Que dit la loi?
Depuis des lustres, le peuple haïtien livre toujours un combat acharné, pour obtenir certaines libertés fondamentales. Ce combat, souvent à corps et à cris, trouve des résistances de la part des autorités qui, par traditions, nourrissent toujours l’esprit totalitariste. De l’ensemble des libertés fondamentales, il y en a une qui fait tiquer souvent les autorités, bien sûr, en raison de ce qu’elle représente, en termes de possibles chambardements politiques, pour autant que ces derniers sont trop souvent prédateurs.
Les mouvements ayant abouti au départ de Jean-Claude Duvalier et, par-dessus tout, le basculement de tout un régime d’arbitraires qui a duré trente (30) ans environ, ont accouché de toutes les libertés fondamentales et qui sont compatibles aussi à un état de droit démocratique.
Une nouvelle constitution a été adoptée et, dans son article 31, elle reconnaît le droit de tout un chacun à la réunion.
«La liberté d’association et de réunion, sans armes, à des fins pacifiques, est garantie.»
Cependant, le Conseil National de Gouvernement (CNG), ne voulant pas laisser trop de libertés et pour éviter qu’il y ait dérives, avait jugé bon de publier un décret réglementaire. Ce décret, adopté le 23 juillet 1987, venait tout juste apporter une certaine restriction.
L’article 2 dudit décret dit ceci: «Toute personne, désirant organiser pacifiquement une réunion ou une manifestation sur la voie publique, doit en donner notification, quarante-huit heures avant la réunion, aux autorités de police de sa localité.»
Cet article du décret du 23 juillet 1987, ne fait que reprendre l’article 31-2 de la Constitution qui dit: «Les réunions sur la voie publique sont sujettes à notification préalable aux autorités de police.»
Donc, à la lumière de la Constitution et de la loi, la seule notification à la police, suffit. En plus, elle n’est prévue nulle part dans la Constitution et dans le décret, l’idée que la police donne son aval ou son autorisation. Il n’est même pas prévu que le parcours soit discuté. Une fois invitée, la force publique n’a d’autre choix que de se rendre sur les lieux pour, non seulement marquer sa présence, en termes de prévention, mais pour répondre aussi à sa mission fondamentale qui est de servir et de protéger.
Personne ne peut empêcher des citoyens de manifester, ni se donner le pouvoir de disperser une manifestation qui ne présente aucun signe de trouble à l’ordre public, voire l’interdire. Interdire une manifestation ou déclarer une zone interdite aux manifestations, n’est ni légal, ni constitutionnel. Et celui qui le fait, commet un excès de pouvoir ou encore un abus de pouvoir, et peut être poursuivi, conformément à la loi.
Me Inseul Salomon
Avocat, Sociologue.