69 gourdes pour un dollar américain. La dévaluation de la monnaie locale se poursuit. Cette dévaluation est la conséquence de la politique néolibérale, appliquée par les autorités haïtiennes, selon les déclarations de l’économiste Camille Chalmers. Le mercredi 18 juillet, le billet vert s’achetait à 69 gourdes pour 1 dollar, à partir d’un montant de 500 dollars. La gourde qui était le 4 mai 2018 à 64,2218 HTG pour 1 dollar américain, continue de plonger par rapport à celui-ci. Le directeur exécutif de la plateforme «Plaidoyer pour un développement alternatif» (PAPDA), prône une politique économique tournée vers la relance de la production nationale et non vers l’importation. L’économiste s’en prend aussi à la banque centrale haïtienne et exhorte les autorités gouvernementales à appliquer une politique économique qui favoriserait l’augmentation de la production nationale. Selon Chalmers, la dévaluation de la gourde par rapport au dollar est une tendance structurelle de long terme, les décisions de la banque centrale, dit-il, ne font que favoriser la dollarisation de l’économie haïtienne. Ce mécanisme est établi par le biais du financement des importations et les types de crédit. Cette logique économique ne favoriserait en rien la production nationale, ce qui, selon M. Chalmers, renforce la dépendance de l’économie haïtienne par rapport à l’extérieur. Par ailleurs, il existe un autre problème majeur, selon lui: celui de la capacité de direction qui se traduit par la capacité de conduite que «nous pouvons démontrer à la politique monétaire”, explique-t-il. Par ceci, l’économiste entend l’applicabilité des décisions prises par la banque centrale, qui ne sont pas appliquées par les maisons de commerces et les banques commerciales. À titre d’exemple, il cite la dernière décision de la BRH, de libeller en gourdes, toute les transactions, qui n’est jamais respectée. L’économiste dit trouver aberrant les différences entre les taux de change dans les différentes banques commerciales ainsi que la fixation du taux de change par l’Ambassade américaine en Haïti, par exemple.
Pour sa part, l’économiste Kesner Pharel a expliqué que cela résulte des troubles survenus les 6 et 7 juillet 2018. « L’économie haïtienne subit deux grands chocs au cours des 50 dernières années. Les catastrophes naturelles et les chocs provoqués (instabilité politique). Ces chocs dérangent l’économie et frappent le secteur de l’offre, local et international. Parce qu’on ne génère pas assez de devises, quand on va reconstituer les biens, il y aura une rareté de devises par rapport à la quantité de gourdes mise en circulation », explique-t-il. Kesner Pharel rappelle au gouvernement que le projet de dédollarisation ne va pas se concrétiser à coups de communiqués. « Il faut des mesures économiques. Il ne s’agit pas seulement du secteur public, mais aussi du secteur privé. Il faut créer un climat d’investissement. Il faut produire », a-t-il précisé. Sur les évènements survenus dans le pays après l’augmentation drastique des prix du carburant, Kesner Pharel y voit un problème de leadership. « Haïti n’est pas différente d’une entreprise qui subit des chocs, qui compte des opportunités et des menaces. Malheureusement, nous subissons plus de menaces alors que nous ratons des opportunités. (…) Les dirigeants ont fait un mauvais diagnostic. La mauvaise gouvernance a atteint son paroxysme », a-t-il tranché, regrettant que les autorités fassent la sourde oreille aux avertissements des analystes. « Maintenant, c’est toute la population qui paie les frais. La situation économique est extrêmement difficile à un moment où le pays ne peut vraiment vivre avec un taux de pauvreté extrême, touchant 2,5 millions d’habitants. Il y a 1 million d’Haïtiens qui sont sur la frontière de la pauvreté. Je suis sûr qu’une bonne partie de cette catégorie va basculer vers la pauvreté après les évènements des 6 et 7 juillet 2018 », indique-t-il. Plus loin, Kesner Pharel souligne que ces évènements auront des conséquences sur l’une des périodes les plus importantes pour l’économie (la saison estivale). « C’est la période la plus longue au cours de laquelle la diaspora haïtienne vient dépenser ses devises en Haïti. Il n’y avait donc aucune raison de perdre les deux semaines écoulées (9 à 20 juillet). Des gens ont annulé leur voyage. Donc la force de notre devise va diminuer. On a perdu la meilleure période de l’année. On va le ressentir à partir de la dépréciation de la gourde par rapport au dollar », analyse-t-il. En début d’exercice, le gouvernement a prévu un taux de croissance de 3,9%. Selon l’économiste, ces prévisions ont déjà été révisées à 2%. Cependant, fait-il remarquer, les chocs des 6 et 7 juillet peuvent enlever 0,5% de ces prévisions. Dans la même veine, il avance que la situation se compliquera davantage si le pays venait à subir une catastrophe naturelle de la force de Matthew, au cours de la saison cyclonique de cette année.
Altidor Jean Hervé