Le mercredi 3 novembre, à La Saline, en conférence de presse, Jimmy Chérizier, alias «Barbecue», le chef de la coalition de gangs «G-9 en famille et alliés» a réitéré sa demande de démission du Premier Ministre Ariel Henry, et menacé, s’il ne le fait pas, de l’évincer du pouvoir «au prix du sang». Dans son adresse à la nation, du 28 octobre 2021 dernier, Ariel Henry avait déclaré qu’il y a eu une rareté artificielle, provoquée, entre autres, par les assauts des gangs. De plus, il avait estimé que d’autres secteurs ont voulu instrumentaliser la crise pour provoquer une émeute. Il disait se réjouir que la population ait gardé son calme, en dépit des moments difficiles, et avait fait la promesse d’une solution qui passe, entre autres, par la sécurisation des terminaux de Varreux et Thorland.
Les chefs de gangs ont, une fois de plus, eu le dessus dans la confrontation avec les autorités de facto en place. Le gang de Grand Ravine a fait mentir le Premier Ministre Ariel Henry, en scellant le blocus sur l’essence dans la zone de Martissant. Au moins 3 chauffeurs de camions transportant des produits pétroliers ont été enlevés et séquestrés. Dans le même temps, des snipers ont été placés en embuscade et empêchent le déplacement de ces camions. Les bandits exigent une forte rançon pour libérer les chauffeurs, a laissé entendre Mac André Derifonce, de l’Association Nationale des Propriétaires de stations à essence (ANAPROSS). C’est un véritable pied de nez au Premier Ministre Ariel Henry qui avait donné la garantie que les forces de l’ordre assumeront la sécurité des camions. Il n’y a pas eu de couloir de sécurité à partir du terminal de Thorland, regrette l’Association des chauffeurs de transport de produits pétroliers.
Il est fort probable que les chauffeurs refusent de prendre d’autres hypothèques sur leur vie. Les promesses n’ont pas été tenues et les bandits de Grand Ravine ont montré leur force. Des tirs d’armes de gros calibres ont été entendus au cours des derniers jours. La situation est la même à Varreux où le gang du Warf de Jérémie empêche la distribution du carburant.
Le lundi 8 novembre, au niveau de Bas-Delmas et à Cité-Soleil, des rafales d’armes automatiques ont été rapportées. De violents affrontements ont été signalés dans ces zones entre des membres de la coalition des gangs «G-9» et des agents d’unités spéciales de la PNH qui tentent de déloger les bandits qui bloquent l’accès au Terminal pétrolier de Varreux. Aucun bilan n’a été communiqué sur cette opération policière jusqu’à présent.
À Petit-Goâve, en 48 heures, pas moins de 6 personnes ont été enlevées au cours du week-end par des bandits de Martissant. Parmi eux, le houngan Paul Joseph alias Evè et quatre commerçants. Les ravisseurs, qui ont saisi également le camion de marchandises à bord duquel se trouvaient les victimes, réclameraient une rançon d’un million de dollars, en échange de la libération des otages.
En outre, la pénurie de carburant qui dure et s’aggrave depuis plusieurs semaines en Haïti, continue d’avoir de graves conséquences. Après les Centres de santé, les commerces, les banques, c’est au tour de la Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) de se diriger vers un dysfonctionnement, si les groupes électrogènes qui alimentent une vingtaine de stations de pompage pour la seule zone métropolitaine, ne sont pas approvisionnés en carburant diesel très rapidement. «Nous avons de grandes difficultés pour alimenter nos réservoirs et, en conséquence, pour approvisionner les populations qui sont concernées en eau potable. Nous avons besoin de près de 18 000 gallons de diesel pour faire fonctionner pendant 10 jours nos installations au niveau de la zone métropolitaine» a déclaré Guito Édouard, Directeur Général de la DINEPA. En dépit de ses multiples démarches et des contacts avec les autorités nationales, aucun des fournisseurs de produits pétroliers ne peut approvisionner en carburant, jusqu’à présent, la DINEPA. «Sans carburant cette semaine, les populations des communes de Delmas, Tabarre et Cité-Soleil risquent de ne plus recevoir d’eau potable», a averti Guito Édouard.
Par ailleurs, en Haïti, le nombre d’enfants et de femmes enlevés contre rançon au cours des huit premiers mois de 2021 a déjà dépassé le total de l’année dernière, a averti l’UNICEF. «Plus aucun endroit n’est sûr pour les enfants en Haïti», a déclaré Jean Gough, Directeur régional de l’UNICEF pour l’Amérique latine et les Caraïbes. «Que ce soit sur le chemin de l’école, à la maison ou même à l’église, les filles et les garçons risquent d’être kidnappés n’importe où, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. C’est le pire cauchemar de tous les parents.» Selon des estimations de l’UNICEF basées sur des sources officielles, 71 femmes et 30 enfants ont été enlevés au cours des huit premiers mois de cette année, contre 59 femmes et 37 enfants pour toute l’année 2020. La plupart des enlèvements ont lieu dans la capitale. «Les gangs criminels utilisent les enfants comme monnaie d’échange et gagnent de l’argent grâce à l’amour des parents pour leurs enfants. C’est odieux», a déclaré Gough, soulignant: «ces actes de violence ont un impact durable sur les parents et les enfants enlevés. La captivité provoque toujours un traumatisme car ils sont souvent témoins ou subissent des humiliations, des menaces et dans certains cas, des violences.» Pour améliorer le signalement des incidents et l’assistance aux enfants dans le besoin, y compris les enfants enlevés, l’UNICEF a soutenu l’agence nationale de protection de l’enfance «Institut du Bien-Être Social et de Recherches», en réactivant sa hotline gratuite, à utiliser avec une ligne d’assistance téléphonique de la Brigade pour la Protection des Mineurs. L’UNICEF exhorte tous les acteurs concernés de s’abstenir de cibler les enfants et les femmes et appelle le Gouvernement d’Haïti à prendre des mesures pour lutter contre la violence des gangs contre les enfants.
Emmanuel Saintus