Après analyse du projet de loi de finances 2018-2019 par la commission permanente, habilitée à effectuer cette tâche, la Chambre des députés a décidé de renvoyer le texte à l’Exécutif. Les députés, pro-gouvernementaux et opposants, estiment que le projet de loi de finances 18/19, chiffré à 172,8 milliards de gourdes ne répond pas aux exigences de l’heure. Avec une enveloppe de 110 milliards de gourdes, allouée aux dépenses et 62,8 à l’investissement, ce projet de budget ne cadre pas avec la réalité, argumente le député de Marigot, Déus Deroneth. « La Chambre des députés retourne le projet de loi de finances à l’Exécutif, en espérant qu’il sera reformaté, dans le strict respect de la loi du 4 mai 2016, qu’y seront opérés les ajustements stratégiques, habiles à lui restituer cohérence et crédibilité et à le rendre conforme aux règles, aux exigences de l’heure et aux aspirations des populations », a écrit le président de la Chambre des députés, Gary Bodeau, dans une correspondance adressée au Président de la République, Jovenel Moïse. Le président de la Chambre des députés, Gary Bodeau, a soutenu que « le président de la Chambre n’a pas à consulter l’assemblée ni quiconque dans l’assemblée, pour trancher sur un point de droit », le non-respect de loi du 4 mai 2016. Selon l’article 44 de la loi du 4 mai 2016, votée par ce même Parlement, le MEF doit soumettre le projet de loi de finances à la CSC/CA pour vérifier sa conformité avec les règlements, vérifier le respect des règles d’élaboration budgétaire, la conformité des projections. Ceci a été fait le 1er décembre. Au terme de ses analyses, la Cour a fait les 3 recommandations à la Chambre qui constitue la porte d’entrée du budget, selon la loi. L’une d’entre elles est de retourner le budget, a expliqué le président de la Chambre des députés, Gary Bodeau, qui a indiqué que les commissions permanentes, élues pour un an, sont dissoutes pour être reconstituées par élections / ou consensus entre les blocs politiques. L’analyse profonde, sereine et objective de « la loi de finance 2018-2019 n’a pas réussi à dissiper les préoccupations de la Chambre, relatives à la conformité du document » par rapport à la loi, « aux exigences de la conjoncture, aux attentes évidentes des populations, lit-on dans la lettre du président du bureau de la Chambre des députés. « Le bureau a reçu, à la date du 9 janvier 2019, une correspondance de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif par laquelle cette institution spécialisée exprime des doutes profonds sur le respect du cadre légal et réglementaire, relatif aux ressources et aux charges, sur la pertinence des mesures à caractère fiscal et douanier, sur la cohérence budgétaire et une inadéquation patente entre les politiques du gouvernement et ces programmes », poursuit la lettre du président de la Chambre des députés, Gary Bodeau. Cet avis de la CSC/CA, celui d’autres experts et membres de la population « ont conforté la Chambre des députés dans ses conclusions ». « Le poids que prennent les impôts indirects dans la structure des recettes internes n’est pas un gage de justice sociale. Les impôts indirects frappent tout le monde indistinctement, sans considération du niveau de fortune. Tandis que la variation relative des recettes totales par rapport à l’exercice fiscal antérieur est de 15,2 %, les impôts indirects ont crû de 20,9 %. N’y aurait-il pas contradiction avec les déclarations officielles d’un budget à caractère social ? », s’est interrogé la CSC/CA. La Cour des comptes a également évoqué le problème de clarté, de sincérité et de transparence du projet de loi de finances 2018-2019. La Cour, sur la transparence, a souligné que les revenus générés par les organismes autonomes sont passés de 548 millions de gourdes pour l’exercice 2017-2018 à 3 milliards de gourdes. «Cela ne veut pas dire pour autant que la cause de la transparence a abouti », selon la CSC/CA. « En effet, jusqu’à présent, les organismes autonomes manifestent des réticences à rendre disponibles leurs documents financiers tels que : budgets, états financiers, inventaires, même aux institutions légalement chargées du contrôle des transaction publiques. Cette rétention de l’information offre la possibilité de financement de transactions, en dehors du cadre de la loi de finances », lit-on dans cette analyse de la CSC/CA qui indique que la rubrique « Autres dépenses publiques » a été ajoutée pour offrir plus de flexibilité aux ordonnateurs dans la gestion des crédits ». « La possibilité de donner des subventions par des entités s’est accrue. Ces dernières devraient connaître une certaine désaffectation. Son poids dans le budget est en augmentation ; ce qui ne contribue pas à la transparence », selon la CSC/CA. « Les interventions publiques représentent 15,7 % des crédits de fonctionnement avec dans les Autres interventions publiques » une ligne « Autre » de deux milliards trois cent cinquante millions de gourdes. Quand on y ajoute la flexibilité qui peut être donnée dans l’utilisation de certaines autres lignes, il se dégage l’impression qu’il y a une grande marge de manœuvre à l’intérieur du budget, pour englober des actions non prévues initialement, ou des actions discrétionnaires », selon la CSC/CA. « La tendance constatée depuis quelque temps, et maintes fois dénoncée par la Cour, que les lois fiscales soient simplement modifiées à travers la loi de finances, a été reproduite. Ce qui complique, outre mesure, la situation d’un entrepreneur qui souhaiterait s’informer sur le niveau de l’imposition en Haïti, dans un domaine déterminé », a indiqué la CSC/CA.
Altidor Jean Hervé