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«Ayiti, à l’heure des révélations et des dénonciations d’abus sexuels (contre les mineurs, en particulier)»

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Tout comme le racisme semble faire partie de l’ADN de la plupart des pays occidentaux, les abus sexuels, que ce soit contre mineurs, dans ce cas précis : la pédophilie, ou contre des adultes en situation de faiblesse par rapport à leurs agresseurs, paraissent être dans l’ADN de la société ayitienne, au point de constituer une mentalité et une seconde nature du trait de caractère, des patrons de comportement de certaines personnes jouissant d’une certaine influence sur d’autres. Le phénomène ronge notre société en silence. Bizarrement, tout le monde en est au courant, sans que personne ne s’arme véritablement du courage nécessaire et de valeurs suffisantes pour le dénoncer. Ne vous y méprenez pas, car nous sommes très loin de nous référer à une pratique ancestrale, bien qu’elle remonte au temps de la colonisation où les colons blancs, hommes et femmes, sans aucun scrupule, forçaient les esclaves noirs, hommes et femmes à leur procurer du plaisir sexuel, en cachette, à la tombée de la nuit. (C’est d’ailleurs de ces « unions » que sont nés les premiers mulâtres, constituant, pour la majorité, la classe dominante ayitienne, bien qu’en infériorité numérique, en termes de pourcentage des composantes ethnique de la population, pour la plupart fils et filles de « cadet-jacques », sans aucune ironie). Contre toute attente, toute éthique sociale et morale religieuse, cette pratique malheureusement perdure encore dans notre société.

Dieu seul sait combien de mineurs, garçons et filles, en situation de vulnérabilité, de nos générations passées et présentes, ont fait et continuent encore de faire l’objet de ces horribles abus sexuels, tout en faisant figure de proies faciles pour les prédateurs sexuels en furie, assoiffés du désir irrésistible de débauche et des formes les plus exécrables de dépravation. Combien de mineurs, d’adolescents, d’élèves, d’enfants de chœur, de petites sœurs et petits frères, de nièces, de neveux, de petits cousins et cousines, d’enfants du voisinage, de domestiques, de bonnes, de secrétaires, d’infirmières, d’institutrices, d’artistes, de fonctionnaires publics… se sont vus contraints de se livrer aux caprices impudiques d’une autre personne en position autoritaire, sans pouvoir révéler à quiconque ces atrocités ? Ces pratiques ignobles semblent toucher tous les secteurs de la vie nationale. Elles méritent une attestation plus soutenue, notamment à travers une campagne de sensibilisation et de recensement des éventuelles victimes. Elles sont en général répertoriées auprès des prêtres, pasteurs, hougan, professeurs, promoteurs d’art et de culture, responsables de mouvement sociaux, responsables politiques, entrepreneurs, agents du tourisme, touristes et les garants d’ONG qui n’y font, bien malheureusement, point figure d’innocence.

En attendant, en dépit de la misère qui fait rage, les familles devraient cesser de livrer, par mégarde ou par naïveté, leurs enfants, adolescents, jeunes hommes ou jeunes femmes, aux caprices, aux déraisonnements et aux flétrissures malintentionnées, de ces prédateurs sexuels souvent dépositaires d’une certaine notoriété. Quant à ces derniers, le système judiciaire doit se munir des outils légaux nécessaires pour sanctionner, avec la plus grande rigueur, ces pratiques illégales et contre-nature que ces délinquants qui, au lieu de protéger les enfants, prennent le malin plaisir à les priver de leur dignité. D’autant plus que ce sont des actes qui affectent la vie des victimes, non seulement sexuellement, mais également moralement, psychologiquement, émotionnellement et humainement.

Les derniers scandales de harcèlement, pointant du doigt d’anciens hauts dignitaires de l’État, et éventuellement du secteur privé, si les victimes parviennent à se décider de rompre le silence, sont le syndrome d’une société pathétique, théâtre d’une immoralité et d’une impunité qui rongent notre société du dedans et qui méritent d’être éradiquées. Curieusement, il semblerait que même certaines femmes, avant-gardistes et leaders du mouvement féministe, en position d’autorité, n’épargneraient pas non plus certaines jeunes filles, des abus sexuels.

Ceci nous permet d’avancer que le phénomène d’agressions sexuelles contre les mineurs, en dehors du niveau de déchéance morale sociale, serait en étroite corrélation avec le niveau de précarité, de vulnérabilité, de la naïveté et de pauvreté des populations, dans un pays où les injustices sociales et l’impunité règnent en maîtres et seigneurs. À ce stade, j’emprunterai un passage d’un article de M. Rodelyn Almazor sous la forme d’une triple interrogation, nuancée autour de la problématique des abus sexuels et de la pédophilie en Ayiti :

• N’y a-t-il pas lieu de se demander si « les violences physiques dans les écoles en Haïti ne sont pas encore, d’une certaine manière, tolérées et encouragées par les parents ?

• N’est-ce pas l’occasion pour les prédateurs, qui sont censés placés pour protéger les enfants, de profiter des punitions pour justifier les détentions illégales pour monnayer ces agressions sexuelles ?

• Cet enchaînement de violences, n’est-il pas présent même dans les facultés où certains professeurs terrorisent les étudiantes en leur offrant leurs notes de passage contre des faveurs sexuelles ?

Somme toute, les scandales autour des agressions sexuelles, en général en Ayiti, et sur les mineurs en particulier, constituent un sujet de grande importance, trop longtemps gardé sous silence ou relégué au second plan. Il est donc grand temps de rompre le silence, car il y va de l’avenir de notre société, de la dignité et de la santé physique et émotionnelle des victimes. Les auteurs de pareils crimes doivent être convenablement punis. Dans l’état des choses aujourd’hui, il y a fort à parier que, si l’on ouvre un dossier discret de plaintes et de témoignages, autour des abus dont d’éventuelles victimes ont fait l’objet, l’on se rendrait à l’évidence que ces pratiques ont une ampleur plus grande que ce que, jusque-là, nous aurions imaginé.

Au bout du compte, cette paranoïa mérite d’être traitée à la base, pour éradiquer ce mal qui détruit la société dans toutes ses composantes. En ce sens, les acteurs de la frange saine de la société ayitienne doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour mettre les auteurs de pareils actes à leur place, c’est-à-dire: dans les centres psychiatriques ou les centres carcéraux de rééducation.

Jean Camille Étienne (Kmi-Lingus)

Arch. Msc. en Politique et Gestion de l’Environnement

04/02/2022

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