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Quelques suggestions de mesures économiques alternatives…

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Au moment de la rédaction de cet article, le Président Jovenel Moise est encore en consultation pour se faire une idée du profil idéal du prochain Premier Ministre qui aura la tâche de constituer le gouvernement qui prendra la relève de celui qui est démissionnaire depuis le 14 juillet. Ce travail, paraît-il, est fort avancé mais le Président n’aurait pas encore fait le tour des acteurs importants du pays. Et ils sont très nombreux ! Il faut espérer que cette réflexion débouchera bientôt sur la mise en place d’un gouvernement qui saura mener le pays à bon port et, du même coup, effectuera le sauvetage de ce mandat présidentiel. C’est en effet l’enjeu pour le Président. Si, par malheur, il survenait un autre dérapage d’envergure, je ne parierais pas beaucoup sur sa capacité à terminer son quinquennat au 7 février 2022. Mais il est urgent de boucler la boucle, vite fait, car les échéances de certains moments importants de l’exercice financier se bousculent au portillon et n’attendront pas la semaine des quatre jeudis. La saison cyclonique est entamée. L’été bat son plein. La rentrée des classes, c’est dans six (6) semaines environ. Et un nouveau budget doit être déposé au Parlement avant le 1er septembre. La crise actuelle que connaît le pays ne touche pas seulement les secteurs politiques et sociaux. L’économie reste le principal maillon à en subir les contrecoups. Aussi vais-je m’y attarder.

En passant, plusieurs d’entre nous ont lu la lettre ouverte, ô combien touchante, du Dr Réginald Boulos à ses compatriotes, ainsi que certaines réponses non moins percutantes de quelques concitoyens qui ont pris la peine de lui adresser en retour, leurs propres réflexions à sa situation. Ces échanges épistolaires soulignent à grands traits que nous sommes loin du dialogue serein et responsable auquel bien des gens aspirent, pour un meilleur avenir national. À lire ces épanchements mouillés d’acide, le vivre ensemble harmonieux, comme le souhaite un certain K-Plim, ne semble pas être pour demain la veille. On se déballe plutôt des vérités dures et crues. Mais qui sait ? C’est peut-être le début de la thérapie sociale que l’on devra subir pour ressouder les différentes parties de notre société, le « Purgatif St-Yves » qu’il faudra avaler pour se débarrasser des toxines sociales qui nous empoisonnent l’existence depuis trop longtemps. Il faut parfois toucher au fond du baril, avant de se résoudre à faire certains sacrifices et à endurer les chemins de croix vers la rédemption. Il faut tâter les plaies du doigt, en expurger la purulence et y appliquer le vitriol caustique pour enfin aspirer à leur guérison. Cœurs sensibles s’abstenir.

Pour en revenir à l’économie, le sujet auquel je veux m’adresser tout particulièrement, il est clair qu’en 18 mois de l’ère Moïse/Lafontant, elle a marqué le pas et a même régressé. Le coût de la vie a augmenté considérablement et les revenus, déjà très faibles, peinent à suivre le rythme effréné de cette course. En 2016, le revenu mensuel brut par habitant en Haïti était de 65 $ U.S. La moyenne mensuelle en Amérique était de 2 172 $, tandis que la moyenne mondiale pour la même période était de 858 $ U.S. (Source : Journal du Net, selon des données publiées par la Banque Mondiale). Faisons les comparaisons, chacun de son côté, et mesurons ensemble notre retard par rapport au reste du monde ou aux autres pays de notre hémisphère. On est loin, très loin en arrière de presque tout le monde. Selon Haïti Libre, en 2015, le coût du panier de provisions avait augmenté de 10% par rapport à celui de l’année 2014 et les perspectives étaient encore à la hausse pour 2016 par rapport à 2015. Selon une publication de Loop Haïti, en date du 15 mars 2018, « la banquette de provisions alimentaires en Haïti était encore en hausse de 6% par rapport au quatrième trimestre de 2016. » Tout cela, c’était avant les émeutes du 6, 7 et 8 juillet 2018 qui ne vont certainement pas améliorer la situation générale de l’économie au pays. Le tableau que je suis en train de peindre est plus que sombre et nécessite donc une prise en charge technique, menée d’une main sure et experte certes, mais exige également une vision très claire et très nette des priorités auxquelles le prochain gouvernement devra s’atteler avec ordre et discipline. À cet égard, je propose quelques suggestions pour une réflexion.

