Le 20 juillet 2021, monsieur Ariel Henry s’est installé à la Primature de la République et dirige de fait le pays avec son gouvernement formé de gens qui sont, pour la plupart, des fonctionnaires choisis et/ou recommandés par certains acteurs de la vie politique.
Nommé par Jovenel Moïse, quelques jours avant la mort ou l’assassinat de ce dernier, une nomination qui était déjà irrégulière, sous base d’une entente avec certains secteurs de la société et Claude Joseph qui assurait jusque-là, la fonction de premier ministre, Ariel Henry allait obtenir son laisser-passer pour franchir les portes de la Primature.
Maintenant, quel est son statut sur le plan légal et quelles conséquences â l’avenir pour les actes qu’il aura à commettre?
Depuis l’amendement de la Constitution du 29 mars 1987, le schéma ou le mécanisme de transmission de pouvoir, en cas de vacance présidentielle, a changé. Si, dans l’ancienne version, la possibilité était ouverte au juge de la Cour de Cassation, la nouvelle version a exclu totalement cette possibilité, laissant la voie libre aux seuls membres des deux pouvoirs éminemment politiques, partageant la souveraineté nationale, à savoir: le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (articles 134 et suivants de la constitution 1987 amendée)
Pour le cas d’Ariel Henry, il n’y a aucune référence constitutionnelle sur laquelle il pourrait s’appuyer. Car, d’une part, pour être Premier ministre, outre les critères de nomination, il faut être ratifié par le Parlement. Or, Ariel Henry n’est pas allé au Parlement pour le vote de sa Déclaration de politique générale. Donc, au regard de la Constitution, il n’est pas premier ministre, d’autant qu’il a été nommé par Jovenel Moïse qui était déjà un président de facto.
D’autre part, lors même que l’on admet que Jovenel Moïse était en cours de mandat, il serait alors dans sa 5e année de mandat et, dans ce cas, ce serait au Parlement d’élire un président provisoire qui aura la mission de réaliser les élections dans les cent-vingt (120) jours, au plus tard. Or, le Parlement est dysfonctionnel, depuis le coup de Jovenel en janvier 2020. Avec seulement dix (10) sénateurs, le Parlement ne saurait être capable d’élire un président.
Bénéficiant donc, de l’allégeance ou de la loyauté des forces publiques et d’un certain support de la Communauté internationale (le Core Group), Ariel Henry s’impose et peut continuer de prendre d’assaut l’administration publique. Jusque-là, à quel prix? On ne le sait pas encore.
Ariel Henry est un premier ministre de facto. Il détient jusqu’ici la réalité du pouvoir exécutif qu’il exerce en dehors de toutes les normes légales et constitutionnelles. Et nous tenons à préciser que, légalement, il n’a aucun droit d’agir au nom de la population, voire de prendre des engagements importants. Ceux-ci peuvent être remis en question, à tout moment. Et pour ceux qui dérangeraient la société, il pourra aussi faire face à sa responsabilité civile et pénale.
Me Inseul Salomon
Avocat, sociologue