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De la mise à la retraite des juges de la Cour de Cassation

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Que Dit la Loi?

Depuis janvier 2020, Haïti fait face à une rupture de l’ordre constitutionnel. Malheureusement, des institutions partageant le pouvoir de l’exercice de la souveraineté (les Co-dépositaires de la souveraineté nationale), n’ont pas fait le moindre effort pour rectifier les tirs et, du coup, montrer à l’Exécutif qu’il n’est pas sur le chemin du Droit.

Le Parlement, quoique dysfonctionnel avec ses élus, n’a pas levé le petit doigt. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) s’est effacé.

Des citoyens, voyant venir le malheur, ont tenté de tirer sur la sonnette d’alarme, mais on dirait qu’ils prêchaient dans le désert. Et comme complices de cette érosion de la démocratie, les co-dépositaires commencent à être les premières victimes de l’Exécutif, prenant les caractéristiques d’un monstre en gestation.

Le 7 février 2021, contre toute attente, le Palais National a procédé à l’arrestation de plusieurs personnes dont un juge à la Cour de Cassation, les accusant de complot contre la sûreté de l’État. Au même moment, un arrêté a été publié, renvoyant trois juges de cette même cour, à la retraite.

En effet, le fonctionnement des juges est soumis à trois textes légaux : la loi du 22 août 1995, la loi du 13 novembre 2007 et la Constitution de 1987.

Si l’on prend le décret du 22 août 1987, par son inconstitutionnalité, on pourrait même ne pas en tenir compte. Et deux approches peuvent aider à comprendre pourquoi.

1-L’approche basée sur le principe du parallélisme des formes. Cette approche postule qu’un autre texte doit être adopté dans les mêmes formes pour annuler le premier. Cependant, elle pose un problème, dans la mesure où l’on ne peut pas prendre un autre décret pour annuler un décret, du fait même que la Constitution n’accorde pas ce pouvoir. Et la seule façon de le corriger, serait de soumettre ce même texte au Parlement pour qu’il soit voté et ce texte deviendra alors un décret-loi. Ainsi, puisque le deuxième texte a été adopté en 2007, celui-ci abroge automatiquement le premier.

Toutefois, sauf arbitraire, avec ou sans un autre texte pris dans les mêmes formes et conditions, on pourrait résoudre le problème en l’ignorant tout simplement sur le plan du droit pur. Car il n’est écrit nulle part qu’il faut obéir à tout prix à un décret, tant qu’un autre texte n’aura pas été adopté.

2-L’approche ex-nihilo. Cette approche postule qu’on parte à partir de rien. Ce qui veut dire qu’on doit considérer que le décret n’existe même pas. Autrement dit, on ignore son existence ou, si l’on voit l’utilité pour légiférer, l’on travaille pour l’adoption d’un autre texte qui traite le même objet, mais dans les formes et conditions prévues par la Constitution. Dans l’état actuel des choses, seule la Constitution et la Loi de 2007 sont d’application. C’est-à-dire, prendre la décision de mettre des juges à la retraite, comme Boniface Alexandre l’avait fait en 2005, n’est plus de mise.

La Constitution de 1987, en son article 177, elle dit : «Les juges de la Cour de Cassation, ceux des cours d’Appel et des tribunaux de première instance sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée, ou suspendue qu’à la suite d’une inculpation. Ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée.»

Et pour les juges de la Cour de Cassation, c’est l’article 186 de la Constitution qui apporte la précision. «La Chambre des Députés, à la majorité des 2/3 de ses membres, prononce la mise en accusation : ………….. d) Des juges et officiers du ministère public près de la Cour de Cassation pour forfaiture……….»

À comprendre ces deux articles, les juges sont non seulement inamovibles, mais aussi ils sont couverts d’une immunité. On ne peut même pas parler de privilège de juridiction car l’article précise que la seule cause probable de leur révocation doit être la forfaiture. Et là encore, ce sera à la Haute Cour de Justice de juger et de prononcer cette révocation ou destitution.

Me Inseul Salomon,

Avocat, sociologue

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