Le gouvernement démissionnaire haïtien vient de convenir, avec le gouvernement vénézuélien, le report du versement de la dette du Fonds PetroCaribe pour l’exercice 2018-2019, soit environ 90 millions de dollars U.S. Il semblerait que le Président Jovenel Moïse soit porté à utiliser ce montant pour une réédition des programmes sociaux comme Ti manman cheri, Kore Etidyan et la Caravane du Changement. À mon humble avis, il s’agirait là d’une erreur fondamentale. On ne devrait pas utiliser une telle dette pour des programmes qui ne sont pas eux-mêmes porteurs de revenus susceptibles de rembourser une dette qui augmente, par le fait même, du montant du remboursement reporté et auquel il faudra ajouter les intérêts encourus. Je propose de préférence que ce montant soit affecté à des programmes générateurs de revenus, qui vont à la fois créer des emplois pour la population, qui permettront au gouvernement d’augmenter la production locale et de rembourser le gouvernement vénézuélien pour sa générosité envers nous. Je proposerais de consacrer une bonne partie de ce montant pour créer 10 fermes agricoles de l’État, une dans chacun des départements, et qui produiraient certaines denrées sur lesquelles on se serait entendu avec le gouvernement vénézuélien. Celles-ci seraient consacrées au remboursement de la dette PetroCaribe, jusqu’à concurrence de 100 millions de dollars par an, en produits agricoles, bruts et/ou transformés. Le ministère de l’Agriculture dispose déjà dans ses classeurs, des études fort éloquentes et riches en données chiffrées sur les différentes filières agricoles prometteuses qui pourraient être exploitées à cette fin : cacao, ricin, miel, mangue, banane, manioc, igname, haricot, avocat, noix d’acajou, etc. Les retombées en emplois, les coûts de développement et d’implantation des projets, leur durée de gestation, l’échéance pour la maturité de chacune des filières, les bénéfices environnementaux, tout y est déjà calculé. Il manquait seulement le financement de départ et le fonds de roulement au démarrage qui se trouvent tout indiqués avec cette manne vénézuélienne qui tombe ainsi à point nommé. (entre autres références : Économie verte : Étude sur les filières agricoles et le verdissement de l’économie dans le Département du Sud; MARNDR, Haïti). On n’aurait qu’à répliquer et qu’à extrapoler les données de cette étude conçue spécifiquement pour le département du Sud, aux autres départements du pays.

À la date du 1er octobre prochain, je proposerais au gouvernement de reconduire tout simplement le budget annuel 2017-2018, soit un montant de 144,2 milliards de gourdes, révisé pour refléter les modifications à certaines enveloppes budgétaires, de façon à liquider en priorité les arriérages de salaires des fonctionnaires de l’État, de tous les fonctionnaires de l’État. Cela supposerait une réduction de l’enveloppe de 7,19 milliards de gourdes environ, accordée aux parlementaires et de celle allouée à la présidence. Ces deux entités, par définition, ne sont pas des maîtres d’œuvre et ne devraient donc pas être des comptables des deniers publics. Leur rôle à toutes les deux sont essentiellement et respectivement de contrôle (le Parlement) et de coordination de l’action de l’Exécutif (la Présidence). Pour l’exercice 2016-2017, l’Exécutif ne s’en était pas si mal sorti avec un budget de 19,6 milliards de gourdes, le Législatif avec 3,91 milliards de gourdes, tandis que le judiciaire ne requérait que 1,06 milliards de gourdes. En majorant ces postes de 20 %, pour tenir compte de l’érosion de la gourde et de l’augmentation générale des coûts, il n’y aurait aucune raison pour ces pouvoirs de ne pas s’acquitter adéquatement de leurs responsabilités administratives respectives, avec le budget qui leur serait ainsi octroyé pour 2018-2019. On devrait aussi limiter les voyages à l’étranger à répétition, des grands commis de l’État, sauf nécessité absolue, et on devrait ramener les per diem versés, à des montants à la portée de nos finances et strictement assortis de pièces justificatives obligatoires, sinon, remboursement personnel, ipso facto, de tous débours non justifiés ou irrecevables. En revanche, on devrait augmenter sensiblement l’enveloppe consentie aux municipalités pour leur fonctionnement, le paiement de leurs employés et l’assainissement de leur juridiction respective. On en ferait de même pour la Police nationale d’Haïti, afin qu’elle puisse effectivement contrôler nos douanes (police douanière), toute la zone frontalière avec la République Dominicaine (police frontalière) et qu’elle puisse couvrir finalement tout le territoire du pays. Pour ma part, je réitère mon opinion, déjà partagée dans ces colonnes, que je ne vois aucune utilité à consacrer, ne fut-ce qu’un sou noir, à une soldatesque virtuelle, réduite à un chimérique effectif de 500 hommes. Elle est non seulement inutile, car incapable de répondre aux missions de sauvegarde de l’intégrité territoriale, mais elle pourrait se révéler assez rapidement une autre menace de subversion interne, comme par le passé, étant donné qu’elle a été remobilisée sur les mêmes bases antérieures, sans une critique élaborée ni une nouvelle réflexion afin de limiter cette propension qui lui semblait si naturelle, dans un passé encore récent.

