoir initier le mouvement avec une ampleur, avec surtout des élèves du lycée Fabre Geffrard. Au cours d’une manifestation, des élèves tels : Daniel Israël, Jean-Robert Cius et Mackenson Michel ont été tués par les forces de l’ordre, des morts qui allaient susciter le départ en exil de Jean-Claude Duvalier en 1986 (7 février 1986).
Duvalier avait quitté le pouvoir et l’on criait partout: «Baboukèt la tonbe»
On avait mis au ban, la Constitution de 1983 qui consolidait la dictature et mis en place une assemblée constituante, en vue de l’élaboration d’une nouvelle constitution. Cette constitution a été approuvée par voie référendaire, le 29 mars 1987, avec un ensemble d’acquis dont la liberté d’expression et le droit à la manifestation.
Désormais, hormis la possibilité de soulèvement de manière spontanée dont tout peuple dispose, la Constitution du 29 mars 1987 reconnaît le droit aux citoyens de se réunir sur les voies publiques, un droit soumis à une seule condition : la notification préalable à la police.
En substance, en son article 31-2, la constitution stipule : «Les réunions sur la voie publique sont sujettes à notification préalable aux autorités de police.»
On n’a pas besoin d’autorisation ni de la police, ni d’un membre quelconque du gouvernement. Il suffit que la police soit informée pour marquer sa présence afin de garantir la sécurité de tous, y compris les manifestants. Elle sera responsable non seulement de la sécurité, mais aussi des éventuels dérapages. Car il est de son devoir d’éviter le moindre mal.
Me Inseul Salomon
Avocat, Sociologue