Le poste du président de la République est convoité par bon nombre de nos concitoyens. Une telle attitude pourrait se justifier, si leur motivation était conditionnée par leur patriotisme, le désir d’être utile à leur communauté. Bizarrement, chez nous, cette attraction au pouvoir politique est purement financière. Quel est le moyen le plus rapide de s’enrichir en Haïti ? Comment s’approprier des biens d’autrui, des deniers publics, sans risquer la prison ou la mort ?
Le pouvoir politique donne la fortune et l’immunité, alors que le trafic de la drogue n’offre que la première. On comprend mieux, quand la population chante cette meringue : « Prezidan, peyi a se pou ou, kale dada w jan w vle ! », ce qui pourrait se traduire comme : « Président, le pays est vôtre, faites-en comme bon vous semble ! ».
Nous avons laissé partir M. Jean-Claude Duvalier avec ce qui restait dans les caisses de l’État. Nous n’avions pas demandé des comptes pertinents aux militaires putschistes. M. Avril a bien prospéré. M. Henri n’en fit pas moins quant au pillage. Raoul céda le pouvoir face à la proposition d’un exil doré au Panama. L’ancien petit prêtre de St-Jean Bosco semble avoir abandonné ses vœux de pauvreté. M. Latortue se serait empressé vitement pour réclamer ses commissions de 5% de chaque projet qui était sujet à son approbation ou révision, quand il était le baron de la primature. Le silence du feu agronome, deux fois président, avait son propre prix. Et finalement, la fortune que cherchait l’auto-proclamé Roi du Compas haïtien pendant 30 ans, était possible en quelques mois au Palais national. Avec tous ces exemples d’enrichissement sans transparence aucune, comment s’attendre à ce que le locataire actuel, M. Jovenel Moïse, ait un comportement différent ?
Une fois au pouvoir, pour nos leaders politiques, il est exclusivement question de compléter leur mandat, 4 ans, 5 ans, 6 ans. Sans aucune vision pour un mieux-être de la nation, leurs missions c’est de former entre eux des alliances criminelles, pour consolider leurs contrôles des ressources de l’État haïtien. Et quand le peuple demande des comptes, ils choisissent la voie de la répression. Si leurs violences et injustices n’arrivent pas à contraindre la population à la soumission totale, ils appellent au dialogue, pour tuer le temps et calmer les esprits. Mais, comment dialoguer sans transparence ? Comment s’asseoir autour de la même table avec des voleurs et des assassins? Quelle justice espérer des cinquante juges corrompus, nommés par un président qui est un inculpé pour blanchiment d’argent? Ne lit-on pas de notre hymne national : « dans nos rangs, point de traîtres ? Du sol soyons seuls maîtres »? Comment négocier avec un ministre de la Justice qui vient de souiller notre Constitution et plonger toute une nation dans la honte, en obéissant servilement aux commandes de ses maîtres américains pour libérer des mercenaires dangereux ?
Le président lui-même, comme premier citoyen de la nation, doit emprunter la voie de la transparence sur les dossiers le concernant. La présidence, sous la bonne grâce de M. Jovenel Moïse, n’aura aucune autorité morale pour entamer un dialogue national, sans rendre compte sur les points suivants :
- les fonds tirés des caisses de l’État, accordés comme des prêts non remboursés, à des particuliers (AGRITRANS) sous la direction de M. Jovenel Moïse, comme cadeaux de l’ancien président, M. Joseph Martelly ;
- les accusations de blanchiment d’argent de M. Jovenel Moïse et les obstructions à l’avancement de ce dossier en Justice ;
- la gestion des contrats de COMPHENER avec l’État haïtien, pour lesquels des fonds furent versés à ladite compagnie, sans aucune exécution des travaux sous la direction de M. Jovenel Moïse ;
- les franchises douanières octroyées d‘une façon préférentielle à certaines personnes ou entités, jusqu’alors inconnues de la population ;
- les contrats préférentiels de l’E D H avec des fournisseurs d’énergie ;
- les milliers de chèques zombis dans l’administration publique, sans une poursuite en justice contre les malfaiteurs protégés par le président ;
- les dépenses millionnaires de la Caravane de changement qui reçoit des fonds en aide et des prêts, au nom de l’État haïtien ;
- le contrat mafieux avec DERMALOG négocié par la Première Dame.
- la surfacturation des kits scolaires, sans poursuite ni sanction contre les accusés proches de M. Jovenel Moïse;
- les arrestations illégales des opposants politiques, aggravant la problématique de détention prolongée ;
- la libération illégale et arbitraire de 5 bandits américains et deux serbes, arrêtés, qualifiés de « terroristes » par le Premier ministre Henri Céant.
À défaut de fournir les explications pertinentes sur les points susmentionnés, aucun dialogue ne pourra avoir lieu avec le Président Jovenel Moïse. Car, une fois de plus, l’équipe au Palais national aura démontré à la nation qu’elle n’est pas prête pour négocier une sortie à cette crise. Dans un tel scénario, le peuple devra continuer les revendications, jusqu’à la capitulation totale de ce système pourri. Le président doit donner l’exemple d’un leader qui écoute les revendications de son peuple, en apportant les réponses aux questions critiques sur sa gestion à la Direction de AGRITRANS, de COMPHENER et comme Président de la République d’Haïti. Sinon, le peuple, dans sa quête de justice, pourra faire de lui un mauvais exemple. An nou sispann pale pou pale. Si vous préférez : cessons les charabias!
Rodelyn Almazor
23 février 2019