Pour bien faire comprendre à la population le sérieux de sa nouvelle orientation, dans le cadre du budget 2018-2019, ce gouvernement d’un nouveau genre appliquerait rigoureusement une politique d’austérité et de frugalité dans les dépenses non essentielles des différents ministères et abolirait purement et simplement des avantages scandaleux, accordés aux parlementaires et à d’autres grands commis de l’État (véhicules de service avec allocation de carburant, maison de service à la capitale et embauche de nombreux conseillers en tout genre). À la lumière des résultats si peu probants constatés, on est en droit de se questionner sur la justesse de leurs avis éclairés. En outre, il n’y a pas de petite épargne dans la gestion de la chose publique. Chaque gourde de dépense épargnée à l’État, sera autant d’argent qui pourra être investi dans la production nationale, dans la construction de nos infrastructures, dans la mise en chantier d’un parc immobilier pour combler les besoins criants en logements décents et accessibles aux moins nantis de la population, dans la construction et la dotation des écoles décentes pour accueillir et instruire nos enfants, surtout ceux de l’arrière-pays, abandonnés à leur sort dans des espaces sordides, en guise d’institutions scolaires, et dans la mise à niveau nécessaire du personnel de la fonction publique.

Je ne suis pas un économiste, encore moins un politicien, juste un citoyen lambda. Néanmoins, il me semble que le bon sens devrait avoir dicté à ce gouvernement sortant, d’arrêter un moment, avant de foncer tête baissée vers les contours imprécis et vagues de promesses fumeuses, sans tenir compte des réalités qui nous crèvaient les yeux. Pourtant, il était clair que le policier qui n’avait pas reçu son solde du mois écoulé, ne pouvait pas se concentrer efficacement à « protéger et servir » la communauté, quand sa famille et lui sont aux prises avec des contraintes urgentes pour leur propre survie quotidienne. De même, il était évident que l’instituteur qui n’avait pas été payé depuis un mois, quand ce n’est pas depuis plusieurs trimestres, ne pouvait pas avoir le cœur à l’ouvrage et partager allègrement le pain de l’instruction avec nos enfants que nous lui avons confiés. C’est pareil pour la population qui observe le gaspillage quotidien des maigres ressources du pays, par ses nombreux mandatés. Il était limpide comme l’eau de source, qu’elle ne pourrait pas se résoudre à accepter une énième augmentation des charges que lui imposerait l’État, alors qu’elle ne voit pas quels avantages cela lui rapportera en retour. Si on avait encore besoin d’avoir leur opinion sur ces sujets, le citoyen et la citoyenne de la rue se sont clairement exprimés là-dessus, les 6, 7 et 8 juillet derniers. La facture de cette consultation publique n’était pas gratuite et sera plutôt salée. Il faut espérer que cette fois-ci, on aura non seulement entendu la voix du peuple, mais qu’on aura aussi bien compris son message, cinq sur cinq.

Pour une certaine cohérence dans la démarche du futur gouvernement, il faudra d’abord se consacrer à remettre les compteurs à zéro, dans tous les secteurs de la vie du pays, avant de tenter d’avancer dans certains domaines prioritaires, tout en consolidant le socle des acquis sociaux et économiques sur lequel nous pouvons encore compter. Ce sera la première tâche du prochain gouvernement car celui qui est démissionnaire aujourd’hui n’avait pas jugé bon de s’y attarder avant de commencer à s’attaquer à des projets pour la réalisation desquels il ne disposait encore ni des plans et devis, encore moins des moyens pour leur mise en œuvre. Il n’en était encore qu’à l’étape d’ébauche préliminaire et à la recherche de bailleurs de fonds éventuels pour leur financement, alors qu’on faisait étalage de leurs retombées immédiates ainsi que des délais butoirs pour leur inauguration (exemple : électricité 24/24, dans 24 mois, dans tout le pays, le nouveau Palais législatif, etc.). Le résultat est qu’aujourd’hui, il faut tout reprendre à zéro, en essayant, cette fois-ci, de commencer par le commencement.

En attendant de constituer le prochain gouvernement et de tenter de faire les choses comme il faut pour une fois, la situation économique du pays continue de se dégrader à vue d’œil. Tous les indicateurs économiques sont au rouge vif. La gourde dégringole et passe à 69 gourdes pour 1 dollar U.S. (source : Radio Métropole, 22 juillet), même après les injections de millions de dollars américains, au cours de ce printemps, sur le marché local par la BRH, afin de stabiliser les cours de la gourde. La liste des chômeurs et des chômeuses s’est encore allongée avec la fermeture des entreprises qui avaient subi l’assaut des casseurs, lors des dernières émeutes. Les festivités estivales qui attirent les compatriotes de la diaspora seront passablement désertées cette année, prudence oblige. Finalement, le lapin que le gouvernement s’apprêtait à tirer de son chapeau, pour convertir le déficit budgétaire appréhendé à la fin de cet exercice financier, en un surplus budgétaire miraculeux, ne sera qu’un vulgaire chiffon, au bout du compte. Le tour de magie financière sera sans doute pour une autre fois. On tablait, pour cela, sur les recettes liées à l’augmentation des prix du carburant à la pompe, qui ne seront pas au rendez-vous, le gouvernement ayant été contraint à y renoncer. Ai-je mentionné que même la Caravane, si chère au Président, est également tombée en panne, faute de fonds? L’été sera donc chaud, à tous les points de vue, au sens propre comme au sens politique. À la cogitation de nos hauts dirigeants, je fais cette modeste contribution, en espérant qu’une toute petite idée en sera retenue et appliquée.

Pierre-Michel Augustin

le 24 juillet 2018

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