Une résidence officielle pour le président du Sénat à Thomassin 25, coûtant 7,2 millions de gourdes annuellement, c’est la nouvelle qui enflamme les réseaux sociaux cette semaine. Face à cette décision très critiquée dans un pays où la majorité de la population croupit dans la misère, le président du Sénat, Joseph Lambert, tente de se laver, mais lève le voile sur d’autres trous dans lesquels les autorités déversent l’argent du contribuable haïtien. C’est une dispute, qualifiée de préélectorale par certains, entre les élus du Sud-Est, qui a poussé les sénateurs Ricard Pierre et Joseph Lambert à s’entredéchirer sur la place publique et, du coup, à vendre la mèche à la population. Accusé par le sénateur Lambert dans une affaire de détournement d’une génératrice destinée à son département lorsqu’il était questeur du Sénat, le sénateur Ricard Pierre riposte en voulant salir à son tour le président du Sénat, Joseph Lambert, son grand rival dans le Sud-Est. Selon Ricard Pierre, Joseph Lambert vient de se payer le loyer d’une résidence officielle pour la coquette somme de 8 millions de gourdes pour une année. Ces millions sont tirés de la poche du citoyen haïtien, à travers le budget du Sénat. Le lundi 16 juillet 2018, le président du Sénat, Joseph Lambert, convoque les journalistes accrédités au Parlement et explique que l’histoire d’un Sénat qui paie une résidence officielle pour son président est bel et bien réelle et ne pose aucun problème puisque « la République paie une résidence officielle pour le chef de l’État, une résidence officielle pour le Premier ministre, même le chef de la police a une résidence officielle, pourquoi pas une pour le président de l’Assemblée nationale, le deuxième personnage de la République, question de prestige », a justifié Joseph Lambert, en lisant le procès-verbal de la conférence des présidents du lundi 5 mars 2018. Cette idée était venue du sénateur de l’Artibonite, Carl Murat Cantave, qui, en conférence des présidents le lundi 5 mars dernier, avait proposé que le Sénat de la République paie une résidence officielle pour son président. Avec le procès-verbal de la conférence des présidents en main comme preuve, le président du Sénat souligne que la proposition de Carl Murat Cantave a été validée par les sénateurs « Denis Cadeau, Onondieu Louis, Nawoon Marcellus, Carl Murat Cantave, Jean Renel Sénatus, Ronald Larêche, Dieudonne Luma Étienne, Richard Lénine Hervé Fourcand, Jacques Sauveur Jean, Youri Latortue, Gracia Delva, Jean Rigaud Bélizaire, Jean Marie Ralph Féthière, Kedlaire Augustin, Saurel Jacinthe et Joseph Lambert». Selon ce dernier, ces sénateurs, à l’unanimité, « ont agréé et ont instruit le bureau pour les suites nécessaires ». Dans cette quête de grandiloquence pour le président de l’Assemblée nationale, le président de la Chambre haute rapporte que le sénateur Carl Murat Cantave a même proposé que le président du Sénat ait son propre cortège comportant « avant-garde et arrière-garde et soit précédé par deux motos montées par des policiers en uniforme». Cet autre cortège de plus dans la ville, Joseph Lambert l’a écarté en mettant en exergue les critiques que cela aurait suscitées. Si le cortège est écarté dans le lot des privilèges, à cause des critiques, la résidence officielle, elle, n’est pas apte à attirer les mauvaises langues, pour autant que cela reste secret, bien sûr. Ainsi, le président du Sénat s’est trouvé une maison pour sa résidence officielle.
Le prix ? 7 280 000 gourdes par année. Cependant, la décision d’octroyer une résidence officielle au président du Sénat devient de plus en plus embarrassante pour les hommes du bord de mer qui se hâtent de s’expliquer à une population déjà très remontée contre le Parlement, perçu comme un lieu de gaspillage de l’argent du peuple. En effet, depuis le déclenchement de ce scandale, le président du grand Corps s’est converti en véritable tout-terrain, passant de média en média pour tenter de convaincre les citoyens. Le sénateur du Sud-Est, Ricard Pierre, quant à lui, rejette les déclarations du président du Sénat, Joseph Lambert, selon lesquelles il aurait en sa possession des génératrices appartenant au grand corps. « Le président du Sénat avait organisé une conférence à la fin du mois de janvier où il avait exprimé ouvertement son incompréhension sur le bien-fondé des débats autour des génératrices », explique Ricard Pierre, indiquant qu’à la fin de son mandat, le bureau avait normalement retiré une génératrice qui devait desservir le bureau départemental du Sud-Est. Le parlementaire s’insurge dans la même veine contre son collègue, Joseph Lambert qui lui avait ironiquement conseillé de remettre sa démission pour montrer au peuple haïtien qu’il se désolidarise du Sénat de la République. Pour M. Pierre, seule la population du département du Sud-Est peut réclamer sa démission. En ce qui a trait à la résidence officielle du président de l’assemblé nationale, il se dit surpris de la réaction de son collègue qui, selon lui, agit en mauvais perdant. Il révèle que ce dernier a menti sur la durée (de 1 an) du contrat de bail de la location d’une résidence officielle à son profit. Cette résidence, évaluée à 7 millions 282 mille gourdes équivalant à 13 mille 382 dollars américains par mois, est louée pour une durée de huit mois, commençant le 1er février pour prendre fin en septembre, ce que déplore Ricard Pierre qui rappelle que chaque sénateur reçoit du Grand-Corps une allocation mensuelle pour une 2e résidence.
Emmanuel Saintus