Dans son dernier bulletin consacré à la crise humanitaire en Haïti, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) fait état qu’en 2020, 4,6 millions d’Haïtiens, soit environ 40% de la population totale, auront besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Plus de 57% de cette population vulnérable sont des femmes et 45,5% des enfants. Pour le moment, «un Haïtien sur trois a besoin d’une aide alimentaire urgente, soit 3,7 millions de personnes, une augmentation importante par rapport à 2,6 millions de personnes fin 2018. Si aucune action immédiate n’est entreprise, entre mars et juin 2020, 1,2 million de personnes pourront manger un repas tous les deux jours et environ 2,8 millions de personnes pourraient manger un seul repas par jour», a fait savoir l’OCHA qui a jugé qu’une crise économique est la dernière chose dont les Haïtiens ont besoin, vu leur situation actuelle.
En effet, au plus fort de la crise, la nourriture est devenue difficile pour la plupart des gens. Le prix d’un panier alimentaire de base – riz, farine de blé, maïs, haricots, sucre et huile végétale – a augmenté de 34%, depuis le début de l’année. Dans ce contexte presque insupportable, l’agence onusienne en charge des affaires humanitaires réclame une plus importante aide financière que celle de l’année dernière pour pouvoir soutenir le peuple Haïtien qui est en train de faire face à une des périodes les plus difficiles de son histoire. «Les besoins de financement pour le plan de réponse humanitaire (HRP) 2020 ont doublé par rapport à 2019, passant de 126 millions de dollars à 253 millions de dollars, avec 2,1 millions de personnes ciblées pour recevoir cette assistance», a appuyé l’OCHA, rappelant que le HRP 2019 d’Haïti n’est financé qu’à hauteur de 29%. «La capacité des organisations humanitaires à fournir une assistance a été gravement limitée, en raison du manque de financement», a fait remarquer l’agence onusienne, rappelant que les 126 millions de dollars, réclamés en 2019, ciblaient 1,3 million de personnes vulnérables. De plus, le marché de l’emploi en Haïti ne suffit pas pour sortir les gens de la pauvreté, car 45 pour cent des travailleurs gagnent moins de 1,25 USD par jour. Avant la crise actuelle, 1 enfant sur 10, en Haïti, présentait des signes de malnutrition, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF). En août 2019, plus de 65 500 enfants de moins de 5 ans souffraient de malnutrition en Haïti et avaient besoin de soins urgents, toujours selon L’UNICEF. «La crise a eu un impact sur l’éducation, les écoles ayant été contraintes de fermer leurs portes à différentes périodes de l’année scolaire, touchant environ 2 millions d’enfants», a noté l’OCHA, alertant qu’au moins 500 000 enfants, âgés de 5 à 18 ans, sont déjà en dehors du système scolaire.
De son côté, l’économiste Kesner Pharel, président directeur général de la firme privée Group Croissance, estime qu’il y a eu une aggravation de la misère, durant l’année 2019. «Depuis le tremblement de terre dévastateur du mardi 12 janvier 2010, c’est pour la première fois qu’un tel niveau de destruction de richesses est enregistré dans le pays, au cours d’une année», a relevé Kesner Pharel. L’année 2019 a été marquée, par une paralysie totale des principales activités, engendrée par l’opposition politique, en vue d’obtenir la démission du président Jovenel Moïse. Cette situation, qui a duré trois mois, n’est pas sans conséquences sur l’économie du pays, a indexé l’économiste. Durant ce laps de temps, les recettes budgétaires n’ont pas atteint 4 milliards de gourdes, alors que le budget 2018-2019, déposé au Parlement, prévoyait une recette de 114 milliards de gourdes. L’État devrait rentrer plus de 9 milliards de gourdes par mois… Mais, le niveau accumulé de déficit budgétaire a créé des arriérés de paiements, assez élevés pour l’économie nationale.
Altidor Jean Hervé